Dresser la balance devises (1ère partie)
Le cours du pétrole a été coté le 28 mars, 2022 à 10h Gmt, 113,14 dollars pour le Brent et pour le Wit 109,27 dollars. La crise ukrainienne préfigure d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, où la crise actuelle a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et l‘Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales. L’économie algérienne arrimée à l’économie mondiale via ses exportations d’hydrocarbures (pétrole environ 67 % et 33% pour le gaz) et important plus de 80% de ses besoins, quelles incidences à la fois des prix à l’exportation et des prix à l’importation pour la relance de l’économie nationale objet de cette contribution ?
Par Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités, expert international
1.- Je considère que l’année 2019, avant la pandémie du coronavirus, est une référence significative pour analyser l’évolution de la structure de la balance commerciale qui n’ a pas significativement évolué entre 2020/2021 dans sa structure, comme en témoigne le bilan 2020, et donc, afin de pouvoir anticiper la hausse des prix au niveau international qui se répercute sur niveau de la balance des paiements. La répartition par Groupes d’Utilisation est ventilé comme suit, où en 2019, le volume global des importations a été de 41,93 milliards USD : Biens alimentaires pour 2019 : le groupe des « biens alimentaires» vient toujours en troisième position dans la structure des importations réalisées durant l’année 2019 avec une part de 19,25 % de la valeur globale. Les importations de ce groupe, dont depuis la crise en Ukraine les prix ont plus que doublé, ont atteint 8,07 milliards USD au cours de l’année 2019. En termes de structure dudit groupe, les produits de céréales, laits et produits laitiers, sucres et sucreries et résidus et déchets des industries alimentaires, affichent des parts respectives de 33,52 %, 15,43 %, 9 % et de 6,95 %. Le groupe « Energie et lubrifiants » se positionne au 6ème rang dans la structure des importations avec une part de 3,42 %, soit une valeur de 1,44 milliard USD. Les importations dudit groupe enregistrent une hausse importante de l’ordre de 33,22 % par rapport à l’année 2018.. Le groupe des « produits bruts» occupe le 5ème rang dans la structure des importations réalisées durant l’année 2019 avec une part de 4,80 % de la valeur globale, soit 2,01 milliards USD. Les importations du Groupe d’Utilisation « demi-produits » représente une part de près d’un quart (1/4) des importations globales au cours de l’année 2019, étant constitué essentiellement, par les tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier, les demi-produits en fer ou en aciers non alliés et les polymères de l’éthylène, sous formes primaires, avec les parts respectives de 11,22 %, 4,78 % et de 4,68 %. Le groupe de « biens d’équipements agricoles » occupe le dernier rang dans la structure des importations avec une part de l’ordre de 1,09% et une valeur de 457,70 millions USD, affichant des évolutions haussières, touchant les machines, appareils et engins pour la récolte ou le battage des produits agricoles et les autres machines agricoles, avec les taux respectifs de 101,32 % et de 6,87. Les importations des « biens d’équipements industriels »s’élèvent à 13,20 milliards USD, occupant ainsi le premier rang dans la structure des importations globales avec une part de 31,48 %. Le groupe de « biens de consommation non alimentaires » qui renferme les Groupes d’Utilisations (8 et 9), occupe le 4éme rang dans la structure des importations, représentant une part de 15,40 % avec une valeur de 6,46 milliards USD au cours de l’année 2019. Pour l’année 2020, année non significative où tout l’appareil de production a été paralysé, selon les statistiques douanières concernant les importations de biens pour une valeur de 34,39 milliards de dollars, nous avons la structure suivante :
les biens alimentaires ont représenté 8,09 milliards de dollars dont les céréales 34,76%, suivis du lait et produits de la laiteries avec 19,14% ; les énergies lubrifiants pour 915,35 millions de dollars soit 2,66%, les produits bruts 2,30 milliards de dollars soit 6,69% ; les demi produits 23,17%, soit plus de 8,05 milliards de dollars. Les biens d’équipements agricoles, eux, avec 205,94 millions de dollars, soit 0,60%, alors que les biens d’équipements industriels, 9,16 milliards de dollars soit 26,36%. Les biens de consommation non alimentaires, 5,75 milliards de dollars dont les produits médicaux pour la vente en détail , l’antisérum et les parties accessoires automobiles représentant respectivement 19,44%, 9,14% et 5,86%, Bien que n ‘a été publié aucun bilan définitif pour l’année 2021, selon l’Office national des statistiques (ONS), les importations des marchandises ont connu des hausses, durant le premier semestre 2021, par rapport à la même période de 2020. Selon l’Office national des statistiques (ONS), de janvier à juin 2021, les importations se sont élevées à 2 463,7 milliards de dinars au 1er semestre 2021 contre 2 130,5 milliards de dinars à la même période de 2020, soit une hausse de 15,6% et les exportations de marchandises, se sont élevées à 2 293,2 milliards de dinars contre 1 368,7 milliards de dinars à la même période de référence en 2020, enregistrant une hausse de 67,5%. Durant les six premiers mois de 2021 nous avons assisté à une nette évolution haussière de l’indice des prix à l’importation avec l’augmentation qu’ont connue tous les groupes de produits par rapport à la même période de l’année 2020. Ainsi, la hausse la plus remarquable a concerné les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes avec +72,9%, les huiles graisses et cires d’origine animale ou végétale avec +59,8%, les boissons et tabacs (+23,5%) et les produits chimiques et produits connexes (+23,5%). D’autres groupes de produits ont également connu des augmentations de prix à l’importation. Il s’agit des produits alimentaires et animaux vivants (+18,9%), des matières brutes non comestibles, sauf le carburants (+17,4%), des articles manufacturés (+15,6%) et enfin les machines et matériels de transport (+8,4%).
