Par Abderrahmane Mebtoul
2.-Je recense cinq conditions afin de dynamiser la bourse d’Alger, inséparable d’une nouvelle gouvernance globale, pour attirer l’investissement, étant en léthargie depuis sa création(1995) et ayant construit un stade de presque sans joueurs, plus 100.000 places avec des joueurs marginaux représentant à peine 2 à 3% de l’activité économique. Premièrement, il ne peut y avoir de bourse fiable sans un système productif performant concurrentiel, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé, évitant les instabilités juridiques renvoyant à un État de droit. Nos responsables sont-ils conscients qu’existe un marché mondial de la privatisation, où la concurrence est vivace et où le facteur déterminant est la demande avec la prise en compte du goodwill (demande potentielle) et pas seulement l’offre, et qu’il faut éviter que certains prédateurs ne soient intéressés que par les actifs immobiliers et non pas par l’outil de production. Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures, et un enjeu énorme de pouvoir. En effet, malgré le nombre d’opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée, la totalité des activités, quelles que soient leur nature, se nourrissant de flux budgétaires, de la capacité réelle du trésor. On peut considérer que les banques en Algérie opèrent non plus à partir d’une épargne puisée sur le marché, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la banque d’Algérie, les entreprises publiques en déficit structurel étant refinancées par le trésor public sous forme d’assainissement – et pas seulement pour la période récente, il faut compter aussi les coûts de la restructuration entre 1980/2021. Cette transformation n’est pas dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures) et dans cette relation, le système financier algérien reste passif., la richesse réelle supposant la transformation du stock de monnaie en stock de capital – et là est toute la problématique de développement. Selon le rapport du premier ministère ( source APS) de 250 milliards de dollars d’assainissement durant ces trente dernières années, plus de 90 % de ces entreprises sont revenues à la case départ, montrant que ce n’est pas une question de capital argent. Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution des titres de propriété qui doivent circuler librement, segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété, comme il ne peut y avoir de bourse des valeurs fiables sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales, par la généralisation des audits et de le comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de la refonte du système comptable et de l’adaptation du système socio-éducatif, l’ingénierie financière étant presque inexistante dans le pays, malgré de nombreuses compétences, le poste services sorties de devises au sein de la balance des paiements ayant été de 10/11 milliards de dollars par an entre 2010/2019, avec une baisse en 2021 environ 6 milliards de dollars selon le FMI qui s’ajoutent aux sorties de devises des biens d’importations. Quatrièmement, des comptes transparents en temps réel reposant sur des comptabilités analytiques et non des comptes consolidés via les comptes les comptes de transfert qui voiler l’efficacité réelle. Existant quelques rares exceptions, il se trouve que dans leur état actuel, les comptes des entreprises publiques et privées algériennes, de la plus importante à la plus simple, sont en contradiction avec les audits les plus élémentaires. À titre d’exemple, Sonatrach et Sonelgaz deux grandes sociétés stratégiques ont besoin d’un nouveau management stratégique à l’instar de la majorité des entreprises algériennes, avec les comptes clairs afin de déterminer les coûts par sections, car les comptes globaux consolidés ont une signification limitée . Cinquièmement, pour attirer les opérateurs tant nationaux qu’ internationaux, s’impose la stabilité monétaire et juridique, ainsi que la résolution des dettes et créances douteuses Évitons d’appliquer des schémas de pays développés comme le financement non conventionnel où les recettes keynésiennes de relance de la demande globale applicables à une économie productive structurée, alors que l’Algérie souffre de la faiblesse de l’offre.. Les banques publiques croulent sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques sont en déficit structurel, surtout pour la partie libellée en devises supposant des mécanismes transparents en cas de fluctuation du taux de change. La cotation du dinar par rapport au dollar et l’euro, principales monnaies d’échange, ne répond pas aux valeurs en bourse où la cotation est inversement proportionnelle, la dépréciation du dinar entre 2000/2021 ayant pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, assimilable à un impôt indirect. Outre l’instabilité juridique, avec l’instabilité monétaire, il est illusoire d’attirer l’épargne de la sphère informelle. Comment voulez-vous qu’un opérateur se présente en bourse sachant que la valeur du dinar va chuter entre 30/50 %, sinon plus, dans deux à trois années, dépréciant ses actifs ?
En conclusion, un nouveau code d’investissement en Algérie, sans vision stratégique, une nouvelle gouvernance, de profondes réformes structurelles conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale – supposant une profonde moralité de ceux qui dirigent la Cité – aura un impact mitigé. L’obstacle majeur de la dynamisation de l’investissement , ce sont ces longs circuits bureaucratiques où c’est le bureaucrate qui décide de la fiabilité du projet lieu du véritable investisseur renforçant la corruption rendant urgent une réelle décentralisation pour dynamiser l’investissement et redonner confiance au citoyen( voir notre contribution quotidien El Moudjahid du 24 septembre 2022-Réunion Walis/ Gouvernement : des collectivités locales pilotées par des walis managers Il existe une loi universelle insensible aux slogans politiques : dans tout pays, l’appréciation d’une monnaie et indirectement le pouvoir d’achat des citoyens est avant tout fonction du niveau de la production et de la productivité interne, une croissance supérieure à la pression démographique, et non d’une rente éphémère donnant une cotation artificielle à court terme. Force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que certains responsables algériens s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie marquée par la transit numérique et énergétique. Le compromis des années 2022/2030 devra concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité, les politiques parleront de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme vision populiste suicidaire. L’Algérie, pays à fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, peut surmonter les difficultés actuelles, par des stratégies d’adaptation, crise qui touche la majorité des pays où l’on devrait assister à une nouvelle reconfiguration mondiale entre 2022/2030.
A. M.