Avec une moyenne de près de 14 000 nouveaux cas enregistrés annuellement, sur un total avoisinant les 50 000 cas/an, le cancer du sein est l’une des tumeurs les plus répandues en Algérie, selon les données du Registre national du cancer de l’Insp (Institut national de santé publique). Cependant, avec un dépistage précoce, le cancer du sein est classé parmi les maladies curables.
Néanmoins, c’est au niveau de la couverture des charges financières inhérentes aux traitements liés à cette maladie que les patientes atteintes ainsi que leurs familles font face à des situations contraignantes.
Par Mohamed Naïli
Bien que le cancer du sein soit classé maladie chronique, comme vient de l’affirmer la présidente de l’association d’aide aux cancéreux El Amel, Mme Hamida Kettab, ce qui implique donc une meilleure prise en charge dans le cadre des prestations fournies par les caisses de sécurité sociale, à savoir la CNAS et la CASNOS, il n’en demeure pas moins que, estiment des spécialistes et praticiens de la santé, hormis le remboursement des médicaments et les quelques soins prodigués au sein des structures hospitalières, les examens et autres traitements thérapeutiques dans leur majorité sont effectués auprès de médecins et laboratoires privés, donc non pris en charge par le système d’assurance maladie.
Dans une précédente déclaration, le professeur Kamel Bouzid, spécialiste en oncologie et président de la Société algérienne d’oncologie médicale, insiste sur la nécessité de procéder à « la révision de la nomenclature des actes médicaux et leurs tarifs » auprès des caisses d’assurance maladie.
Citant l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein qui « aurait déjà dépensé 500 000 dinars pour des examens radiologiques, la mammographie, l’échographie, les examens biologiques, l’anapath et la scintigraphie osseuse avant qu’elle n’arrive pour faire ses soins en oncologie », le professeur Bouzid regrette que « 90% des examens complémentaires et d’exploration demandés aux patients atteints de cancer sont réalisés dans les structures privées. Des dépenses colossales que les citoyens sont contraints de payer sans que la sécurité sociale ne rembourse un centime. »
Des protocoles thérapeutiques au niveau des hôpitaux
Toutefois, une nouvelle politique hospitalière de prise en charge de cette maladie est déployée par les pouvoirs publics ces derniers mois. En juin dernier en effet, l’ancien ministre de la santé, Abderrahmane Benbouzid, a fait état de la généralisation de l’application des protocoles thérapeutiques en oncologie au niveau des établissements hospitaliers publics. « Des protocoles pour les cancers les plus répandus en Algérie ont été élaborés, tels que les cancers du sein », a affirmé le ministre, en faisant part de l’engagement du secteur de la santé à « fournir, à travers la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), tous les médicaments nécessaires aux patients, notamment les médicaments novateurs », avant d’annoncer le « lancement d’un appel d’offres national et international pour l’acquisition de médicaments afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients ».
Quant au diagnostic et la prise en charge des cas de cancer du sein, le président de la Société algérienne de formation et de recherche en oncologie, le professeur Adda Bounedjar, tout en louant les avantages d’un dépistage précoce, estime que les cas de cancer du sein métastatiques ont reculé de 50 à 20%, en se référant aux résultats d’une enquête menée par l’Institut de la santé publique, INSP. Selon la même enquête, les cas de cancer du sein dépistés ont atteint 50%, dont 30% au stade 3 de la maladie.
Pour ce qui est du dépistage, des appels sont lancés de toutes parts pour la mise en place de moyens et de sensibiliser sur la nécessité de procéder à des examens périodiques et des dépistages précoces dans la mesure où un cancer du sein diagnostiqué précocement est considéré comme un cancer curable dans 99% des cas, affirme la présidente de l’association El Amel d’aide aux cancéreux. C’est pourquoi donc il est utile, estime-t-elle, de procéder à des dépistages à l’âge jeune, parce que « cette maladie affecte en Algérie les jeunes femmes âgées de 35 à 40 ans, contrairement aux pays développés où la maladie apparaît à l’âge de 55 ans et plus », affirme Mme Kettab, en insistant sur l’impératif de réaliser les examens nécessaires pour prévenir cette maladie, notamment la mammographie dès l’âge de 40 ans.
En revanches, regrettent de nombreux spécialistes, en dépit des campagnes de prévention organisées par les associations dédiées à la lutte contre cette maladie et la garantie des soins par l’Etat, souvent, les cas de cancer du sein sont dépistés à un stade très avancé, d’où la difficulté de guérison dans de nombreux cas.
En effet, selon une étude sur l’« épidémiologie du cancer du sein en Algérie », menée par le laboratoire Santé et Environnement des Hauts Plateaux Sétifiens, « avec environ 3500 décès enregistrés chaque année, le cancer du sein est diagnostiqué à un stade tardif avec un taux de survie bas », ce qui fait, en conséquence, que « le cancer du sein est devenu un problème de santé publique majeur avec une réelle urgence d’intervention et de prise en charge », soulignent les rédacteurs de cette étude diagnostique.
Par ailleurs, il est utile de souligner qu’après le premier Plan quinquennal anti-cancer mis en œuvre pour la période 2015-2019, un deuxième plan devait intervenir en 2020, mais, en raison de la survenue de la pandémie de Covid-19, sa mise en œuvre a été retardée. En juin dernier, l’ancien ministre de la santé a annoncé sa réactivation dans les mois à venir.
M. N.
Octobre Rose: Front commun contre le cancer du sein
Avec « Octobre Rose », chaque année, le mois d’octobre est un rendez-vous pour le renforcement de la mobilisation pour la lutte contre le cancer du sein. Depuis son institution en 1985, le mois d’octobre est donc une période pour l’organisation d’activités et évènements, sportifs notamment, pour renforcer les campagnes de sensibilisation au profit des femmes afin de les inciter à procéder à un dépistage précoce, mais aussi pour la collecte de fonds destinés au financement de la recherche scientifique sur les causes du cancer du sein, sa prévention, son diagnostic, son traitement et sa guérison. « Octobre rose » soutient aussi les personnes touchées par le cancer du sein et continue de les informer.
En Algérie, les associations de lutte contre le cancer et différents spécialistes et acteurs du secteur de la santé se mobilisent eux aussi du 1er au 31 octobre pour des actions et activités diverses s’inscrivant dans le but de sensibiliser sur la maladie et de collecter des fonds pour le financement des activités de santé et venir en aide aux femmes qui en sont atteintes.
C’est dans ce cadre que la 9ème édition du marathon de sensibilisation au cancer du sein a été organisée ce 1er octobre au stade 5 juillet et à laquelle ont pris part pas moins de 500 femmes, toutes tranches d’âge confondues.
Organisée par des associations de lutte contre le cancer, des médecins, des sportifs et d’autres acteurs, la manifestation a été « une occasion renouvelée pour sensibiliser la femme algérienne en particulier et la société en général à l’importance de la prévention contre le cancer du sein à travers le dépistage précoce de cette maladie, devenue grâce aux efforts déployés chronique tout autant que les autres maladies », estime Mme Hamida Kettab, présidente de l’association El Amel d’aide aux cancéreux.
Tout en soulignant une prise de conscience chez les femmes algériennes ces dernières années sur la nécessité de dépistage précoce, les organisateurs soulignent la nécessité de conjuguer les efforts pour la lutte contre tous les types du cancer, particulièrement le cancer du sein.
M. N.