Il y a lieu de signaler que la consommation de gaz naturel, en Algérie, représente plus de 35%de la consommation globale d’énergie, au moment où la moyenne mondiale ne dépasse pas 22%. Ce modèle de consommation énergétique est insoutenable, ce qui impose, en premier lieu, un nouveau modèle de consommation énergétique basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique. Au regard des préoccupations actuelles et futures, l’avenir énergétique de l’Algérie suscite des inquiétudes !
Par : Kamel Aït Cherif, expert international en économie d’énergie
Contexte énergétique national :
L’Algérie est l’un des pays les plus énergivores, non seulement au point de vue consommation interne d’énergie (+60 millions de tonnes équivalent pétrole ‘’Tep’’ en 2019(*), avec 43 millions d’habitants contre 17 millions de Tep en 2005 avec 33 millions d’habitants (soit 1,5 tep par an et par habitant), mais surtout au point de vue affectation de cette consommation d’énergie, dont l’essentiel est consommé par les ménages (40%) et le transport (36%), sans retour de plus-value ou de richesse quelconque, alors que le secteur de l’industrie consomme moins de 20% du bilan énergétique national.
En outre, si le rythme de consommation interne d’énergie se poursuit à la même tendance, il risque de doubler à l’horizon 2030, voire tripler à l’horizon 2040. Avec un scénario laisser-faire, la production totale d’énergie risque d’être égale à la consommation interne d’énergie à l’horizon 2030.
Il y a lieu de signaler que la moyenne de consommation d’énergie de l’Algérien est le triple de la moyenne mondiale.
Par ailleurs, par type d’énergie, 14,5 millions de tonnes de produits carburants ont été consommés en 2019 (dont 70% le diesel, 25% essences et 5% GPL/c).
Ce phénomène de «diésélisation» progressif, s’il se confirme dans l’avenir, risque de réduire les marges de manœuvre des politiques par les prix, en vue de l’efficacité énergétique et environnementale. On estime que cette demande de carburant triplera d’ici 2025, sous l’effet de la croissance économique et démographique.
La consommation nationale des carburants routiers, qui dépasse 14 millions de tonnes, représente un marché de l’ordre de 10 milliards de dollars US, soit environ plus de 20% de la totalité de nos revenus d’exportation des hydrocarbures.
Pour le gaz naturel, en 2019, la consommation sur le marché national dépasse 40 milliards de m3/an ; elle devrait, sur la base d’un scénario laisser-faire, doubler à l’horizon 2025, voire tripler d’ici 2030.
Les besoins en gaz naturel se situeraient aux horizons 2025 et 2030 respectivement en moyenne pondérée à 55 et 102 milliards de m3, alors que la consommation d’électricité devrait se situer respectivement à plus de 80 TWH et 150 TWH. A long terme, ce modèle de consommation énergétique rendra problématique l’équilibre offre-demande gaz naturel.
Plus de 60% de l’énergie consommée par les ménages est de l’énergie électrique, alors que 96% de l’électricité est produite à partir du gaz naturel.
Le taux d’électrification en Algérie dépasse 98%, et le taux de pénétration du gaz naturel dépasse 60% !
«La consommation nationale des carburants routiers, qui dépasse 14 millions de tonnes, représente un marché de l’ordre de 10 milliards de dollars US, soit environ plus de 20% de la totalité de nos revenus d’exportation des hydrocarbures.»
Aussi, il y a lieu de signaler que la consommation de gaz naturel en Algérie représente plus de 35% de la consommation globale d’énergie, au moment où la moyenne mondiale ne dépasse pas 22%.
Ce modèle de consommation énergétique est insoutenable ; ce qui impose, en premier lieu, un nouveau modèle de consommation énergétique basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique.
Au regard des préoccupations actuelles et futures, l’avenir énergétique de l’Algérie suscite des inquiétudes !
La sécurité énergétique est de plus en plus importante, et la consommation nationale en énergie devrait être plus économe.
Contexte énergétique international
«Il faut se rendre à l’évidence que le marché pétrolier mondial est bel et bien entré dans une phase où l’offre croît plus vite que la demande ; un nouvel ordre pétrolier mondial se dessine !».
La situation et les perspectives du marché mondial du pétrole et du gaz ont considérablement changé par l’apparition de nouveaux producteurs et de nouvelles sources d’énergies (renouvelables et non conventionnelles), qui affectent le paysage énergétique international.
Le marché mondial du pétrole est entré dans une phase de surabondance de l’offre en pétrole. Avec, d’un côté, une offre de pétrole qui a été stimulée en particulier par le pétrole et le gaz de schiste américains, mais également la concurrence que se font les énergies entre elles, et de l’autre côté, un ralentissement de la demande mondiale d’énergie à cause d’une conjoncture économique particulièrement dégradée. L’équation énergétique mondiale se trouve profondément modifiée.
