(Première partie)
Dans cet entretien en deux parties, M. Ammar Belhimer, s’exprime sous sa double casquette de ministre de la Communication et de porte-parole du gouvernement. Dans cette première partie de l’interview, M. le ministre, en tant que porte-parole du gouvernement, abordera la perspective prochaine des élections législatives et communales, notamment, du point de vue des nouveautés qui les caractérisent, en termes de réformes des textes et de garde-fous démocratiques et de transparence. A ce titre Ammar Belhimmer, qualifiera le prochain rendez-vous électoral de «tournant, d’un changement radical par la voie pacifique et institutionnelle, dans lequel ni l’argent, ni les excroissances du système ne doivent orienter le choix de l’électeur ou le falsifier». Autres axe abordé par le ministre, la situation économique et ses perspectives, dans un contexte de crise sanitaire mondial. Une situation qui pour lui, si elle n’est pas des plus reluisantes n’incite pas pour autant à l’alarmisme. Autre volet, entre autres, abordé par M. Belhimmer, la question des menaces des cyberattaques contre l’Algérie, à propos de laquelle il réitérera la série d’arguments qui la fonderait à ses yeux et dont il affirmera que, «dire que l’Algérie est la cible des menaces extérieures est une tautologie».
Entretien réalisé par Lyazid Khaber
Eco Times : L’année 2021, marque un nouveau départ pour l’Algérie, avec en perspective des rendez-vous électoraux, mais surtout un grand chantier de réformes, notamment au niveau des textes de loi appelés à être adaptés aux nouvelles dispositions contenues dans la nouvelle constitution. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur les priorités du Gouvernement pour les tous prochains mois ?
Ammar Belhimer : L’Ordonnance portant loi organique relative au régime électoral est la première pierre de l’édifice projeté par la nouvelle Constitution.
Un nouveau mode de scrutin est consacré : le scrutin de liste ouverte à la proportionnelle avec vote préférentiel sans panachage.
Elle se distingue de celles qui l’ont précédée par un certain nombre de marqueurs :
– la limitation à deux des mandats parlementaires successifs séparés ;
– elle encourage la participation des jeunes à la vie politique du pays (50% des candidatures sont réservées à la tranche d’âge des moins de 40 ans) ;
– elle réhabilité le mérite, l’effort et le savoir en consacrant un tiers des candidatures aux universitaires ;
– elle éloigne l’argent de toute influence sur le libre choix des électeurs.
Il s’agit d’un tournant, d’un changement radical par la voie pacifique et institutionnelle, dans lequel ni l’argent, ni les excroissances du système ne doivent orienter le choix de l’électeur ou le falsifier.
S’agissant de la parité ou de la «discrimination positive» en faveur des femmes, dont la forte présence au sein des institutions honore déjà l’Etat algérien, elle s’exprime surtout à la candidature. La «vente concomitante» qu’elle pourrait insinuer serait déshonorante pour une femme qui, au cours des siècles, a autant donné que les hommes pour préserver la liberté et la dignité de notre peuple.
Son adoption coïncide avec celle d’un autre texte d’égale valeur, rendu nécessaire par le nouveau découpage administratif portant à 58 le nombre de wilayas. Conséquence : le nombre de sièges à pourvoir pour chaque circonscription va connaître une modification tant à l’Assemblée populaire nationale qu’au Conseil de la nation.
Il est naturellement attendu que cet édifice soit complété par d’autres apports, à commencer naturellement par les matières qui, aux termes de l’article 141, relèvent également de la loi organique : l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics ; le régime électoral ; la loi relative aux partis politiques ; la loi relative à l’information ; le statut de la magistrature et l’organisation judiciaire ; la loi cadre relative aux lois de finances.
Il convient de rappeler que la loi organique a ceci de particulier qu’elle est adoptée à la majorité absolue des députés et des membres du Conseil de la Nation.
Je subodore que compte tenu du calendrier imposé par la convocation du corps électoral, nombre de ces textes verront le jour après l’installation des nouvelles institutions.
