Politique culturelle : La créativité juvénile en quête de valorisation

Politique culturelle : La créativité juvénile en quête de valorisation

Les activités culturelles accompagnant les vacances estivales sont, sans doute, un des indicateurs du niveau de performance et de l’efficacité des différentes instances chargées de la culture dans ses différentes déclinaisons: livres, bibliothèques, y compris ambulantes, théâtre (amateur et professionnel), musique (galas individuels, collectifs, chorales,…), expositions de peinture, ciné-clubs, festivals et foires portant sur l’artisanat et les produits du terroir, différents échanges inter-wilayas, etc.,.

Par Amar Naït Messaoud

Il est vrai que la politique culturelle et la consommation de la culture sont loin de se limiter la période estivale. Elles s’étalent sur les douze mois de l’année et sur les quatre saisons.

Dans différents créneaux, la politique culturelle tend à s’étaler sur l’ensemble de l’année, avec des « jours de pointe » lors des vacances scolaires.

Mais, elle se heurte encore à certains obstacles et contraintes, particulièrement lorsqu’elle tombe entre les mains de quelques structures administratives « tatillonnes » ou bureaucratiques.

Et pourtant, le potentiel juvénile algérien recèle des dons, des talents et des virtuosités dans divers domaines de l’expression culturelle- comme il en existe aussi dans le sport et d’autres profils professionnels- que le pays gagnerait à exploiter, à valoriser et à encourager.

Les efforts individuels, soutenus par les parents, peuvent être un premier creuset que les pouvoirs publics et les institutions culturelles sont en devoir d’accompagner et d’encourager.

Des « faussaires » sous les feux de la rampe

Jusqu’à un passé récent, le monde de la culture a été pollué par la promotion de talents et d’artistes « factices » ou faussaires. Le sort peu enviable réservé par la justice à certains responsables ayant géré des événements culturels au cours des deux premières décennies des années 2000, nous renseigne sur les dérives de gestion commises au nom de la culture.

La manifestation « Constantine capitale de la culture arabe » (2015), qui avait consommé un grand budget, y compris dans la discutable restauration de l’ancien bâti de la médina centrale, avait prolongé une politique culturelle amorphe, basée sur le prestige, le clinquant et le boucan.

Cette manifestation s’était inscrite dans la même logique budgétivore d' »Alger, capitale de la culture arabe », de « Tlemcen, capitale de la culture islamique » et du Festival panafricain.

Loin de l’idée de dévaloriser l’effort des artistes ou l’engagement des autres acteurs culturels dans ce genre d’événement, l’on ne peut, cependant s’empêcher de mettre en relation, d’une part, cette activité culturelle commandée, faite de spectacles sur les douze mois de l’année, avec le bénéficie collatéral d’édition de livres pour laquelle s’aiguisent les appétits et se multiplient les coups de gueule, et d’autre part le besoin immense d’un réveil, voire d’une révolution culturelle, sans laquelle toute modernité politique et toute réforme économique d’envergure demeureraient de simples professions de foi.

Il est vrai que le mot « révolution culturelle » coltine avec lui une charge de ringardise. Ce n’est pas le retour aux années soixante-dix du siècle dernier, ni au Livre Rouge de Mao.

Il s’agit de puiser dans la société algérienne, dans l’histoire nationale et dans le patrimoine universel tout ce qui fait l’humanité et la valeur de l’homme. Mieux, la culture n’a pas besoin d’injonction.

Il faut laisser faire; laisser la culture s’exprimer, laisser les idées circuler et assurer un accompagnement administratifs et un soutien financier. L’État n’est pas fait pour être un animateur culturel. Il est un hypothétique gestionnaire de la culture si, par malheur, il s’en donne la charge.

C’est parce qu’il s’en était trop chargé, avec ces hyper-festivals étalés sur les douze mois de l’année, les créateurs, les vrais, les artistes authentiques, s’étaient retrouvés à la marge. De faux peintres, de médiocres écrivains, d’approximatifs musiciens, eurent le vent en poupe à l’occasion d’agapes festivalières organisées par l’administration.

Et c’est ainsi que l’on était amené à quitter allègrement la proie pour l’ombre ; c’est-à-dire que l’on monnaie l’acte de création. Des prix littéraires ou de récompense pour une œuvre théâtrale furent entachés de complaisance.

S’inscrire dans le cours de la culture mondiale

Pouvait-on alors nous étonner par la suite de ne pas pouvoir nous inscrire dans le cours de la culture mondiale, avec ses créations, ses productions, son esthétique et son aura universelle ?

Remarquons que ceux qui avaient porté haut la voix de l’Algérie, en l’inscrivant dans le grand fleuve de l’universalité, l’on fait individuellement. Il en fut ainsi de Mohammed Dib, Assia Djebar, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et d’autres encore. Est-il normal que les textes de ces écrivains ne figurent plus dans les manuels scolaires algériens ?

Le Journal de Mouloud Feraoun demeure à ce jour une référence de poids, avec le film La Bataille d’Alger, dans les études menées aux États-Unis sur la guerre de libération algérienne.

Les derniers exploits des athlètes algériens aux Jeux olympiques de Paris nous donnent une image assez nette des potentialités et des énergies énormes que recèle la jeunesse algérienne. Ce qui est valable pour le sport l’est également pour la culture, toutes activités confondues.

Au cercle vicieux de l’apparat, des faussaires et de la complaisance, il est venu le temps de lui substituer le cercle vertueux qui engage des mécanismes inverses où devront émerger la culture et la personnalité nationale, le sens de l’échange fructueux avec les autres peuples et cultures, la véritable créativité et une certaine esthétique nationale.

Sortir de la politique culturelle de prestige- basée sur le spectacle fugace et les ersatz de production de l’esprit- vers une conception globale, réformée et novatrice de la culture, qui s’appuie sur les énergies de la jeunesse et les initiatives émanant d’elle, constituera un pas de géant vers cette ambition culturelle de production, de créativité, d’échanges, de ré- création et de formations aux valeurs de la citoyenneté.

A. N. M.

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