Le financement des collectivités locales est au centre des préoccupations des pouvoirs publics. La rencontre de deux jours, gouvernement-walis, qui a pris fin hier, a consacré tout un atelier sur cette problématique. En dépit des dotations financières dégagées annuellement par l’État via le Trésor public, le développement local peine à décoller.
Par Akrem R.
D’ailleurs, plus de 1000 communes sur les 1540 existantes sont considérées pauvres, a déploré le président de la République Abdelmadjid Tebboune, lors de son discours d’ouverture des travaux de cette rencontre. Pour lui, il est impératif d’orienter les missions des élus locaux sur la création des richesses.
D’ailleurs, les Codes régissant l’administration des Collectivités locales, précisément les communes et les wilayas, sont en cours de révision.
Dans ce cadre, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, a confirmé, devant les chefs des exécutifs des wilayas réunis avec le gouvernement au Palais des nations les 24 et 25 septembre courant, qu’une commission spécialisée, qui sera créée par décret présidentiel ou exécutif, qui proposera des amendements aux Codes communal et de wilaya.
Mise sous tutelle du ministère de l’Intérieur, elle sera formée des représentants des deux chambres du Parlement, du ministère des Finances et élargie aux élus municipaux. Elle devra réfléchir sur « une approche nouvelle de la gouvernance locale, fondée sur la consécration des équilibres entre les pouvoirs, réduire les distorsions de développement, et impulser une dynamique économique locale créatrice de richesses» a expliqué le ministre.
Il a souligné que la législation envisagée déterminera les domaines de compétences des autorités locales et mettra en place les mécanismes liées à une gestion participative des communes et des wilayas. En clair, les nouveaux textes devront renforcer la décentralisation de l’acte de gestion et trouver des sources de financement substantielles aux Collectivités locales.
Comment diversifier les sources de financement ?
Lors d’un atelier intitulé «Les réforme des finances et de la fiscalité locale pour un développement local», organisé dans le cadre de la rencontre gouvernement -wali, les participants ont discuté, notamment, de la possibilité d’adopter des solutions en matière de développement local, pour s’éloigner graduellement de la prédominance de la dépense publique et renforcer le rôle de l’ensemble des acteurs du territoire et celui des établissements publics locaux dans le financement du développement local.
Les responsables et les experts ayant pris part à cet atelier ont fait constater que le développement local s’est basé, jusque-là, sur l’intervention quasi-exclusive du budget d’équipement de l’État à travers les dotations allouées annuellement sur les programmes PSD (Programmes sectoriels déconcentrés) et PCD (Plan communal de développement), ainsi que sur le Caisse de solidarité et de Garantie des Collectivités Locales (CSGCL).
Concernant les objectifs de cet atelier, ils portent, essentiellement, sur la définition des voies et moyens de la diversification des sources des collectivités locales et aux fins d’aboutir aux termes de cette rencontre, à des solutions concrètes pour parer au déficit financier des wilayas et communes.
À ce titre, les participants ont évoqué, notamment, la possibilité d’une révision du mode de partage de la fiscalité entre l’État et les Collectivités locales et l’adoption d’un mode de gestion rénové du patrimoine foncier et immobilier des collectivités, de manière à rationaliser les dépenses et optimiser les revenus.
Aller vers plus de décentralisation de gestion
Pour l’expert en économie, Mahfoud Kaoubi, amorcer une nouvelle ère de développement implique de nouvelle méthodes et instruments de gestion, mais aussi des profils de compétences en harmonie avec les programmes de développement. Réagissant aux déclarations, hier, du président de la République lors de la rencontre Gouvernement-Walis pour un renouveau de développement local, Kaoubi qui s’exprimait sur les ondes de la radio nationale « Chaîne III», l’invité de la Radio évoque la nécessité de valorisation des territoires. « La notion du territoire est aujourd’hui au cœur des théories de développement. On ne parle plus de région ou de localité, mais de territoire », a-t-il précisé, car cela implique la notion de « potentialités, spécificités et autonomie pour la mise en place de projets de développement économique et social». Pour lui, il faut aller vers « plus d’autonomie et de décentralisation dans la conception des plans de développement ».
En effet, cette notion de décentralisation confiera plus de prérogatives aux élus locaux, notamment en matière de gestion du patrimoine de sa localité et, également, en matière de projets d’investissements à concrétiser. Poursuivant sur une note d’espoir, il dira que « les potentialités existent pour une nouvelle vision », mais il alerte tout de même qu’il « faudra donner du contenu à cette décentralisation et changer les méthodes et les instruments de management et de gouvernance locale », et « surtout ne pas reproduire les mêmes incohérences qui ont été derrière le gel de beaucoup d’initiatives, outre, ne pas se tromper sur les profils de compétences pour mener à bien les réformes avec obligation de résultats ». Ceci pour que l’administration soit réellement « au service du développement », a-t-il précisé.
A. R.
Ishak Kherchi, expert en économie: «Il faut revoir la gouvernance au niveau local»
L’expert en économie, Ishak Kherchi, a souligné que l’amélioration de la fiscalité locale passe par l’élargissement de l’assiette fiscale. Pour cela, les élus locaux et notamment le wali, sont appelés à améliorer l’attractivité de leur territoire, en facilitant la tâche aux investisseurs pour la réalisation de leurs projets, à travers un accompagnement adéquat. Pour notre intervenant, il est plus qu’impératif de revoir le mode de gestion et de la gouvernance au niveau local. « Nous devons impérativement passer d’un mode de gestion purement administratif à un mode entrepreneurial. Le wali ou le P/APC doivent avoir cet esprit de manager dans la gestion des affaires de sa localité. Il ne doivent avoir ce courage dans la prise de décision et ne peut avoir cette peur de perdre son poste. Le wali doit tout simplement avoir cet esprit économique et entrepreneurial dans la gestion des affaires de la wilaya», a recommandé l’enseignant universitaire, également.
En effet, les ports, les aéroports et toutes les infrastructures économiques doivent fonctionner selon le mode de 3 ×8 et ne surtout pas se limiter aux horaires d’ouverture administrative de 8 h à 16H. « Plus l’activité économique sera durable, et plus la commune et la wilaya engrangeront des bénéfices à travers la fiscalité locale. Même chose pour l’entreprise qui doit également changer son mode de gestion, en abandonnant la gestion administrative. La gouvernance économique de l’entreprise permettra l’optimisation de ses moyens et la réalisation de plus de bénéfices et plus d’IBS pour la trésorerie de la wilaya», détaille-t-il.
Le deuxième point à prendre en considération, est de poursuivre les efforts pour la réforme et la diversification de l’économie nationale, ajoute Ishak Kherchi. Actuellement, notre économie est prédominée par la rente. Un grand travail reste à faire dans ce sens. « Nous devons diversifier notre économie, en facilitant l’investissement et la création d’entreprises dans divers domaines. C’est à travers cette approche que l’on pourra augmenter la fiscalité locale», conclut-il.
Propos recueillis par Akrem R.