L’économie Algérienne, à l’instar des différentes économies de par le monde, vit en ce moment un véritable bouleversement, avec en sus une crise multiforme qui frappe de plein fouet ses équilibres. Quelle lecture faites-vous de cette situation, et quelles sont d’après vous les urgences à prendre en charge pour pallier l’aggravation de la crise ?
La «feuille de route de sortie du confinement rendue publique le jeudi 4 juin 2020, est à la fois, progressive et flexible et dans laquelle la priorisation des activités a été arrêtée en fonction de leur impact socio-économique et du risque de transmission du Covid-19».
Cette feuille de route, élaborée sur la base des recommandations émises par l’autorité sanitaire, prévoit, outre l’élaboration de guides de règles sanitaires à observer pour chaque secteur et/ou activité, la mise en place d’un dispositif renforcé de surveillance sanitaire, basé sur une stratégie de détection précoce et appuyée par un dépistage ciblé.
L’achèvement du plan de vaccination signera, solennellement, ce qu’on pourra appeler «l’après-Corona». Ce dernier va nous confronter à une équation à plusieurs inconnues.
Du fait de la contraction du marché mondial, conformément à l’accord OPEP du 12 avril 2020, les exportations algériennes d’hydrocarbures ont été revues à la baisse en 2020 : une baisse de l’ordre de 7,5%.
Conséquence immédiate : la loi de Finances pour 2020 avait établi un niveau de recettes d’exportations de 37,4 milliards de dollars qui est également revu la baisse – à 20,6 milliards de dollars – par la loi de finances complémentaire.
Autre effet induit de la chute des cours : s’agissant des réserves de change, elles passent de 51,6 milliards de dollars dans la loi de Finances à 44,2 milliards de dollars dans la loi de Finances complémentaire, soit l’équivalent d’un an d’importations.
En dehors du pétrole, l’assiette fiscale est également amputée de quatre mois de contributions en raison de l’arrêt de l’activité économique de mars à juin.
Seul le secteur agricole est ainsi relativement épargné, mais il est très peu fiscalisé.
Le président de la République a très tôt fixé le cap macro-économique pour :
– réduire la facture des importations ;
– réduire le budget de fonctionnement de l’Etat ;
– réaliser une économie sur la facture des services.
Le poste des «Services hors revenus des facteurs» se compose notamment, des prestations techniques assurées par les étrangers en Algérie (bâtiment, travaux publics…) et par l’Algérie à l’étranger, ainsi que le transport assuré par les transporteurs étrangers pour les marchandises importées par l’Algérie (armateurs…) et les assurances à l’international.
La facture a atteint une moyenne annuelle de 11,42 milliards de dollars, qui impacte négativement la balance des paiements.
Les grands domaines de ce type d’importations comprennent le transport maritime (2,95 milliards de dollars en 2018), le BTP (2,65 milliards de dollars en 2018) et l’assistance technique (3,22 milliards de dollars en 2018).
– réduire de 14 à 7 milliards de dollars les charges d’exploitation et les coûts d’investissements de Sonatrach.
On s’approche ainsi de la notion de «dépenses incompressibles». L’histoire économique de notre pays a déjà enregistré ce concept au moins à trois reprises : en 1986, en 1990 et en 1994.
Nombre d’enseignements, principalement deux, sont attachés à l’épreuve que nous venons de surmonter.
- Elle signe la faillite de la prospective
Bien plus mystérieux qu’une bactérie, que la peste, le paludisme ou le choléra, le Coronavirus est diagnostiqué et isolé par le monde médical depuis 2003, mais ce dernier ne dispose de vaccin ou de traitement antiviral pour le combattre efficacement, que depuis quelques mois.
Dans cette crise, tout le monde naviguait à vue. On s’est battu contre un ennemi que l’on ne connaissait que trop peu. En particulier, nous ne savons pas encore combien de temps il sera le maitre absolu du temps et de l’espace dans nos vies.
- Elle sonne le glas de la mondialisation sous impulsion néolibérale outrancière, en remettant l’Etat au centre et au cœur de tout.
