En plus des céréales destinées à l’alimentation humaine, blé tendre et dur principalement, l’objectif de la politique agricole mise en œuvre dans le cadre de la feuille de route 2020-2025 est d’atteindre l’autosuffisance en céréales destinées à la fabrication d’aliments de bétail et de volailles.
Par Mohamed Naïli
Au moment où les besoins en céréales pour la consommation humaine sont estimés à un peu plus de 100 millions de quintaux, les besoins pour l’alimentation animale avoisinent les 50 millions de quintaux, en se référant à la déclaration faite la semaine dernière par le directeur général de l’ONAB (Office national des aliments de bétail), Hassan Benzaza, ayant affirmé lors d’une séance d’audition devant la Commission Agriculture, pêche et protection de l’environnement de l’APN que «l’Algérie a besoin d’une production annuelle de 4 millions de tonnes en vue d’atteindre l’autosuffisance». Cependant, le ministre de l’Agriculture et du développement rural, Mohamed Abdelhafidh Henni, a, de son côté, fait état précédemment de besoins annuels de 8 millions de quintaux d’orge destinés à l’alimentation des cheptels, ovins notamment.
Par type de grains, le maïs est le plus utilisé dans la fabrication d’aliment final pour les cheptels et les volailles, d’où d’ailleurs la nécessité d’importer un volume de 1,5 million de tonnes dans la période actuelle. «Une quantité de 1,5 million de tonnes de maïs allait être importée à un prix raisonnable», compte tenu «des prix qui avaient reculé sur le marché mondial», a précisé le DG de l’ONAB devant les membres de la Commission de la première chambre du parlement.
Au même titre que les autres céréales, l’objectif tracé pour les intrants utilisés dans la production d’aliments de bétail et de volailles est de parvenir à moyen terme à remplacer les importations par la production locale. C’est pourquoi un programme de développement de culture de maïs est mis en œuvre ces deux dernières années et vise à une large extension des superficies destinées à ce type de cultures, principalement dans le cadre de la politique de développement de nouveaux périmètres dans les wilayas du sud pour l’agriculture intensive, dans le cadre de l’ODAS (Office pour le développement de l’agriculture industrielle en terres sahariennes).
Dans le cadre de ce programme de développement de cultures stratégiques, le premier responsable de l’ONAB a fait état justement du lancement d’«un important projet dans la wilaya de Béchar d’une capacité de production de 90.000 tonnes par an». Bien qu’elle soit une culture récente et nouvellement développée au niveau local, à l’instar du soja, colza ou tournesol, la culture du maïs a déjà donné des résultats jugés intéressants ces deux dernières années. C’est le cas la saison dernière dans la région d’El Menea, où des périmètres irrigués ont été ensemencés pour la production de 150.000 tonnes de maïs fourrager en ensilage et 13.000 tonnes de maïs grains.
Toutefois, de point de vue des agronomes spécialistes en espèces végétales, le défi pour le secteur agricole en Algérie pour parvenir à réussir le pari de la culture du maïs et autres espèces nouvellement introduites se pose, d’une part, au niveau de l’itinéraire technique (choix de semences, traitement des sols, suivi du processus de développement des plantes) et, d’autre part, en amont de la production, à savoir le processus de transformation et de distribution des aliments de bétail et de volailles.
Maïs, luzerne, avoine ou trèfle
A cet égard, estimant que, «quand on considère le montant des importations annuelles de maïs, on ne peut qu’être convaincu d’essayer de produire du maïs en Algérie, mais à condition que ce soit de façon durable», l’ingénieur agronome Djamel Belaïd requiert aux agriculteurs engagés dans ce type de production, en matière de préparation des sols, d’«apporter tout amendement organique possible (fumier, boues résiduelles de stations d’épuration, engrais vert, etc.», leur rappelant que «dans des pays aussi arrosés que la France ou l’Allemagne, la préoccupation des agriculteurs de maïs est d’apporter du fumier sur les parcelles consacrées à cette culture».
Au niveau de l’irrigation, tenant compte du caractère aride ou semi-aride des zones de culture, le même spécialiste recommande de «choisir une irrigation au goutte à goutte, apporter de grandes quantités de matière organique et de localiser l’engrais au moment du semis».
Dans la phase post récolte, ce spécialiste des grandes cultures se penche sur le processus de transformation. A cet égard, il note que «le maïs ayant une importance primordiale en alimentation du bétail, le producteur de maïs grain a tout intérêt à fabriquer lui-même un aliment du bétail. Il lui faut pour cela du soja ou une autre source d’azote. Deux solutions sont alors possibles, soit produire des graines de féverole ou de pois fourrager afin de les mélanger sous forme broyée au maïs lui-même broyé, soit utiliser le maïs en mélange avec de l’urée, dans le cas d’un aliment pour vaches laitières ou bœufs à l’engraissement».
Pour sa part, l’ancien directeur de la production et de la santé animale au ministère de l’Agriculture, Abdelhamid Soukehal, adopte une vision qui prône une refonte globale de la politique d’élevage et de l’approvisionnement en aliments pour le bétail. Il estime ainsi qu’«il faut cultiver et produire de la nourriture pour les animaux d’élevage. Pour cela, l’éleveur ne peut pas produire lui-même cette nourriture, donc il faudra créer une branche spécialisée dans la production de fourrages et, après on aura deux acteurs différents, l’un pour la production d’alimentation et l’autre pour l’élevage. Ainsi, nous aboutirons à la création d’un nouvel instrument qui est l’industrie des aliments de bétail. Que ce soit le maïs, la luzerne, l’avoine ou le trèfle, ces cultures ne peuvent se faire qu’au sud en intensif et en irrigué et approvisionner les éleveurs au nord.»
Ainsi, au-delà de la préoccupation d’assurer l’approvisionnement du marché en céréales destinées à l’alimentation animale, le défi à long terme est d’aller vers la mise en place d’une chaîne de valeur avec le double objectif d’assurer l’autosuffisance et, à la fois, permettre aux acteurs intervenant à tous les niveaux de la filière de rentabiliser leurs investissements.
M. N.