C’est un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics. La réévaluation des projets pèse lourdement sur le Trésor public. Durant les 15 dernières années, pas moins de 8908 milliards DA ont été déboursés uniquement pour le parachèvement ou la relance de certains projets à l’arrêt pour des raisons financières.
Akrem R
Le chiffre a été relevé jeudi dernier par le Premier ministre, ministre des finances, Aïmene Benabderrahmane, qui répondait aux questions des députés de l’APN dans le cadre du débat du Plan d’action du Gouvernement..
Entre 2005 à 2020, où la corruption et la mauvaise gestion des deniers publics étaient courante, des projets de Travaux publics, notamment, l’autoroute Est-Ouest et d’autres infrastructures stratégiques (port-aéroport), n’ont pas été réalisés ni dans les délais fixés ni par le budget arrêté, initialement. Une situation qui a un lien direct avec la maturation des projets. Les études technico-financières de faisabilité et la passation de marchés publics, sont à l’origine de ces réévaluations.
En effet, en 2005, l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika décédé vendredi soir à l’âge de 84 ans, avait ordonné à son gouvernement le lancement du grand projet de l’autoroute Est-Ouest sans les études nécessaires. C’était aux entreprises réalisatrices chinoises et japonaises notamment, d’effectuer les études nécessaires à cet effet. Face à cette situation, les différents gouvernements ayant travaillé sous l’ex-gouvernance, étaient dans l’obligation de procéder à la réévaluation de ce projet, en injectant des financements additionnels.
De 7 à 9 milliards de dollars prévus initialement pour la finalisation de l’autoroute est-ouest, le coût a été arrêté, fin 2015, à 14 milliards de dollars, et ce n’était pas encore fini. Selon les dernières estimations, 20 milliards de dollars sont déjà déboursés sans pour autant réaliser une autoroute digne de son nom. Les automobilistes se plaignent de la situation de nos routes, la qualifiant de catastrophiques. La réception du dernier tronçon de ce méga-projet, qui s’étend tout le long de l’échangeur de Dréan et les frontières algéro-tunisiennes sur 84 km, dont les travaux se poursuivent, est prévu pour cette année 2021 !
Revoir les lois sur les Marchés publics
Ainsi, les lois sur les marché publics, en confiant la réalisation du projet au moins disants, a également contribué à la réévaluation de projets. « Beaucoup de chefs d’entreprises et, notamment sous-traitants, recourent à la baisse des prix de réalisation pour juste décrocher l’appel d’offres. Une fois le contrat signé, l’entreprise réalisatrice demande la révision des prix!» a expliqué Farid, responsable d’une société spécialisée dans le bâtiment et Travaux public. L’idéal, ajoute-t-il, est d’effectuer des études de faisabilité par un bureau d’études national reconnu, tout en imposant un contrôle rigoureux sur les travaux qui doivent être de qualité et, également, imposé aux entreprises réalisatrices l’entretien du projet pour, au moins, une durée de 5 années.
Les sous-traitants qui se sont engagés à finaliser certains projets de TP, ne font assez d’efforts pour bien terminer leur travail, en expliquant que les prix de réalisation ne sont pas rentables! Et pour ne pas rester sans plans de charge, explique notre interlocuteur, «des entrepreneurs recourent à la fraude dans la réalisation, pour compenser le manque à gagner». Un nombre important de routes communales dans les zones enclavées ont été malheureusement réalisées selon cette méthode. Aux premières pluies, le délabrement était visible à l’œil nu, avec du bitume qui se détache, des nids-de-poule qui se creusent et des glissements de terrain qui obstruent les routes.
Le gouvernement veut sévir !
Le Premier ministre, Benabderhamane, a fait savoir devant les députés que des textes réglementaires sont mis en œuvre afin d’éviter au Trésor public et à l’Etat, de grandes dépenses, suite à l’introduction de projets pas encore arrivés à maturation.
Dorénavant, poursuit le ministre, le gouvernement ne permettra point l’inscription de projets publics non soumis à une étude de faisabilité «opérationnelle et profonde», rapporte l’agence officielle, APS
En effet, le gouvernement compte numériser les marchés publics à travers la création d’un portail électronique dédié à cet effet et ce, avant la fin de l’année en cours, annonce-t-il, en précisant que cette mesure s’inscrit dans le cadre des procédures visant la rationalisation des dépenses et l’amélioration de la gestion de l’argent public.
La numérisation des marchés constitue «l’une des priorités du gouvernement» puisque elle revêt une «grande» importance en matière d’amélioration de la transparence et de la performance des dépenses publiques, a-t-il soutenu. «Se diriger vers la numérisation est consacré dans l’avant projet de loi fixant les règles générales des marchés publics qui sera présenté dans les plus brefs délais à l’APN», a fait savoir également M. Benabderrahmane.
L’ex-ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, pour rappel, avait mis l’accent sur la nécessité de veiller à la maturation des Marchés publics, qui est devenu un enjeu vital au regard de son impact sur la qualité et la réalisation des projets, d’où l’impératif de développer l’arsenal juridique et les cadres techniques y afférents pour les mettre au diapason des standards internationaux.
En effet, le rétablissement de l’équilibre entre l’évaluation financière et technique, la mise en place de systèmes numériques et électroniques à même de garantir l’égalité et la transparence dans la gestion des projets et transactions et la modernisation de l’ensemble du processus du Marché public, sont recommandés.
A. R.