2.-Les indicateurs du commerce extérieur sont importants pour dresser la balance devises Algérie dans un cadre dynamique, les résultats qui suivent ne tenant pas compte, dans le montant des importations, du gel de 402 projets annoncé par le président de la République suspendus pour des raisons administratives. Sinon, le montant des importations serait plus important pour 2022. Il ne faut jamais raisonner en statique mais toujours en dynamique. Si l’on avait mis en œuvre les 402 projets bloqués, et en prenant en moyenne une sortie de devises pour des projets moyens concurrentiels au niveau du marché mondial seulement de 50 millions de dollars, les sorties en devise auraient été de plus de 20 milliards de dollars entre 2020/2021, mais à moyen terme, ces projets auraient permis de générer une économie en devises. Aussi, il s’agit d’analyser sérieusement les incidences sur l’économie où les exportations de gaz pour 2021 ont été d’environ 40/43 milliards de mètres cubes gazeux et pour le pétrole ,500.000 barils/j selon l’OPEP, à ne pas confondre production et exportation tenant compte du pourcentage de réinjection dans les puits (voir notre interview parue à l’agence européenne Bruxelles en date du 09/03/2022). Les importations en 2021, y compris les services souvent oubliés, selon le FMI, entre 6/7 milliards de dollars en 2021 (contre 10/11 entre 2010/2019), ont dépassé les 42 milliards de dollars. Si on prend le même volume qu’en 2021 en y appliquant une pondération de 40% de l’envolée des prix sur le marché international, la valeur approcherait les 60 milliards de dollars fin 2022, sauf en cas de restriction drastique des importations qui risquerait d’accroître les tensions sociales et de paralyser l’appareil économique, surtout après l’annonce que l’année de 2022, serait l’année de la relance économique. Aussi, en termes de balances devises, il faudra prendre en compte la hausse des prix au niveau mondial , le taux d’intégration des entreprises publiques et privées, ne dépassant pas les 15%, biens d’équipements, matière premières et biens alimentaires, dont le montant pour cette rubrique dépasse, selon les statistiques douanières, 8 milliards de dollars entre 2019/2020. Dans une déclaration du 12 avril 2021, le premier ministre (source APS) a annoncé une facture d’importations des produits alimentaires qui dépasse 10 milliards de dollars pour 2021). Et si le marché mondial reste à la tendance actuelle, la valeur des importations, uniquement pour cette rubrique, risque de dépasser les 12/13 milliards de dollars, compte tenu de la sécheresse qui a frappé la céréaliculture, l’Algérie en Afrique étant le deuxième importateur de blé après l’Egypte afin de nourrir une population évaluée au 01 janvier 2022 à plus de 45 millions d’habitants. Et malgré, toutes les restrictions en 2021 qui ont accru le processus inflationniste parallèlement à la dévaluation du dinar qui coté le 25 mars 2022 à 142,5919 dinars un dollar et 157,1791 dinars un euro, contre 77/80 entre 2000/2004), afin de combler artificiellement le déficit budgétaire. Selon nos estimations, si le cours se maintient à 100 dollars, le gain net pour l’Algérie, (hypothèse d’un niveau de production physique identique à celui de 2021, car il existe une limite à court terme d’accroissement de la production physique du fait ‘du désinvestissement) , étant prévu 30 milliards de dollars pour les cinq prochaines années et 8 milliards de dollars pour 2022, selon le ministère de l’Energie. Quant aux projets hautement capitalistiques, dont le phosphate, avec une rentabilité pas avant cinq années, et d’une forte consommation intérieure, nous aurons une recette (à ne pas confondre avec le profit net , devant soustraire les coûts), d’environ 15 milliards de dollars et 20 milliards de dollars, en cas d’accroissement de la production physique de 5%. Et ce, en tenant compte du fait que l’on ne peut modifier les prix qu’après une longue négociation, en cas d’un contrat fixe à moyen et long terme, excepté pour la partie écoulée sur le marché libre, dit spot. Un lien existant entre sécurité et développement, comme le rappelle le dernier numéro de l’ANP, la revue Djeich, espérons que cette manne additionnelle permettra de relancer l’économie et d’éviter les erreurs du passé : plus de 1000 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2021 et une croissance dérisoire (voir notre interview au Monde.fr de février 2022 et le numéro de mars 2022 au magazine Jeune Afrique). Aussi, pour les pays peu diversifiés qui dépendent des hydrocarbures, ce qu’ils gagnent d’un côté, ils le perdent de l’autre avec la hausse des prix. C’est qu’une récession économique menacerait la croissance mondiale et donc l’économie algérienne arrimée à l’économie mondiale, via ses exportations d’hydrocarbures et important plus de 80% de ses besoins.
A. M.
La suite dans notre édition de demain