L’industrie pharmaceutique poursuit sa progression. Couvrant actuellement 70 % des besoins nationaux, elle ambitionne d’augmenter ce taux à plus de 80 % dans les années à venir, tout en investissant dans la production de traitements innovants. L’objectif des pouvoirs publics est en effet d’assurer la sécurité sanitaire des Algériens et de conquérir les marchés internationaux, notamment en Afrique.
Par Akrem R.
À cet effet, un nouveau cadre réglementaire et législatif, plus souple, a été mis en place afin de stimuler l’investissement dans cette filière stratégique pour l’économie nationale. Elle est, d’ailleurs, identifiée comme étant un levier pour la croissance de l’économie et surtout la diversification des exportations hors hydrocarbures.
Cette nouvelle politique commence à porter ses fruits sur le terrain, et l’investissement dans le secteur pharmaceutique connaît un véritable engouement. Selon Le président de l’Association nationale des pharmaciens algériens (ANPHA), Mouad Tabaïnet, près de 200 projets d’investissement sont en cours d’enregistrement au niveau du ministère.
Cela renforcera, dira-t-il dans une déclaration à la radio de Sétif, la production locale et l’exportation vers des marchés compétitifs. «Nous devons tous protéger et consolider ces acquis, c’est notre responsabilité», affirme-t-il, soulignant que l’industrie pharmaceutique algérienne est naissante, âgée de moins de 20 ans, mais elle a connu un grand développement ces dernières années, avec 70 % des produits disponibles issus de la production locale.
Selon le même intervenant, «30 % des infrastructures de base de base de l’industrie pharmaceutique africaine se trouvent en Algérie. C’est un pourcentage très important ; nous devons développer ce secteur pour conquérir les marchés européens».
Toute une stratégie a été élaborée est mise en place par le gouvernement pour la promotion du «made in Algeria», dont l’accompagnement pour tous les opérateurs économiques est assuré. «Le secteur accompagnera tous les opérateurs économiques désireux de développer l’industrie pharmaceutique, que ce soit dans le domaine des produits médicamenteux ou dans celui de la fabrication des dispositifs médicaux, lesquels constituent l’une de ses priorités actuelles», avait déclaré le ministre de l’industrie pharmaceutique, Wassim Kouidri, en marge de l’inauguration du salon «Maghreb Pharma Expo Algérie 2025», qui s’est tenu à Alger du 22 au 24 avril courant. Il a souligné que toutes les facilités nécessaires seront offertes pour permettre la localisation de leurs projets en Algérie.
Ce salon incontournable de l’industrie pharmaceutique en Afrique du Nord, qui a réuni plus de 300 exposants et des milliers de visiteurs, témoigne de l’importance du marché algérien du médicament, estimé à plus de 5 milliards de dollars, dont la production locale avoisine les 4 milliards de dollars. Grâce aux investissements consentis, les importations de l’Algérie ont passé de 4 milliards de dollars en 2022 à 1,2 milliards en 2023.
Ce montant devrait baisser davantage avec l’entrée en production de nombreux projets dans la production de médicaments et traitement pour les cancéreux et autres maladies chroniques.
L’arrivée de grandes firmes, à l’instar d’Equinext NPI, qui a signé un contrat de plusieurs millions de dollars pour la construction d’une nouvelle usine pharmaceutique et de dispositifs médicaux en Algérie, est considérée comme un signal fort en direction des investisseurs étrangers. Il s’agit en effet d’un pas de géant pour l’industrie de la santé en Afrique du Nord.
Des défis à relever
Il convient de rappeler que l’Algérie importe actuellement 129 000 produits pharmaceutiques, et, comme l’a souligné M. Kouidri, «nous devons encourager et inciter les opérateurs à investir dans ce domaine pour produire localement. Il y a beaucoup de produits et de réactifs que nous pouvons fabriquer afin de réduire la facture des importations».
C’est un véritable défi à relever par les industriels et les opérateurs, en lançant de nouveaux investissements dédiés à la production de matières premières pour médicaments, ainsi que d’autres intrants et produits chimiques nécessaires à l’industrie pharmaceutique.
Si les exportations algériennes de médicaments sont restées modestes, ne dépassant pas 80 millions de dollars à fin 2024, la situation connaîtra certainement un nouvel essor dans les deux prochaines années. Des démarches ont d’ores et déjà été entreprises par des opérateurs économiques, notamment par le Groupe Saidal, pour conquérir des parts de marché dans plusieurs pays africains et du Moyen-Orient.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le mémorandum d’entente commerciale signé entre Saidal et le groupe mauritanien Chinguitty Pharma. Cet accord vise à renforcer la coopération entre les deux parties dans plusieurs domaines, notamment l’approvisionnement du marché mauritanien en médicaments algériens.
En vertu de cette coopération, le groupe public algérien exporterait, dans un premier temps, ses produits pharmaceutiques vers Chinguitty Pharma, qui se chargerait de leur commercialisation et de leur promotion sur le marché mauritanien.
Dans un second temps, Saïdal accompagnera les projets industriels du groupe mauritanien en lui apportant son expertise et son soutien technique et industriel, notamment pour la réalisation d’une unité de production de solutions pharmaceutiques ainsi que d’un projet de conditionnement et d’emballage en Mauritanie.
Appel à la valorisation du rôle du pharmacien
Par ailleurs, le président de l’Association nationale des pharmaciens algériens (ANPHA), Mouad Tabaïnet, a affirmé que «nous avons besoin d’un nouveau cadre d’organisation qui valorise le rôle du pharmacien, avec de nouvelles missions professionnelles, des textes réglementaires adaptés et une nouvelle charte de déontologie encadrant plus de 40 000 pharmaciens».
Concernant l’octroi des agréments aux nouveaux pharmaciens, l’intervenant a précisé que plus de 5 000 pharmaciens ont été affectés dans des zones éloignées et isolées afin de se rapprocher davantage des citoyens.
Selon lui, «il est nécessaire d’instaurer une coopération transparente et organisée entre ces pharmaciens et les autorités locales, lesquelles doivent faire preuve d’un engagement accru et d’une ouverture plus positive aux besoins exprimés».
Interrogé également sur la question de la pénurie de médicaments, Tabaïnet a affirmé qu’elle résulte de déséquilibres existants, notamment pour les médicaments contre le cancer, qui transitent par la Pharmacie Centrale des Hôpitaux. Il a souligné que le code des marchés publics n’était pas adapté et a constitué un frein majeur.
Il est impératif, selon lui, de passer à une stratégie compétitive dans la chaîne de distribution. «Nous souffrons toujours d’un manque de digitalisation approfondie, qui doit être repensée de manière globale afin de permettre le décollage espéré, en connectant médecins, pharmaciens et l’ensemble des acteurs concernés via un réseau numérique», a-t-il conclu.
A. R.