Depuis quelques jours, des ruptures dans l’approvisionnement du marché en huile de table, particulièrement en unités de 5 litres, sont constatées dans plusieurs wilayas du pays. Peu avant, des pénuries de même nature ont touché des produits comme le concentré de tomate, la semoule, la farine, la pomme de terre et autres.
L’une des causes principales de ces perturbations récurrentes, celle de la spéculation contre laquelle le ministère de la Justice avait publié, la semaine dernière, un communiqué enjoignant de sévir lourdement, avant les instructions, dans le même sens, ormulées, hier, par le Président Tebboune, lors d’un Conseil des ministres
Par Mohamed Naïli
Ainsi, autre produit objet de pratiques indélicates, le lait en sachet, dont la rareté est quasi chronique dans plusieurs régions du pays. Durant certaines périodes de l’année, les pénuries n’affectent pas seulement les produits destinés à l’alimentation humaine, mais aussi les aliments de détail et de volailles.
Lorsque les pouvoirs publics et les producteurs assurent que les produits en question sont disponibles en quantités suffisantes, voire parfois en surplus, que ce soit pour ceux produits localement ou ceux fabriqués à base de matières premières importées, il devient plus complexe pour les acteurs du marché, les spécialistes dans le domaine de la régulation ou même le simple consommateur de comprendre les raisons de ces perturbations.
En effet, pour ne citer que l’exemple de l’huile de table, les unités de production sont unanimes à assurer que les disponibilités répondent d’une manière aisée aux besoins du marché. C’est le cas du groupe Cevital qui, il y a quelques semaines, a rendu public un communiqué à travers lequel il rassure sur la disponibilité du produit. « Le Groupe Cevital tient à rassurer les consommateurs algériens sur la disponibilité et la production en quantités largement suffisantes de l’huile de table », est-il souligné dans le communiqué en question.
C’est pourquoi donc, il est plus que nécessaire d’identifier les facteurs mais aussi les « réseaux » qui seraient à l’origine de ces situations de déséquilibre du marché. C’est d’ailleurs ce que vient de suggérer Hassan Menouar, président de l’association de protection des consommateurs El Aman, hier sur les ondes de la chaine 3 de la radio nationale, regrettant que ces pénuries « préoccupent les esprits des Algériens. Dans différents milieux, ça ne parle que de lait, que d’huile », alors que nous négligeons des problématiques plus importantes comme « la santé publique, le changement climatique, les technologies ».
Pour lui, à l’origine de ces pénuries qui font leur apparition d’une manière sporadique sur le marché il y a différents facteurs. « Nous subissons toujours les problèmes de spéculation négative, de rétention, d’informel, qui ne font qu’aggraver la situation du pouvoir d’achat d’abord, de la raréfaction de certains produits qui sont devenus des produits de base », dira le président de l’association El Aman.
Bien évidemment, la spéculation, la rétention de produits dans l’intention de créer des situations de tensions qui entraineraient des hausses de prix, la contrebande à travers les frontières, la prolifération de l’informel sont autant de pratiques auxquelles s’adonnent les réseaux provoquant ces pénuries, fait constater le président de l’association El Aman, en suggérant des actions concrètes à mener dans ce sens pour donner plus d’efficacité aux mécanismes de lutte contre ces ruptures d’approvisionnement du marché et les pénuries périodiques.
Appliquer la loi dans toute sa rigueur
Ne se contentant pas de la promulgation de lois et autres textes réglementaires, allusion faite à la promulgation récente de la loi criminalisant la spéculation et toute pratique provoquant des pénuries volontaires, estimant qu’ « annoncer l’élaboration des lois et règlements qui n’arrivent pas à être exécutés ne fait plus peur, ni aux spéculateurs, ni aux contrebandiers », M. Menouar appelle les pouvoirs publics à « appliquer la loi dans toute sa rigueur contre ces criminels qui portent atteinte à la quiétude du citoyen et à l’économie nationale. »
De son côté, l’APOCE (Association nationale de protection du consommateur et son environnement), dans son analyse de la situation du marché dans le sillage de ces dernières pénuries touchant l’huile de table qui vient d’être publiée sur les réseaux sociaux, dénombre trois raisons qui seraient à l’origine de ces perturbations.
En premier lieu, l’association cite le fléau de la contrebande, en citant comme preuve, les milliers d’unités d’huile saisies ces derniers jours par les services de douanes dans diverses régions du sud du pays en direction vers les frontières, dont 2 800 unités de 5 litres dans la wilaya d’Adrar et plus de 4 000 autres unités dans la wilaya de Djelfa.
La deuxième raison de ces pénuries pour l’APOCE est la rupture dans la chaine de distribution, donc « le produit n’arrive pas au détaillant ou ce dernier refuse de l’acquérir dès lors que la facturation lui est imposée ». Enfin, la troisième raison provoquant ces pénuries pour ladite association réside dans le « recours abusif au stockage », non seulement dans les circuits commerciaux, mais aussi au niveau des ménages. Pour ce qui est de ce dernier point, force est de constater un changement réel dans le comportement d’achat des chefs de famille qui, depuis la crise de Covid-19, procèdent à des achats en grandes quantités de produits de large consommation non périssables, comme la semoule, l’huile de table ou les pâtes alimentaires, craignant constamment d’éventuelles pénuries ou des hausses des prix.
C’est d’ailleurs pour en finir avec ces réflexes ayant des effets négatifs sur la régulation du marché des produits de large consommation que le président de l’association El Aman, lui, appelle à un travail en profondeur pour « changer le comportement d’achat des ménages à moyen ou long terme ». Invitant même la sphère universitaire à s’impliquer dans des « enquêtes sociologiques sur le comportement d’achat », M. Menouar relève que « les familles algériennes consomment presque toutes de la même façon et à la même période, avec de grandes quantités de produits comme l’huile de table, le lait ou le sucre ». Outre la tension qui se crée autour de ces produits sur le marché, cette manière de consommer « porte atteinte aussi à la santé du citoyen ». C’est pourquoi donc il suggère une nouvelle approche pour l’orientation des ménages vers la diversification des modèles de consommation.
M. N.