Depuis près de 2 ans déjà, les entreprises du secteur BTPH ont vu leurs activités baisser. Agissant principalement sur des projets étatiques, les activités du BTPH s’étaient amoindries avec l’annulation de grands chantiers, pour cause de reflux des recettes pétrolières. L’emprisonnement du patron du principal groupe BTPH, le non paiement des factures dues, et la pandémie aidant, c’est dans un véritable marasme que s’est englué ce secteur. Et pour compléter ce sombre tableau, alors qu’elles sont confrontées au problème de recouvrement de leurs factures, les entreprises font face à la pression conjuguée des charges obligatoires induites par les échéances de paiement des salaires, outre, les charges sociales et fiscales. Ainsi, dans un communiqué rendu publique, hier, l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), annonce les effets de la pandémie du Coronavirus, à fin avril 2021, ont causé la fermeture de pas moins de 15 700 entreprises, générant 50 000 pertes d’emplois.
Par Réda Hadi
«Quand le Bâtiment va, tout va !», dit-on. Et En Algérie, rien ne va dans le secteur. Frappé de plein fouet par la double crise économique et sanitaire, Le BTPH qui emploie parmi plus gros des travailleurs agonise. Après plus d’une année d’arrêt de toute activité, en raison des mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, «la situation qui prévaut, aujourd’hui, inquiète à plus d’un titre nos opérateurs économiques, qu’ils soient publics ou privés», indique l’Association, qui révèle que 780 entreprises adhérentes à l’Agea ont cessé leurs activités, «faute de plan de charge et de non-signature des différents avenants, ainsi que les différents retards de paiements des situations des années 2018-2019», selon le communiqué, sanctionnant une Assemblée générale tenue le semaine écoulée.
S’il n’a pas démenti le nombre d’entreprises fermées ni les emplois perdus, le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a tenu, tout de même à rappeler les efforts des pouvoirs publics pour venir en aide à ce secteur, et affirme que les mesures exceptionnelles prises par les pouvoirs publics pour faire face à la crise sanitaire ont coûté 238 milliards de dinars au Trésor public. Le ministre a précisé que l’Etat a déboursé 99,2 milliards de dinars sous forme de primes exceptionnelles aux travailleurs (dont ceux du BPTH).
Beaucoup d’obstacles et de bureaucratie
L’Agea, pour sa part, soutient que la situation qui prévaut dans ce secteur découle, entre autres, de la persistance d’obstacles qui nuisent grandement à la gestion des entreprises membres de l’association, et ce, en dépit des facilitations édictées dans un contexte de crise par les autorités publiques, mais dont l’application se trouve le plus souvent contrariée.
D’autre part, cette association met en cause le comportement véreux de certains agents qui abusent de leur position pour des prises d’intérêts mercantiles, voire matériels.
Pour les professionnels de ce secteur, il est vital de lever les contraintes liées à la bureaucratie, au paiement des factures dues. L’Agea indique que les entreprises, acculées de toutes parts, évoluent «dans un climat délétère, exacerbé par le contexte de crise aiguë préjudiciable à l’intérêt général».
Saci Slimane, entrepreneur à Rouiba nous a affirmé dans ce contexte, ne plus savoir où donner de la tête. Sa trésorerie est lourdement entamée et peu renouvelée faute de contrat et a insisté aussi sur le fait qu’il est «au bord de l’asphyxie», en précisant que «j ai réalisé des travaux qui ont été agréés, et pourtant cela fait 6 mois que j’attends d’être payé, mais rien. J’ai payé le personnel, mais pas les charges, voila que maintenant on m’impute aussi des pénalités de retard. Comment voulez-vous que je m’en sorte ?» a-t-il conclu dépité et prêt à une reconversion.
Billel Aouali expert en économie : «Les pouvoirs publics préfèrent les grandes entreprises… »
L’expert en économie, M. Billel Aouali, explique la crise que traverse le BTPH, du fait que faute de rentrées financières, les projets ont considérablement baissé, ne laissant de place qu’aux grandes entreprises reconnues et à forte trésorerie. La hausse des matériaux de construction ne permettent pas aux petites entreprises d’être compétitives.
Eco Times : L’Agea annonce que plus de 15. 000 entreprise du BTPH ont fermées et 150 000 emplois perdus. A quoi est due cette situation?
Billel Aouali : Avec la crise pétrolière, et la baisse des rentrées financières du pays, les pouvoirs publics, donc l’Etat, se sont désengagés de beaucoup de projets. Eu égard à cette situation et au vu du peu de projets inscrits, les maitres d’ouvrages préfèrent des entreprises reconnues. De ce fait, les petites entreprises ne sont plus sollicitées. Ces dernières, ne peuvent pas, de surcroit, faire face à la montée des prix des matériaux de construction.
Faut-il alors blâmer les pouvoirs publics ?
Pas nécessairement. Il faut savoir que ce secteur avait bien besoin d’un coup de balai. Il est, en effet, fortement impacté par la corruption. Beaucoup de personnes se sont improvisées «entrepreneurs» pour décrocher un contrat.On ne peut faire confiance à des «entrepreneurs» qui n‘ont qu’une brouette, une truelle, et quelques connaissances du domaine, pour décrocher la timbale ! Les pouvoirs publics préfèrent un interlocuteur fiable et qui respecte son contrat. En sus de cela, la hausse des prix des matériaux de construction influe sur les entrepreneurs honnêtes qui ne peuvent rivaliser avec des grandes entreprises. Ces mêmes entrepreneurs ne peuvent pas aussi se permettre les retards de paiement. A ce niveau, les pouvoirs publics sont responsables de leur endettement qui aggrave une situation déjà compliquée et complexe.
R.H.