La pandémie menace de pousser le monde vers une nouvelle configuration : la balkanisation et la fragmentation. La guerre froide qui entache les relations entre les Etats-Unis et la Chine favorise les politiques protectionnistes pour protéger les entreprises et travailleurs nationaux des perturbations mondiales. Il s’ensuivra, nécessairement, une remise en cause de l’ordre économique hérité de l’OMC, avec des restrictions à la circulation des biens, des services, des capitaux, du travail, de la technologie, des données et informations. Cette tendance protectionniste est déjà effective dans l’industrie pharmaceutique, de l’équipement médical et de l’alimentation.
Ces enseignements suggèrent, à leur tour, deux grandes pistes d’évolutions possibles.
Le Corona s’apparente au «cygne noir» connu comme étant un «événement rare en théorie des probabilités qui désigne un événement incertain, imprévisible…»
Deux scenarios peuvent être envisagés. Le premier est celui d’une vision épique de la destinée humaine avec la victoire de l’humanisme et de la rationalité contre le Covid-19. Au plan sanitaire, l’enjeu n’est pas «la vie d’après», mais «la vie avec».
Ici la gravité des périls permet de dépasser les égoïsmes nationaux de court terme, en assurant, notamment, l’égalité d’accès aux vaccins aux Etats les plus pauvres.
Au plan économique et social interne, un premier indicateur d’équité se présente à nous : la répartition du coût faramineux de la pandémie entre le capital et le travail, mais force est de constater que le fossé entre les deux est élargi au détriment du dernier.
Au plan systémique, le scénario va au-delà d’une simple reprise pour suggérer une reconstruction.
Comme dans le New Deal de Roosevelt, au début du XXe siècle après la crise de 1929, il s’agit de piloter trois horizons qui peuvent revenir : gérer l’urgence, relancer la machine et réformer en profondeur la société.
Un nouveau plan de relance économique a été lancé par le Gouvernement, il y a quelques mois, ciblant en particulier des secteurs bien précis, à l’instar de l’énergie, les mines et l’agriculture, tout en tenant compte du volet social, avec en sus une meilleure répartition des richesses ; pensez-vous qu’il sera aisé, au vu de la conjoncture actuelle, de réaliser les objectifs tracés ?
Lors de sa dernière entrevue avec des responsables de médias nationaux, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a évoqué la rationalisation des dépenses et le soutien à la production et à l’investissement nationaux pour la relance de l’économie nationale et la consolidation de la situation financière du pays.
Il a mis en garde en estimant que l’Algérie «n’est pas dans une situation d’aisance financière», tout en demeurant confiant assurant qu’elle «est toutefois en mesure d’honorer ses engagements financiers grâce à la maitrise de ses dépenses, notamment celles des importations».
«Je n’irai pas jusqu’à dire que nous sommes dans une situation d’aisance financière mais nous sommes en mesure d’honorer nos engagements financiers.»
«Il est vrai que nos réserves de change oscillent entre 42 à 43 Mds USD mais nous avons réduit les importations et réalisé des recettes pétrolières de 24 Mds USD, en dépit de la pandémie», a rappelé le Président.
Restons dans le secteur de l’énergie et des mines, le premier axe d’effort qu’il a connu est d’ordre réglementaire et institutionnel, ainsi que de coopération avec l’approbation de 38 textes d’application de la loi sur les hydrocarbures, dont cinq ont été publiés ; la création en cours, avec le Ministère de la Transition Energétiques et Energies Renouvelables, d’une société d’investissement dans les énergies renouvelables ; et la poursuite du rôle et des efforts de l’Algérie au sein des organisations internationales notamment l’OPEP et le GECF, pour la stabilisation et l’équilibre des marchés pétrolier et gazier (décision de la conférence ministérielle 04 mars 2021, du maintien du niveau de production actuel, soit la réduction de près de 7,2 millions baril /jour, prix acceptable, près de 68$/baril pour le brut algérien).