Au niveau international, chaque pays adapte sa politique énergétique en fonction de ses ressources d’énergies, de sa demande énergétique interne et de ses besoins d’investissements, afin de préserver son économie.
Au niveau géostratégique, les Américains, en optant résolument pour l’exploitation du gaz de pétrole de schiste, viennent de bouleverser en profondeur le marché énergétique mondial.
La Chine, pour sa part, affiche ses ambitions dans la bataille énergétique planétaire qui se profile à l’horizon 2030.
Dans le même temps, l’Agence internationale de l’énergie(AIE) prévoie que les Etats-Unis d’Amérique deviendront le premier producteur mondial d’hydrocarbures non conventionnels, notamment en gaz de schiste, en 2020, et un exportateur net de brut vers 2030.
Le centre de gravité mondial de la fourniture d’énergie va se déplacer du Moyen-Orient aux Etats-Unis.
Aussi, selon l’AIE, la part du gaz non conventionnel dans la production mondiale du gaz passera de 16%, en 2015, à 26% en 2035.
Cependant, les énergies renouvelables resteront des énergies concurrentes majeures du gaz. Les énergies renouvelables recèlent le plus d’innovations.
Selon les prévisions de l’AIE, le solaire sera la première source d’énergie au monde d’ici 2050 (photovoltaïque et thermique confondus). Les énergies renouvelables devraient voir leurs capacités croitre de 50% dans le monde d’ici 2024, tirées notamment par les petites unités solaires.
Les 2/3 de la production électrique dans le monde pourraient devenir éolico-solaires.
Dans cette reconfiguration stratégique du marché énergétique mondial, où se situera l’Algérie à l’horizon 2025-2030 ?
Problématique posée
Les prix du marché mondial du pétrole et du gaz chutent fortement ; les importations de toutes sortes de biens augmentent, et le volume des exportations des hydrocarbures se contracte du fait d’une consommation nationale d’énergie qui explose.
En outre, étant donné que la production d’énergie (pétrole et gaz naturel) est en baisse en Algérie, faut-il continuer à le consommer et/ou à le rationaliser ? ou bien, réfléchir à des solutions alternatives ou de substitutions dans un futur proche.
Telles sont les variables essentielles de l’équation énergétique qui se pose.
Cette équation risque de devenir carrément irréductible dans un proche avenir, si l’on n’y réagit pas.
Comment maîtriser ces variables est la question à laquelle il faudra apporter des réponses.
- Des questions sur les mutations à venir se posent :
- Quel modèle de production et de consommation énergétique pour l’Algérie ?
- Quelle transition énergétique pour l’Algérie à l’horizon 2030 ?
- Quelle transition énergétique pour l’Algérie ?
– Transition énergétique basée sur l’économe d’énergie et l’efficacité énergétique : ==» SustainableEnergyProgram ;
– Transition énergétique basée sur les énergies renouvelables ;
– Transition énergétique basée sur la transformation des déchets en énergie.
- Quel modèle de consommation énergétique ?
La problématique énergétique nationale nécessite une transition vers le mix énergétique et la maîtrise de la consommation interne d’énergie.
Plaider pour un modèle économique de consommation d’énergie basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique : «Ces deux termes [économie d’énergie et efficacité énergétique] renferment un gisement d’économie d’importance».
La promotion de l’économie d’énergie et de l’efficacité énergétique dans le secteur des ménages et transport, en Algérie, devrait s’imposer comme un but stratégique à atteindre.
Ce modèle permettra de réduire la demande interne d’énergie d’environ 20% à 30% d’ici 2030.
Des gestes «éco-citoyens» nous permettraient d’économiser l’équivalent de 6 à 8 millions de tonnes de pétroles.
Inefficacité énergétique : un fléau national !
Cette surconsommation interne d’énergie, dont nous gaspillons une bonne partie (environ 20%), est due essentiellement à l’effet prix de cette énergie bon marché et aux équipements énergivores.
L’indice de l’intensité énergétique en Algérie est une fois et demie plus élevée que celui des pays de la CEE. Ceci veut dire que nous consommons 50% d’énergie de plus que ces pays pour produire la même quantité de bien. Plus grave, cet indice ne fait que se dégrader depuis 2004.
- Actions à mettre en œuvre : où faire porter l’effort ?
Efficacité énergétique dans le résidentiel et transport :
L’amélioration constante de nos niveaux de vie et de notre confort quotidien est liée à l’accès et à l’usage d’une multitude d’équipements consommateurs d’énergie.
– Réglementation technique des équipements énergivores : une nécessité absolue !
