(Suite et fin)
Par Abderrahmane Mebtoul
Selon l’exécutif européen dans son rapport sur l’état d’avancement des relations UE-Algérie en date du 03 mai 2018 et dans plusieurs rapports entre 2019/2021, l’Union européenne salue les efforts de l’Algérie en matière de sécurité et de défense au niveau de la région. Selon ces rapports, « l’effort continu, (…) de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes. L’évolution de la crise libyenne et la situation complexe dans la région du Sahel ont amené l’Armée nationale populaire (ANP) à déployer des forces de sécurité supplémentaires aux frontières. L’effort continu, de l’ANP et des forces de sécurité ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes ». Concernant l’énergie, l’Algérie tant à travers les GNL que les canalisations Medgaz et Transmed est un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie de l’Europe (voir nos interviews à l’American Herald Tribune du 28 décembre 2016 au quotidien financier français la Tribune.fr en février 2017). Cependant, elle doit s’orienter vers un Mix énergétique afin d’honorer ses engagements internationaux du fait de la forte consommation intérieure liée à l’urgence de la révision de la politique des subventions qui doivent être ciblées , faute de quoi ,elle dépasserait le volume des exportations actuelles horizon 2030 (étude réalisée sous ma direction 8 volumes avec les cadres de Sonatrach et le bureau d‘études américain Ernst&young sur la politique des carburants MEM 2008).
3.-Quelles perspectives pour préparer l’Algérie aux nouveaux défis mondiaux ? Pour pouvoir se projeter sur l’avenir, s’impose sans complaisance, l’analyse de la situation socio-économique actuelle et notamment la place de la rente des hydrocarbures . influant sur le taux de croissance, le taux de chômage, et le niveau des réserves de change qui sont passées de 194 milliards de dollars au 31/12/2013 à 44 milliards de dollars fin 2021. Les recette en devises de Sonatrach sont prévues fin 2022 d’environ 50 milliards de dollars, ceci étant le chiffre d’affaire et non le profit net devant dresser la balance devises exportations et importations ( une augmentation en 2022 avec l’inflation mondiale devant pondérer au moins de 20% par rapport à 2021) afin d ‘atténuer ‘l’inflation et la paralysie de ‘l’appareil de production, devant inclure i les services souvent oubliés dont le montant a fluctué entre 2008/2019 à entre 10/11 milliards de dollars et selon le FMI à 6 milliards de dollars en 2021, ( notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020) . Entre 2000/2021 pour une entrée de devises de plus de 1100 milliards de dollars avec 98% provenant de Sonatrach y compris les dérivées et une sortie de devise s d’environ 1055 milliards de dollars de biens et services, le taux de croissance a varié entre 2/3% alors qu’il aurait dû dépasser 9/10% par an. Sur environ 4 milliards de dollars d’exportation hors hydrocarbures en 2021, 70% étant des dérivés d’hydrocarbures et de produits semi bruts restant aux autres secteurs moins de un milliard de dollars. .La structure productrice fait ressortir que le secteur industriel représente moins de 6% du PIB , que le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15% , que plus de 85% des équipements et matières premières sont importées et que 97% des entreprises sont des unités personnelles ou petites PMI/PME peu innovantes, incapables d’être concurrentielles au niveau international.
L’Algérie ne peut continuer à fonctionner entre le budget d’équipement et de fonctionnement, selon le FMI, à un cours dépassant les 100 dollars le baril , le cours du marché de 50 dollars dans la loi de finances 2022 , étant un artifice comptable, ayant besoin d’une cohérence dans sa politique socio-économique. (les défis de l’Algérie face aux enjeux géostratégiques -interview 11 août 2018 American Herald Tribune USA « Dr. Abderrahmane Mebtoul: “Algeria Still Faces Significant Challenges » et sur l’impact de l’épidémie du coronavirus sur les tensions sociales au niveau de l’économie mondiale American Herald Tribune février 2021 et AfricaPresse Paris mai 2020) Sous réserve d’une reprise de l’économie mondiale, d’une meilleure gouvernance, la lutte contre les surfacturations, une allocation des ressources plus rationnelle Il s’agira de mener de profondes réformes structurelles politiques et économiques, le social et le culturel. Les réformes institutionnelles, renvoient à la refonte de l’Etat pour de nouvelles missions adaptées qui impliquent de saisir les liens dialectiques des relations Etat- Marché, et donc lutter contre la bureaucratie centrale et locale, qui enfante la sphère informelle et la corruption. Le fondement des réformes passe par deux axes fondamentaux . Premièrement, le lieu de distribution de la rente, la transparence de la gestion de Sonatrach dans la mesure où l’économie reposera encore pour longtemps sur les hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach. Deuxièmement, la réforme profonde du système financier, dans toute sa composante, lieu de distribution de la rente, de simples guichets administratifs selon les propos du président de la république, où une oligarchie rentière a utilisé le système douanier pour des surfacturations faute d’absence d’un tableau de la valeur relié au réseaux internationaux ; le système domanial non numérisé favorisant la dilapidation du foncier ; le système fiscal non numérisé favorisant la fraude fiscale, le système bancaire public avec des crédits faramineux octroyés sans de véritables garanties, en plus des bonification de taux d’intérêt, avec la complicité de certains segments de l’administration, et ce sans création de richesses. Pourtant, ne versons pas dans la sinistrose. L’Algérie possède encore quelques leviers pour dépasser la situation actuelle, Le stock de la dette extérieure relativement faible, à fin 2020 avait atteint 5,178 milliards de dollars contre 5,492 milliards de dollars en 2019, selon le rapport “International Debt Statistics 2022” de la Banque mondiale , mais avec un endettement global en nette progression , ayant représenté 50.7% du PIB en 2020, 59.2% du PIB en 2021 et étant prévu 65.4% en 2022, cette dernière estimation ayant été faite avant l’envolée du cours des hydrocarbures en 2022..
En conclusion, pour l’Algérie, l’égalité n’est pas celle du modèle de l963-2021 mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant à la refondation de l’Etat. Devant différencier Etat régulateur stratégique de l’Etat gestionnaire, une utopie du passé, toute création de richesses relève de l’entreprise qu’elle soit publique ou privée nationale ou internationale, ne devant plus faire la différence entre le secteur d’Etat le secteur privé créateur de valeur ajoutée, ces dernières devant s’inscrire dans le cadre des valeurs internationales en termes de coût/qualité pour être concurrentiel.. Pour se projeter sur l’avenir, l’Algérie a besoin d’ une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Concernant le partenariat avec ’l’Europe, il s’agira comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations car la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique, nous impose d’entreprendre ensemble (voir notre étude IFR Institut Français des Relations Internationales Paris 2011 la coopération Europe Maghreb face aux enjeux géostratégiques). Je suis persuadé que grâce au dialogue productif les relations entre l’Algérie et l’Europe trouveront une solution garantissant les intérêts réciproques, n’existant pas dans la pratique des affaires de sentiments, afin de favoriser un partenariat gagnant-gagnant.
A. M.