Des projets de développement ont été, par ailleurs engagés, avec la finalisation de quatre études d’évaluation du potentiel des bassins de Tindouf, Chelif, Fersigua et Béchar ; la mise en production de trois nouveaux périmètres, en association au niveau du projet Berkine nord ; le boosting de Hassi Rmel pour l’augmentation de la production du gaz naturel ; la finalisation en cours de l’optimisation de l’outil de raffinages existant pour la fabrication d’une seule essence dans le but d’augmenter la production – l’arrêt des importations des essences étant prévu pour le mois d’avril 2021 – ; le lancement de la réalisation de la raffinerie de Hassi Messaoud ; enfin, la réception de deux centrales électriques de Naama et de Bellara (1,5 GW).
Il a été, par ailleurs, amorcé la révision du cadre législatif et réglementaire du secteur des Mines. Un avant-projet d’amendement de la loi minière a été finalisé et transmis au Secrétariat Général du Gouvernement pour examen.
Les objectifs arrêtés pour ce segment sont l’amélioration des données et des informations géologiques de base et l’élaboration de la cartographie géologique complète de l’Algérie, servant de base de données aux activités de recherches minières.
Pour l’année 2021, l’Agence nationale des activités minières (ANAM) a élaboré un programme comprenant vingt-six (26) projets pour un montant accordé de 1,8 milliard DA.
Le potentiel minéral dont dispose l’Algérie, important et diversifié, est faiblement exploré. De même que les gites et gisements découverts, sont encore sous-exploités et peu valorisés.
Dans ce cadre, le Ministère de l’Energie et des Mines a inscrit des opérations pour la promotion des activités minières par la mise en valeur de gites et gisements miniers identifiés dans le cadre de l’inventaire minéral, notamment pour l’or.
Le recensement actualisé des minéralisations aurifères a été finalisé et un rapport de synthèse sur ces minéralisations pour l’ensemble du territoire nationale a été élaboré par l’Agence du Service Géologique de l’Algérie (ASGA).
Onze (11) sites miniers ont été sélectionnés dans les wilayas de Tamanrasset et Tindouf pour leurs mises en adjudication pour exploration.
En première phase, les périmètres miniers dédiés à une exploitation artisanale de l’or situé dans les wilayas de Tamanrasset et d’Illizi, ont une superficie est déterminée en fonction du potentiel aurifère de la zone sélectionnée.
A ce jour, 220 sites miniers ont été sélectionnés au niveau des wilayas de Tamanrasset et Illizi pour leur attribution.
Aussi, vingt-quatre (24) sites d’exploitation de la baryte ont été identifiés et délimités. Ces sites miniers sont répartis sur neuf (09) wilayas.
S’agissant du développement de l’industrie minière nationale, elle intègre, le Projet Phosphate Intégré (PPI), le Projet de développement du gisement de Fer de Gara Djebilet/Tindouf et le Projet développement et d’exploitation du gisement de zinc-plomb d’Oued Amizour/Bejaïa.
Pour le PPI, une reconfiguration du projet initial a organisé sa réalisation en trois (03) phases d’une durée de cinq (05) ans chacune ; il a été procédé à la suppression du site de Hadjr-Essoud et du complexe de production d’ammoniac en recourant à la production locale et le transfert des unités de production des engrais vers un site à Annaba. Le lancement du processus de recherche de partenaires est prévu pour cette année.
Les essais pilotes et industriels ont été réalisés en en 2019 et 2020 sur le gisement de minerai de fer de Gara Djebilet. La société FERAAL Spa procède actuellement à la recherche de partenaires (publics, privés, nationaux et/ou étrangers…) en ciblant, en priorité, les principaux futurs clients locaux producteurs d’acier, et les partenaires technologiques chinois. L’objectif visé concerne la réalisation des installations pilotes et de démonstration, les études de faisabilité, la construction et l’exploitation des futures unités industrielles.
Enfin, le projet développement et d’exploitation du gisement de zinc-plomb d’Oued Amizour/Bejaïa est inscrit dans le cadre d’un partenariat entre l’entreprise publique ENOF Spa (filiale du groupe minier MANAL Spa) et la société australienne TERRAMIN sur la base d’un pacte d’actionnaires signé en 2006 et la création d’une société de Joint-Venture, WMZ Spa (ENOF= 32,5%, ORGM=2,5%, Terramin=65%).La nouvelle Etude de faisabilité a été remise par TERRAMIN.