En l’absence de normes de performance énergétique des appareils, nos appareils domestiques ont un rendement énergétique qui est deux fois, voire trois fois, plus élevé que celui des appareils économes.
Nos véhicules ne répondent non plus à aucune norme de consommation de carburants.
Pour lutter contre ce fléau de l’inefficacité énergétique, l’expérience dans le monde montre que seule la mise en place d’une réglementation technique des équipements et des véhicules, avec un régime fiscal incitatif peut-être efficace.
En Europe, ces dispositifs ont permis de réduire la consommation moyenne des véhicules à essence de 7 litres/100 km (en 2000 à moins de 5 litres/100 km), en 2015, soit un gain de près de 40% en moins de 15ans.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les programmes de rationalisation de l’énergie, qui ont été lancés dans les pays de l’OCDE depuis les années 1970, auraient permis de réaliser une économie d’énergie de 60% à aujourd’hui.
Dans notre pays, le lancement de tels programmes est une nécessité absolue, si l’on veut rationaliser notre consommation interne d’énergie.
– Augmentation des prix de l’énergie : mesure nécessaire mais non suffisante.
Commençons, d’abord, par démystifier cette notion de vérité des prix des produits énergétiques. C’est que la vérité des prix est un mythe dans le domaine de l’énergie, car le caractère éminemment stratégique des produits énergétiques contraint tous les pays à les encadrer étroitement par une politique de prix spécifique.
Effectivement, en Algérie, il faudrait, bien entendu, relever les prix de l’énergie, gelés depuis 2005, et ne correspondent pas à la réalité du marché. Les augmenter progressivement se justifie, donc, pleinement.
La révision des prix de l’énergie progressivement doit se focaliser sur les secteurs gros consommateurs d’énergie, qui ont un impact significatif sur la demande d’énergie.
La question qui reste posée est comment en finir avec une énergie bon marché, sans pénaliser les ménages et sans faire perdre à l’économie nationale l’un de ses rares avantages comparatifs.
«Dans le contexte actuel, une rationalisation de la consommation d’énergie s’avère plus que jamais nécessaire dans les secteurs des ménages et transport. Sa mise en œuvre requiert l’application d’une réglementation technique et la mise à niveau de nos équipements avec les standards internationaux, en matière d’efficacité énergétique.»
Aussi, le problème posé par cette évolution de la consommation interne d’énergie peut s’exprimer simplement ainsi : comment ralentir la consommation nationale d’énergie sans sacrifier les bénéfices apportés en termes de développement économique et social ?
La solution est à la fois simple et complexe. Les moyens disponibles sont nombreux, mais les moyens adaptés aux contextes spécifiques à l’Algérie méritent d’être bien pensés !
Cependant, prenons garde de croire que le seul relèvement des prix réduira sensiblement la consommation d’énergie. Il ne réglera pas celui du gaspillage inouï qui résulte de l’inondation du marché national par des équipements énergivores, qui se vendent à des prix tellement compétitifs qu’ils continueront à proliférer. Seule la voie réglementaire peut en juguler le flux.
Economie d’énergie par la valorisation des déchets énergétiques
– Les huiles usagées :
Environ 200 000 tonnes d’huiles usagées sont générées annuellement en Algérie, dont 70% proviennent des véhicules.
La régénération des huiles usées permet d’obtenir à partir de 3 litres d’huiles usagées environ 2 litres d’huiles de base neuves, le reste c.-à-d. 1 litre, va servir pour la graisse, le fuel et le bunker.
– Les pneus usés :
La quantité de pneus usagés en Algérie est estimée à plus de 2 millions d’unités/an.
Il y a lieu de signaler que les pneus usés peuvent-être transformés en pétrole !
– Les matières plastiques :
7 milliards des sachets sont consommés annuellement en Algérie !
Notre pays se place au rang du 5e plus gros consommateur au monde de sacs en plastique, après les Etats-Unis d’Amérique, le Maroc, la France et l’Australie.
Il est complètement aberrant de mettre des matières plastiques dans des décharges. La matière plastique, c’est du pétrole solide qui a le même pouvoir énergétique que le fuel !
Une tonne de plastique recyclée représente l’économie de 650 kg de pétrole brut !
Transition énergétique vers les énergies renouvelables
Le développement des énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, énergie propre et durable, comme complément et/ou alternative.
L’Algérie possède un potentiel de réservoir d’énergie solaire le plus important au monde (estimé à environ 3 000 heures en moyenne/an). Ce potentiel solaire est l’équivalent de 37 milliards de m3 de gaz (soit 10 grands gisements de gaz naturel) !
Un programme national pour développer les énergies renouvelables est lancé par le gouvernement ; il prévoit la production de 4 000 mégawatts d’ici 2024 et qui passera à 15 000 MW à l’horizon 2035.
