S’inscrivant dans le cadre de la rationalisation des dépenses de l’équité sociale, le gouvernement se penche sur le dossier « épineux» des subventions. En effet, il est prévu dans le projet de loi de finances (PLF) 2022, le passage d’un système de subvention généralisé pour toutes les couches de la société à un autre modèle, censé ne bénéficier qu’aux seules catégories nécessiteuses.
Par Akrem R.
Désormais, les 17 milliards de dollars consacrés aux transferts sociaux, ne profiteront plus aux indus bénéficiaires et autres intermédiaires qui ont saigné l’économie nationale en bénéficiant de ces transferts, a soutenu le Premier ministre, Aymen Benabderhamane, lors de sa réponse aux préoccupations des députés.
Précisant que la démarche des pouvoirs publics ne vise nullement à abandonner sa politique sociale, tout en s’employant à assurer le ciblage des véritables bénéficiaires des subventions, le premier argentier du pays, également, a expliqué que «les fonds récupérés sur le surplus des subventions sociales de l’Etat, après le ciblage des véritables bénéficiaires, seront affectés à d’autres secteurs comme la Santé et l’Education et serviront à la revalorisation des salaires».
En effet, les mécanismes de mise en œuvre de l’article 187, relatif à la mise en place d’un dispositif national de compensation monétaire au profit des ménages qui y sont éligibles, a-t-il dit, seront définis en association avec les parlementaires.
M. Benabderrahmane a fait état, dans ce cadre, d’une étude approfondie, lancée il y a plusieurs années, afin de fixer les modalités de ciblage des ménages éligibles aux subventions de l’Etat, avec le concours de plusieurs départements ministériels, notamment les ministères de l’Intérieur, des Finances et de la Solidarité nationale, en sus de l’Office national des statistiques (ONS).
En 2021, le groupe de travail, créé en 2006, a été élargi, pour inclure des représentants du Conseil de la nation, et sera à nouveau élargi pour regrouper tous les experts et les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), a-t-il précisé. Toutefois, des contraintes techniques persistent encore sur le terrain et plusieurs questions sont en suspens. Des démarches sont déjà entreprises par les départements de l’Intérieur et celui des Finances pour l’élaboration d’un fichier national des revenus. Une fois cette cartographie finalisée, il sera facile d’identifier les nécessiteux. Mais, les concepteurs de ce fichier sont opposés à un réel problème, à savoir l’indispensabilité des statistiques concernant les ménages. Beaucoup d’entreprises n’ont pas adhérer à cette démarche, a regretté, avant-hier, le secrétaire général du ministère de la Poste, Abderrazak Henni, en répondant à une question sur le retard dans la numérisation, lors d’une rencontre organisée par la CAPC. Ce dernier a fait savoir qu’en dépit des sauts enregistrés en matière de documents biométriques, à l’instar de la carte identité et l’attribution d’un numéro d’identification national, ce n’est pas encore généralisé. Pour lui, il ya lieu d’abord, de généraliser cette opération afin de passer à un vrai système numérique. Dans ce cadre, Souheil Guessoum, président du syndicat du numérique à la CAPC, a estimé qu’il temps de commencer à travailler sur la base du numéro d’identification national pour le ciblage des subventions. Face à cette contrainte technique et l’absence de statistiques nécessaires, le passage à un système de ciblage des subventions ne sera pas facile et risque de créer des tensions au sein de la société. La solution pour certains experts, c’est de revoir les grilles de salaires. Noureddine Bouderba, un spécialiste des questions sociales avait déclaré lors d’une rencontre organisée par le FFS sur la politique sociale en Algérie, que le passage au ciblage des subventions aura plus d’effet négatif sur les pauvres, que les riches». Et d’ajouter : «aucun pays au monde, ayant expérimenté cette démarche, n’a pu réussir à remplacer les subventions par un ciblage.
«En Algérie, non seulement on aura du mal à identifier les riches, mais il faut savoir que ce sont 80% d’Algériens qui ont besoin de ces subventions», avait-il dit, en proposant la supression de l’IRG pour les salaires bas, avec en parallèle, l’augmentation du Smig, qui, du moins, concerne tout le monde et auquel sont indexées toutes les aides sociales».
A. R.
Hamza Boughadi, expert en économie à Eco Times: « Le passage au ciblage des subventions est quasiment irréalisable»
L’expert en économique, Hamza Boughadi a indiqué, hier, à Eco Times, que l’’ingénierie financière du pays est lourdement piégée, le moteur du changement et d’amélioration qui tourne très lentement, pour plusieurs raisons parmi dont celle des subventions.
L’Etat qui se dit conscient de l’ampleur des transferts sociaux sur le budget de l’Etat, compte réorienter, redresser et maîtriser les conditions les modalités et le déroulement de ces subventions, en allouant des aides directes en numéraire, aux catégories nécessiteuses.
Dans sa forme, dira notre interlocuteur, l’initiative est raisonnable et plus que nécessaire pour la maîtrise des dépenses et la gestion financière du pays. Mais techniquement, son application nécessite, estime-t-il, un travail d’ampleur qui demande l’implication de toutes les instances.
À titre d’exemple, le ministère de l’Intérieur fournira sa base de données biométriques de toute la population, ensuite, pour connaitre les revenus exacts de chaque personne, il faudrait s’appuyer sur le ministère des Finances et ses directions d’impôts et, c’est là que le bât blesse.
En effet, l’état de différentes inspections et leur manière de gérer les différents recouvrements et le recensement de la fiscalité des entreprises et des particuliers, est «lamentable». Cette administration est toujours gérée sur la base d’un modèle archaïque et n’est pas en mesure de définir avec exactitude, ni la situation des ménages, ni celle des entreprises.
Outre ces problèmes techniques, Boughadi a indiqué qu’avec une masse monétaire gigantesque circulant hors circuit bancaire et un taux très faible de moyens de payement institutionnels, ainsi que le taux de bancarisation, la tâche sera plus «ardue». Donc, dira-t-il, sans réforme intégrale des systèmes d’information, fiscales et bancaires, sans numérisation, sans recourir aux vrais compétences, le passage au système de ciblage des subventions «risque l’échec et est quasiment irréalisable».
Questionné sur l’option d’augmentation des salaires à travers la revalorisation du SMIG, l’économiste estime qu’il est également irréalisable, notamment, durant cette période où la productivité fait défaut. « Vu le manque de productivité, le secteur privé qui embauche le plus semble peu motivé à y consentir », explique-t-il, en ajoutant que l’inflation et le déficit budgétaire chroniques aussi, ne sont pas favorisants non plus pour une éventuelle démarche vers une augmentation du Smig.
Propos recueillis par A. R.