Vous avez également évoqué le secteur de l’agriculture et vous avez raison de le faire car il est en croissance constante en dépit des répercussions induites par la pandémie de Covid-19.
«Avec plus de 25 Mds USD, c’est la première fois depuis l’indépendance que les recettes du secteur agricole dépassent ceux des hydrocarbures», a fait remarquer le Président ajoutant que «nous n’avons importé ni légumes, ni fruits».
Concernant le blé, il a affirmé que l’Algérie était en mesure d’augmenter sa production en ce produit vital pour peu qu’elle développe les techniques d’irrigation et l’exploitation optimales des barrages.
Il a rappelé que le rendement moyen de la production de blé était de 18 quintaux par hectare dans le Nord du pays contre 60 quintaux par hectare dans le Sud grâce aux techniques modernes d’irrigation.
Sur le plan politique, le Président Tebboune a, dès son retour suite à son hospitalisation en Allemagne, entamé des discussions avec les représentants de la classe politique nationale. Une démarche qui rappelle son engagement pour un dialogue serein et inclusif. Comment cette action est accueillie, surtout que l’on sait que depuis la célébration du deuxième anniversaire du Hirak, des manifestations sont enregistrées ?
Le président de la République a reçu nombre de chefs de partis politiques dans le cadre des concertations qu’il mène avec les formations politiques.
Dans un Etat de droit, les partis politiques librement constitués, sur une base programmatique, sont des institutions au sens plein du terme. Ils assurent une médiation indispensable, dans sa version représentative ou participative.
Que l’organisation de la vie partisane obéisse à une loi organique n’est pas le fait du hasard. Ce choix conforte, au plan de la forme, l’intention affichée d’assoir la vie politique sur des «garanties» démocratiques qui composent les conditions restrictives mises à l’entrée en scène légale des acteurs.
On accorde généralement aux lois organiques deux fonctions principales : technique et politique. Au plan technique, elles délimitent et mettent en œuvre les dispositions constitutionnelles. Au plan politique, elles restreignent les prérogatives du Parlement. Du fait de leur objet, ces lois sont hiérarchiquement supérieures aux lois ordinaires et leur adoption obéit à une procédure particulière fixée par la Constitution :
– elles sont adoptées à la majorité de la première Chambre et à la majorité des ¾ du Conseil de la nation ;
– elles subissent le contrôle obligatoire de conformité constitutionnelle devant le Conseil constitutionnelle avant leur promulgation.
Le juriste démocrate est rassuré : l’agrément des partis politiques et soumis à des conditions plus restrictives relatives à la doctrine, la dénomination et les moyens d’action dont l’objectif principal est d’interdire l’utilisation et la manipulation de la religion. Pour être agréé tout parti doit prendre un certain nombre d’engagements : respecter le caractère démocratique et républicain de l’Etat ainsi que le pluripartisme, renonce à instrumentaliser et manipuler la religion et s’abstenir de toute forme de violence et de contrainte. D’autres «conditions techniques» viennent compliquer ce conditionnement procédurier : implantation national, tenue d’assises constitutives, conformité des statuts à la nouvelle loi organique sur les partis.
Il reste naturellement aux partis politiques à accepter plus d’espace que ce qui est observé.
Abdelhamid Mehri, politicien chevronné écrivait sceptique, en 2008 : «Le champ politique et jonché de victimes consentantes ou résignées. Les militants des partis politiques et des organisations sociales connaissent parfaitement cet état de choses. Ils constatent, désarmés que la sphère politique est réduite, en dépit des qualités et des mérites des hommes qui s’y activent, à fonctionner comme un produit dérivée de la gestion administrative et non comme émanation de la dynamique sociale. Ils constatent aussi que cette sphère politique ne traduit pas les réalités algérienne, ni ses capacités à s’imbriquer, positivement, dans l’action politique.»
