Neuf architectes sur les 9 000 agréés à l’échelle nationale (soit 2 pour 10.000 habitants, entre 6 et 13 pour 10.000 habitants en Europe), soit 0.1 du global, ont remporté plus de la moitié de la commande publique (54.4% exactement). C’est ce que rapporte le Syndicat national des architectes agréés algériens (Synaa), présidée par Hasna Hadjilah, dans une lettre ouverte: ‘’De l’accès à la concurrence dans la commande publique de maîtrise d’œuvre en Algérie », adressée au ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville (MHUV). Une lettre restée sans réponse, depuis avril 2021.
Par Zoheir Zaid
Détaillant davantage, le Synaa dira: «9 de ces « attributaires » ont capitalisé, à eux seuls, 54.4 % de cette dépense (soit 27.3 du montant global des attributions), équivalant à 4,480 milliards de dinars, et entre 340 millions et 795 millions de dinars d’honoraires chacun. »
Le Synaa rapporte, sur la base des statistiques des bureaux de wilayas couvrant la période d’août 2018 à août 2020, et concernant un programme de plus de 130 500 logements toutes formules confondues, que « moins de 15% des architectes inscrits à l’Ordre ont pu en bénéficier, et que 4% seulement des architectes inscrits à l’Ordre ont pu bénéficier des dividendes des 16.3 milliards de DA en honoraires de maîtrise d’œuvre. »
Une inégalité qui est traduite également par le fait que : «29 attributaires ont capitalisé 5,46 % des projets, représentant 50,3% du montant total de la commande publique, d’une valeur de 8,235 milliards de DA, avec des honoraires s’échelonnant entre 100 et 795 millions de DA. »
Le pire est à venir, à en croire le syndicat : « Les 3 premiers se sont vus attribuer des montants de plus de 795 millions de DA pour 5.811 logements, 688 millions de dinars pour 5.536 logements, 573 millions de dinars pour 4.860 logements. », lit-on dans la missive. Les 3 premiers sur les 9 architectes ont englouti prés de 46% (45.89%) du montant (4, 480 milliards de DA, déjà cité), ce qui donne en valeurs : 2,056 milliards de DA !
Une situation à laquelle le Synaa a donné un titre illustratif : «Disparités flagrantes quant à la répartition de la commande publique de maîtrise d’œuvre. »
Les statistiques de ces deux années citées, ne semblent pas s’arrêter en si bon chemin, et de provoquer la grogne du Synaa. La preuve, les données durant le dernier semestre (précédant la rédaction de la lettre ouverte, Ndlr), « sont loin de démentir cette tendance. », est-il précisé.
«Cette iniquité flagrante n’a été rendue possible que par les restrictions à l’accès à la concurrence, imposées sous couvert d’une classification des architectes sur les bases des moyens matériels et non sur la qualité du projet architectural, ni sur la compétence, la créativité et la maitrise. », explique-t-on également.
«Mépris»
Le calvaire des architectes a été accentué par ceci : «Face au mépris affiché par votre département à nos sollicitations, nos propositions et nos offres de participation et collaboration concernant les défis de l’heure, et dont vous avez la responsabilité et la charge, à travers nos multiples correspondances.»
D’autant que la lettre ouverte est consécutive à une série de correspondances, restées, elles aussi, sans réponse, notamment celles-ci, énumérées par le Synaa : «Du 14 avril 2020 et du 26 avril 2020 ayant pour objet les modalités de compensation des préjudices occasionnés par les mesures de prévention de l’épidémie du COVID19 sur les structures de maîtrise d’œuvre. »
Aussi: du 7 décembre 2020 (accès à la commande publique de maîtrise d’œuvre), du 14 janvier 2021 (demande de votre intervention concernant « l’avis juridique » émis par le chef de la Direction des marchés publics au ministère des Finances), et du 2 mars 2021 (demande d’audience). »
Emergence de Sarls, chinoise et turque
Le Synaa déplore également que « les programmes pharaoniques engagés depuis 20 ans dans le secteur du logement et de l’équipement, d’intérêt national mais aussi de proximité. » n’ont permis ni l’émergence des compétences, ni favoriser la conquête des marchés internationaux, voir « cet effort national, n’aura pas rejailli sur les moyens du pays. »
Pour rappel, le Synaa a déjà, lors de la 6ème session de son Conseil National le 24 avril 2018, dénoncé les procédures de présélection des structures d’études « déplorées unanimement par les architectes du fait qu’ils se retrouvent, par de malencontreux écueils sélectifs carrément exclus de la commande publique. »
Le Synaa dénonce également que «la programmation d’opérations par milliers de logements», semble avoir été conçue pour «favoriser l’émergence de Sarl «chinoises» et «turques» et autres, (de droit algérien !), et exclure systématiquement les entreprises algériennes de l’acquisition de moyens et de savoir faire. »
Cahiers des charges à réviser
Le Synaa qualifie les cahiers des charges de simple « ‘’classification administrative’’ «ouvrant la voie à une minorité de s’accaparer de la majeure partie du budget consacré !», et les classifie également comme «grave dérive qui caractérise la répartition de la dépense publique dans le secteur de la maîtrise d’œuvre.»
Ceci dit, le Synaa demande que ces cahiers des charges soient fondamentalement révisés et d’une manière concertée et élargie au maximum. Et en appelle à « la mise en place des conditions à même de faire respecter un accès loyal et équitable à la concurrence dans le secteur de la maîtrise d’œuvre. »
Z. Z.