Au moment où des étudiants poursuivent encore leurs sessions d’examens à travers plusieurs facultés à l’échelle nationale et l’administration se prépare pour accueillir les nouveaux bacheliers devant effectuer leurs préinscriptions durant le mois de juillet en cours, plusieurs voix s’élèvent au sein du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique pour attirer l’attention sur la situation dans laquelle se débat l’institution universitaire et les défis non des moindres qu’elle est appelée à affronter dès la rentrée 2022/2023, tant sur le plan pédagogique qu’en matière d’œuvres sociales.
Par Mohamed Naïli
Sur le plan pédagogique, le constat que le recteur de l’université Mouloud Mammeri, Pr Ahmed Bouda, vient de dresser le week-end dernier devant les membres de l’APW de Tizi Ouzou est, à lui seul, la parfaite illustration du malaise dans lequel se débat la communauté universitaire. Déficit en places pédagogiques et en personnel enseignant, inadaptation de certains parcours de formation ou absence d’intégration de l’université dans son environnement socioéconomique immédiat, sont autant de lacunes qui freinent l’élan de ce secteur censé former de futures élites.
Pourtant, avec les innombrables réalisations dont le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a bénéficié ces dernières années, les contraintes de cette nature n’ont pas lieu d’être, sachant que le secteur compte en effet une cinquantaine d’universités, 13 centres universitaires, une trentaine d’écoles supérieures ainsi qu’un nombre d’écoles normales, ce qui aurait pu suffire pour accueillir dans des conditions sereines les quelque 1,6 million d’étudiants, tous cycles confondus.
En revanche, le problème n’est pas au niveau des infrastructures, mais, comme vient de le décrire le recteur de l’université de Tizi Ozuou, il est d’ordre « organisationnel », comme les retards dans l’avancement des programmes qui, « au fil des années, a entrainé des chevauchements de deux promotions différentes dans certaines facultés », ce qui provoque en conséquence un déficit en places pédagogiques et en encadrement. C’est pourquoi, pour l’année 2021/2022, l’effectif étudiant dépasse les 50 000 pour des capacités d’accueil de 48 000 places seulement, alors que pour l’année prochaine, l’UMMTO s’apprête à accueillir en son sein plus de 10 000 nouveaux bacheliers, pour atteindre un effectif global dépassant les 55 000 étudiants.
Quant à la qualité de l’enseignement, comme l’a indiqué la semaine dernière le directeur général de la formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Djamel Boukezzata, l’université s’apprête à adopter de nouvelles démarches, comprenant principalement la réhabilitation des parcours d’ingéniorat, la création de spécialités spécifiques pour répondre aux nouveaux besoins des secteurs socioéconomiques, comme des formations en industrie pharmaceutique ou en agronomie saharienne entre autres.
Des œuvres universitaires à réformer
Outre l’aspect pédagogique, les carences sont nombreuses également au niveau des œuvres universitaires, engloutissant annuellement des budgets faramineux pour des prestations dont se plaigne souvent la communauté universitaire, que ce soit au niveau de l’hébergement, de la restauration ou des transports.
Après avoir atteint un niveau de dégradation indescriptible, la situation des œuvres sociales à l’université a incité d’ailleurs la cellule de qualité au niveau de l’université Constantine 3 à mener une enquête, sous la direction du chercheur Noureddine Metnani, et qui a conclu sur la proposition d’attribuer un SNMG (salaire national minimum garanti) de 20 000 DA/mois directement à l’étudiant en substitution à tous les services offerts gratuitement, à savoir les résidences universitaires, la restauration et le transport.
Estimant que cette formule de « salaire » est moins onéreuse pour le secteur de l’enseignement supérieur que la politique menée actuellement, le responsable de l’enquête en question est convaincu que la situation de l’étudiant sera meilleure, alors qu’actuellement « 75% des étudiants se disent non satisfaits de la qualité des œuvres sociales » fait ressortir l’enquête menée par les services de l’université Constantine 3.
« Dans la loi de Finances 2022, les universités algériennes ont bénéficié d’une enveloppe estimée à plus de 400 milliards de dinars, dont un tiers, soit plus de 138 milliards DA, pour les œuvres universitaires. Malheureusement, l’étudiant ne bénéficie pas de ces aides sociales directement, mais elles sont réparties sur quatre volets qui sont la bourse, la restauration, l’hébergement et le transport », déclare Noureddine Metnani pour justifier la nécessité d’une réforme profonde de la politique dont sont gérées les œuvres universitaires actuellement, tout en trouvant « anormal » qu’un repas coûte encore 1,2 DA dans les restaurants universitaires alors que son prix de revient est estimé à 430 DA.
M. N.