Vous avez, par le passé, évoqué une conspiration qui cible l’Algérie, à travers des attaques ciblés, notamment à travers les réseaux sociaux et des sites internet apparentés à des parties hostiles à l’Algérie, sans compter les attaques orchestrées par des hackers au service de forces ennemies. Pouvez-vous nous éclairer davantage ?
Tous les Etats se dotent aujourd’hui d’une doctrine officielle de lutte informatique offensive (LIO) pour encadrer les actions entreprises dans le cyberespace. L’objectif qui leur est imparti est de produire des effets à l’encontre des systèmes adverses, pour en altérer la disponibilité ou la confidentialité des données.
La guerre numérique, déclarée ou non, engage des armées connues, d’autres moins. Des acteurs clandestins, résolus, s’attaquent à la sécurité intérieure des Etats et aux libertés individuelles et collectives.
La nouvelle force numérique a ceci de particulier qu’elle est redoutable par sa puissance (en raison de l’effet multiplicateur des dégâts qu’elle cause), sa vitesse d’exécution, sa portée planétaire et la saturation des réseaux et le refus d’accès qu’elle génère.
Les défis attachés à la détention, des données sont également de trois ordres : moral (droits et libertés fondamentales) ; économique (monopoles et abus de positions dominantes) ; sécuritaire (menaces à la souveraineté nationale).
Les opérations clandestines qu’abrite le cyberespace touchent à l’espionnage et le sabotage, mais également la subversion par la propagande et la désinformation, dans l’intention de saper les fondements de l’autorité en l’attaquant et en la discréditant sur les valeurs pour la rendre illégitime.
Efficacité et instantanéité caractérisent les cyberattaques.
Pour y parvenir, ils empruntent des voies bien impénétrables. Si les médias traditionnels emploient des humains pour produire et diffuser leurs messages en observant des lois et réglementations, des règles éthiques ou coutumières, générant un degré rassurant de responsabilité, ce n’est plus le cas des conservateurs d’algorithmes de robot de Facebook-Google-Twitter qui, placés, sont mis sur pilotage automatique, un peu comme des drones tueurs sur lesquels aucun humain n’assume sa responsabilité.
Dire que l’Algérie est ciblée par des cyberattaques est une tautologie.
Leur objectif est d’installer le pays dans une lente dégradation de son tissu social et de son édifice institutionnel, en visant paritairement l’Armée national populaire sur laquelle pèsent les lourdes missions de défense.
Même s’il ne faut certainement pas baisser les gardes, force est de constater que ces velléités ont été systématiques déjouées.
Au final, comme le relève avec pertinence Ahmed Bensaada : «Hormis quelques exceptions instructives et dignes d’intérêt, le cyberespace a été envahi par une horde de bouffons, d’équilibristes, de polichinelles, de guignols, de bonimenteurs, de femmes à barbe et de Colombines. Et ça use de photos intimes dérobées, de botox cyberspatial, de micros payés par PayPal, de grossièretés nauséabondes et d’invectives en guise d’argumentations. Cela aurait été drôle si la situation de l’Algérie n’était pas aussi sensible».
Aussi, partageons-nous ce constat d’Ali Bendris : «Indéniablement, il existe à l’étranger une « centrale identitaire » qui élabore les consignes et les mots d’ordre, et fomente dans le pays des actions et de la propagande nuisibles (fake news, sectarisme et racisme, fetwa et fitna, menaces et intimidations, drogues, incendies de forêts… et peut-être des attentats, demain) pour pousser à la radicalité du hirak-covid-19. Son objectif vise à renforcer le statu quo pour aboutir à l’instabilité institutionnelle afin de gripper le pays pour le précipiter dans le chaos, synonyme (comme en Syrie, en Irak, en Libye, etc.), de destruction des infrastructures vitales (routes, ponts, entreprises, hôpitaux, écoles, centrales électriques, barrages, circuits de distribution de l’eau potable, établissements scolaires universitaires, culturels et sportifs…), et de ses conséquences sur la vie des citoyens qui connaitront des difficultés de toutes sortes liées aux problèmes d’approvisionnement et aux pénuries (eau, nourriture, médicaments, etc.)… et l’exode massif. Les années 90 nous ont déjà donné un avant-goût, sanglant du chaos. Il ne faut pas l’oublier».