Avec le développement de nouvelles technologies, l’énergie solaire devra y prendre toute sa place, et ce, compte tenu de son potentiel de gains de productivité et de réduction des coûts qui vont en faire l’une des sources d’électricité les plus compétitives.
Transformation des déchets ménagers en énergie :
Il existe actuellement, une technologie de pointe très avancée traitant les ordures ménagères pour en faire des énergies renouvelables : 70% d’électricité et 30% chaleur et froid.
- Pour une capacité de déchets traitée de : 75 000 tonnes/an, on a une production d’énergie de :
– Gaz : 5 000 000 m3/an,
– Electricité : 13 500 000 kWh/an.
Avec cette solution, un grand volume d’énergie, surtout d’électricité peut être recueilli : une tonne de déchets ménagers peut produire 750 kWh d’électricité ou 1 500 kWh de chaleur !
Conclusion :
Cette surconsommation interne d’énergie n’est pas le fait d’un comportement «d’ébriété énergétique» intrinsèque du citoyen, mais aussi le résultat de l’utilisation d’équipements et d’appareils énergivores bon marché qui inondent le marché national.
Actionner le seul levier de l’offre pour satisfaire une demande nationale d’énergie sans cesse croissante ne peut constituer une solution durable.
Dans le contexte actuel, une rationalisation de la consommation d’énergie s’avère plus que jamais nécessaire dans les secteurs des ménages et transport. Sa mise en œuvre requiert l’application d’une réglementation technique et la mise à niveau de nos équipements avec les standards internationaux en matière d’efficacité énergétique.
Aussi, il y a lieu de réorienter la demande nationale d’énergie vers la consommation des produits énergétiques les plus disponibles localement, et promouvoir les énergies renouvelables.
De telles dispositions devraient permettre de contenir la consommation d’énergie à des niveaux gérables jusqu’à l’horizon 2030 !
A cet effet, il est impératif pour l’Algérie de définir des objectifs de développement durable, à court, moyen et long termes, de replacer la transition énergétique par l’économie d’énergie, de doubler le taux de croissance de l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables dans le mix-énergétique. Mais, aussi, mettre en place des mesures fortes, afin d’orienter nos modèles de production/de consommation d’énergie et de développement respectueuses de l’environnement et de l’économie d’énergie.
Aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard, il y a lieu d’engager un programme d’action vers une transition énergétique pour assurer un développement durable d’ici 2030.
A cet effet, il est impératif d’accorder la priorité en Algérie à la maîtrise de la consommation interne d’énergie, mais pas à la croissance de la production nationale d’énergie !
K. A. C.
Notes :
- (*) – Répartition par forme d’énergie : gaz naturel (37%) ; produits pétroliers (30%) ; électricité (28%) ; GPL (4%) et ENR (01%).
- Remarque fondamentale 01 : Les principaux sites consommateurs d’énergies sont les bâtiments administratifs et publics, les logements, les écoles et les mosquées, ainsi que l’éclairage public. L’éclairage public représente 77% de la consommation des communes, et 40% de la consommation nationale d’énergie (source : ministère de l’Energie).
- La consommation intérieure de gaz naturel pour la production d’électricité est passée de 20 milliards de m3 en 2000, à plus de 40 milliards de m3 en 2019 : il faut générer l’électricité autrement que par le gaz naturel.
- A l’horizon 2025-2030, avec la même tendance de consommation interne d’électricité, il n’y aura pas assez de gaz naturel pour faire tourner toutes les centrales électriques à turbine à gaz !
- Selon le ministre de l’Energie, le volume des exportations futures du gaz naturel de l’Algérie seront réduites, à compter de 2025, pour ne plus exporter à partir de 2030 que 25 à 30 milliards de mètres cubes (m3), et ce, compte tenu des réserves prouvées restantes actuellement et de l’augmentation de la consommation interne en gaz.
- La croissance des véhicules électrique à elle seule pourrait déplacer 2 millions de barils de pétrole par jour d’ici 2025. Le projet de l’UE prévoit l’obligation pour les fabricants de véhicules de produire au moins 20% de voitures zéro émission CO2, principalement de voitures électriques d’ici 2030 ; un objectif pour 2025 signifierait la fin prochaine de la fabrication des voitures diesel. Cela nous permettrait de diminuer la pression sur les carburants et il serait inutile de construire plus de raffinerie.
- De par le monde, la capacité de raffinage est excédentaire et le sera de plus en plus.
- Remarque fondamentale 02 : En 2015, l’Union européenne reconnaît les économies d’énergies comme une source d’énergie à part entière ! Projection du mix-énergétique européen à l’horizon 2030=> les économies d’énergie, comme première source d’énergie de l’Europe d’ici 2030 !