L’Algérie veut se repositionner sur le marché mondial de l’énergie propre. Elle compte alimenter en électricité une partie de l’Europe via l’Italie par un câble sous-marin. Ce projet ambitieux d’interconnexion électrique entre l’Algérie et l’Italie a été largement discuté entre les chefs d’Etat des deux pays, lors de la visite d’Etat du Président Abdelmadjid Tebboune à Rome.
Par Akrem R.
«Concernant l’électricité, nous avons proposé, à nos amis italiens, la réalisation d’un câble sous-marin entre l’Algérie et l’Italie, à travers lequel nous pourrons approvisionner l’Italie et une partie de l’Europe en énergie électrique», a fait savoir le chef de l’Etat lors d’un point de presse animé conjointement avec son homologue italien, Sergio Mattarella.
Lundi dernier, le ministère de l’Energie et des Mines avait indiqué, dans un communiqué, que la réactivation du projet d’interconnexion électrique entre l’Algérie et l’Italie a été au centre des discussions à Rome entre le PDG du groupe Sonelgaz, Mourad Adjal, et le ministre italien de la Transition énergétique, Roberto Cingolani.
Cette rencontre a porté sur la réactivation du projet d’interconnexion électrique par câble sous-marin entre l’Algérie (Cheffia) et l’Italie (Sardaigne) pour une capacité de 1 000 à 2 000 MW, avait précisé le ministère de l’Energie dans un communiqué.
«La partie Italienne a montré un intérêt particulier à ce projet et souhaite mettre en place des groupes de travail pour discuter des modalités de sa mise en œuvre et propose, également, d’impliquer la commission européenne pour participer au financement du projet à travers les banques européennes», selon le ministère, qui a ajouté que ce projet, une fois relancé, sera conduit conjointement par Sonelgaz, pour la partie algérienne, et Terna, société de transport d’électricité italienne.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février dernier, plusieurs pays européens dont l’Italie, veulent réduire leur dépendance au gaz russe. La Russie fournit 40% des besoins européens en gaz, et l’Algérie fournit à l’Europe 11%, via des gazoducs qui la relient à l’Espagne et l’Italie. Plusieurs dirigeants italiens se sont rendus en Algérie depuis le début du conflit russo-ukrainien, rappelle-t-on. Le 28 février, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio. Ensuite, il y a eu la visite du Premier ministre italien, Mario Draghi, qui a été couronnée par la signature, le 11 avril dernier, d’un accord entre Sonatrach et Eni pour augmenter l’approvisionnement de l’Italie en gaz naturel algérien. A ce propos, le Président Tebboune a assuré, ce jeudi, qu’en matière d’énergie, « nous demeurons engagés et disposés à satisfaire la demande de l’Italie ». Le Chef de l’Etat, qui a relevé l’existence d’un « lien organique » entre les deux pays dans le domaine énergétique, a fait part de l’éventualité de développer cette coopération en menant une exploration commune entre les sociétés Sonatrach et ENI. « Tout surplus dans la production devant être orienté, en fonction de la demande, vers l’Italie, pays ami qui pourra devenir distributeur pour l’Europe », a-t-il dit. La concrétisation de ce projet d’interconnexion de l’Algérie avec les pays de l’Europe consolidera la position de notre pays comme un fournisseur «fiable» et également ouvrera les portes de l’investissement dans les énergies renouvelables. Il (le projet) évitera également d’entrer en conflit avec un autre partenaire stratégique, à savoir la Russie, qui reste le premier fournisseur des pays de UE en gaz. Il est à noter, qu’un programme national pour la production de 4 000 MW d’ici 2024 et 15 000 MW à l’horizon 2035 a été tracé par le gouvernement. Un appel d’offres pour la réalisation du programme le «Solar 1000», qui verra la réalisation de centrales solaires photovoltaïques d’une capacité de 1 000 MW, a été déjà lancé et dont les entreprises réalisatrices seront bientôt connues. Onze sites situés dans des wilayas du Sud du pays, notamment à Ouargla, El Oued, Ghardaïa et Béchar, ont déjà été retenus.
Ishak Kherchi, expert en économie : « Avec ce projet, l’Algérie aura plus de poids…»
L’expert en économie, Ishak Kherchi a qualifié le projet de câble sous-marin d’électricité, d’initiative louable, notamment, durant cette période de bouleversements géopolitiques et stratégiques dans le monde. De nouvelles forces vont certainement émergées et une nouvelle carte mondiale de l’énergie va été ainsi être configurée, dira-t-il.
« C’est dans l’intérêt de l’Algérie de se préparer et de prendre ce genre d’initiatives, notamment, avec des pays amis comme l’Italie, afin d’être présente sur cette nouvelle carte mondiale. En clair, l’Algérie va se repositionner sur l’échiquier mondial de l’énergie», souligne Ishak Kherchi, enseignant universitaire, également. Ainsi, dira-t-il, avec la concrétisation de ce projet, l’Algérie aura plus du poids sur la scène politique et économique mondiale. «Sa voix sera écoutée attentivement par les partenaires européens», affirme-t-il. Dr. Kherchi s’attend qu’un mémorandum d’entente soit signé entre les deux pays lors de la prochaine réunion mixte des deux gouvernements en juillet prochain.
En outre, l’expert a expliqué que la proposition de ce projet est dictée par le fait que le Gazoduc Transmed, transportant actuellement 21 milliards de m 3 de gaz /an, atteindra sa capacité maximal dès 2026, après l’augmentation des quantités exportées vers l’Italie de 9 milliards M3. « En dépit de cette augmentation, l’Italie aura besoin de plus de gaz pour assurer le bon fonctionnement de ses stations de production d’électricité. Des quantités difficiles à trouver sur le marché, notamment, avec la guerre en Ukraine. La solution c’est de réaliser cette interconnexion via un câble sous marin», conclut-il.
A. R.