L’écho et les réactions ayant suivi l’annonce du chef de l’État, dimanche soir, quant à une éventuelle adhésion de l’Algérie au groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), tant en Europe qu’en Afrique, reflètent l’importance des enjeux et les atouts pour l’économie nationale en choisissant cette option.
Par Mohamed Naïli
Au-delà de la dimension géopolitique d’une intégration à ce groupe, ce sont de nouvelles opportunités et de nouvelles règles de jeu aux plans économique et commercial que véhiculent les BRICS. Pour mieux cerner ces opportunités, il importe en effet de noter que le groupe en question représente 40% de la population mondiale qui, en langage économique, un marché de consommation d’une grande importance. Les BRICS représentent aussi 25% du PIB mondial, 18% du commerce international, mais aussi 50% de la croissance économique au niveau mondial. Autant d’éléments qui placent donc ce groupe de puissances économiques émergentes au centre du développement à l’échelle planétaire.
A travers ce groupe, si elle le rejoint, l’Algérie s’ouvre en conséquence de nouvelles portes au produit national pour lui permettre de consolider sa position sur le marché international et dans des espaces régionaux diversifiés, à savoir l’Amérique latine avec le Brésil, l’Asie avec l’Inde, l’Europe de l’est avec la Russie et s’affirmer davantage sur le marché africain avec l’Afrique du sud. Ceci ne fera qu’accélérer la démarche entreprise par les pouvoirs publics ces derniers mois pour faire gagner au produit local davantage de parts de marché à l’international, en misant notamment sur près de 7 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici la fin de l’année en cours, un objectif qui, de surcroît, est en passe d’être atteint.
Cependant, d’autres avantages s’offriront à l’Algérie, en tenant compte de la nouvelle doctrine de commerce international qu’incarnent les BRICS. Outre les financements qui sont accordés aux pays membres par la banque créée en 2014 par les pays de ce groupe, dénommée la Nouvelle Banque de Développement, et dont le siège est à Shanghai en Chine, les BRICS entendent mettre en place un nouveau système de financement du commerce international et des investissements étrangers qui vient comme une alternative au dollar américain et le système financier international Swift.
En réaction à l’expression par chef de l’Etat de son ambition à intégrer ce groupe, l’économiste Alexandre Kateb, dans une intervention hier mardi à RFI (Radio France Internationale), a fait savoir qu’une telle initiative « permettrait à l’Algérie d’avoir des relations directes avec ces grandes puissances émergentes que sont les BRICS et de rehausser son statut diplomatique », avant d’ajouter qu’avec la banque des BRICS, une sorte de banque centrale, l’Algérie aura des opportunités de « bénéficier de financements octroyés par cette banque », comme elle bénéficiera aussi « des échanges commerciaux et la création d’un système alternatif au rôle du dollar américain ».
« Un système de gouvernance égalitaire »
De son côté, l’économiste Thierry Apoteker, qui suit de près l’évolution du groupe des BRICS et qui s’intéresse aussi à l’Algérie, voit dans la volonté que vient d’exprimer le chef de l’Etat, que « le pays [l’Algérie, ndlr] a tous les attributs nécessaires pour faire partie des BRICS : c’est un pays influent sur la scène internationale, un pays important du point de vue des ressources et de l’équilibre pétrolier et gazier mondial. Il a une influence régionale, notamment dans la région sahélienne, ce qui intéresse beaucoup la Russie et la Chine ».
En outre, si l’économiste Thierry Apoteker rappelle que le souhait de l’Algérie intervient dans un contexte où les membres du groupe en question « affichent le principe de leur ouverture », c’est parce que lors de la réunion des ministres des affaires étrangères des cinq pays fondateurs du groupe en mai dernier, de nouveaux objectifs ont été définis et comprenant l’ouverture à de nouveaux membres, en fonction de critères prédéfinis.
Quelques semaines après, il y a eu le sommet du 23 juin dernier, tenu à Pékin en visioconférence et auquel l’Algérie a fait partie des 20 pays invités à y prendre part, dont l’Argentine, l’Indonésie, l’Egypte et la Thaïlande ou le Sénégal. A présent, l’Argentine et l’Iran ont formulé des demandes officielles pour rejoindre le groupe des BRICS. Ces deux pays candidats pourraient être suivis de l’Algérie.
Enfin, pour faire face aux retombées de la guerre en Ukraine sur les marchés mondiaux, les BRICS recentrent leurs objectifs en visant, selon l’influent média chinois Global Times, « un système de gouvernance mondiale égalitaire au lieu de celui dominé par l’hégémonie des Etats-Unis, une nouvelle approche de la réforme financière visant à mettre la finance au service de l’entité économique au lieu de l’utiliser comme une arme, et la réparation de la chaîne d’approvisionnement mondiale mise à mal par les Etats-Unis qui ont vanté le découplage ».
En exprimant son souhait d’y adhérer, l’Algérie se donne ainsi la possibilité de rejoindre un nouveau système économique mondial en phase de gagner du terrain.
M. N.