Un constat d’échec a été déjà fait concernant le secteur des médias en Algérie, avec tout ce que cela avait charrié comme malversation et pratiques déplorables par le passé, et maintenant une nouvelle démarche se dégage pour redonner à la presse nationale ses lettres de noblesse. Après une année passée à la tête du Ministère de la communication, comment appréhendez-vous l’avenir et quelles sont d’après vous les urgences à mettre en œuvre prioritairement en 2021 ?
J’ai maintes fois rappelé dans mes diverses interventions, que le champ médiatique qualifié par mes soins de champs de ruines et de mines, rongé par les intrus et les affairistes, exigeait, face à cette situation alarmante, une approche réfléchie et résiliente à même de faire aboutir à un exercice apaisé de la profession et son assainissement à travers la mise en place d’un arsenal juridique adapté aux bouleversements et mutations, technologiques en particulier.
Aussi, au lendemain de ma prise de fonctions, je me suis attelé à porter une réflexion sur la réforme du secteur de la communication en proposant, dans le cadre du plan d’action sectoriel, plusieurs chantiers se rapportant à divers aspects et problématiques liés au secteur et à la profession, tels la consolidation du cadre référentiel des moyens de communication, la garantie du droit à l’information dans un cadre pluriel, la révision du cadre législatif et réglementaire, la formation des acteurs, «la modernisation et le numérique conditions sine-qua non à l’émergence d’une presse nationale professionnelle et citoyenne.
A ce titre, des actions ont commencé à voir le jour, telles la promulgation du décret exécutif régissant les activités de la presse électronique, la mise à jour des statuts de TDA, le cahier des charges fixant les conditions d’octroi de la publicité publique, le lien direct gardé en permanence avec tous les acteurs des médias, sans exclusif, dans le but de fédérer nos efforts autour d’une réelle volonté de changement au profit des journalistes en particulier et de l’ensemble des intervenants dans les métiers de la communication en général.
Nul besoin de rappeler la réhabilitation de ce secteur stratégique, qui par ses spécificités, sa complexité, ses enjeux et ses répercussions sur l’opinion public, nécessite indéniablement du temps et de l’opiniâtreté que nous ne manquerons de mettre à profit pour un développement harmonieux et durable.
Je reste très optimiste quant à l’avenir du secteur dont les valeurs de professionnalisme, d’éthique et de déontologie sont plus qu’apparentes à travers la qualité du traitement de l’information par nombre de medias nationaux, dans un esprit d’objectivité et de fiabilité, loin de tout discours alarmiste, dirigisme ou interventionnisme.
L’amélioration de la situation sanitaire et le lancement des opérations de vaccination anti Covid aidant, nous entamerons une année charnière en matière de mise en œuvre des chantiers de la communication et de prime abord l’urgence de la révision de la loi organique n° 12-05 du 18 Safar1433 correspondant au 12 janvier 2012 relative à l’information, pierre angulaire de l’édifice juridique régissant l’activité, pour sa mise en conformité avec les principes énoncés par l’article 54 de la nouvelle Constitution et son adaptation aux réalités de la nouvelle Algérie à laquelle nous aspirons tous.
D’autres chantiers aussi importants, qui ne sont pas en reste, sont déjà à un stade de maturation avancée. Je citerai le cadre juridique régissant l’activité de publicité, pilier essentiel dans la vie des médias et le projet d’arrêté portant lancement d’un appel à candidature pour l’octroi d’autorisations de création de services de diffusion télévisuelle thématiques, qui sera élargi, à l’issue de la promulgation de la nouvelle loi sur l’information, à l’ensemble des chaines généralistes, pour permettre aux chaines de télévision privées, actuellement régies par le droit étranger, leur rapatriement en Algérie avec tous les avantages en termes de sécurité et de compétitivité offerts par la satellite algérien Alcomsat 1, la réactivation du compte d’affectation spéciale d’aide à la presse dont la vocation première reste la promotion de la formation et l’amélioration du niveau des journalistes.
L. K.
La suite de l’entretien dans notre prochaine édition