Partenariat d’investissement : Recentrage pragmatique

Partenariat d'investissement : Recentrage pragmatique

Au moment où l’Algérie consent de lourds investissements publics, financés par le budget de l’État- 6500 milliards de dinars depuis 2022 destinés à des projets structurants, selon le bilan établi à la fin du mois de mai dernier par le ministère des Finances-, le partenariat avec l’étranger se renforce à travers, principalement, le secteur de l’agriculture et l’agroalimentaire (Qatar, Italie). Ce nouveau partenariat se rajoute aux activités déjà lancées avec les partenaires turcs et chinois dans de nombreux domaines (textile, bâtiment, travaux publics,…).

Par Amar Naït Messaoud

Visiblement, sans préjuger dans l’immédiat du résultat de toutes les opérations de partenariat lancées au cours de ces dernières années, il est quand même loisible de faire un constat préliminaire : les investissements ciblés sont en relation directe avec la production de biens et services, créateurs de richesse, de plus-value et d’emplois.

Autrement dit, le contraste est patent avec ce qui, pendant plus d’une décennie, était appelé « partenariat », celui de l’Accord d’association avec l’Union Européenne, signé en 2002 et entré en vigueur en septembre 2005.

Cet accord, en l’espace de quelques années, montra sa véritable nature, consistant à inonder le marché algérien de produits européens auxquels on aura accordé la faveur de dégrèvement de doits douaniers de façon progressive jusqu’à, espérait-on alors, l’instauration de la zone de libre- échange avec le Vieux continent.

Les dégâts se comptaient en monnaie sonnante et trébuchante. Il n’y eut aucune compensation d’investissement créateur de richesse et d’emploi en Algérie.

L’Algérie était vue comme un marché de 35 millions de consommateurs, à l’époque, qui plus est, doté d’un pouvoir d’achat boosté par la rente pétrolière.

Autrement dit, on comptait sur le transfert de devises pétrolières vers l’Europe, pas moins, au moment où les entreprises de ce continent trouvaient des difficultés à dénicher des marchés ailleurs dans le monde et supportaient de lourdes charges de coût de production sur leurs territoires respectifs.

Le résultat des courses pour l’Algérie était la pression que subissait la production nationale et la fermeture des ses horizons de promotion par l’effet d’une concurrence déloyale, mais…légale.

La marge de manœuvre de l’économie algérienne-outre qu’elle relève de l’intelligence nationale et de la volonté de se départir de la dépendance étouffante par rapport aux hydrocarbures- semble, en même temps, de plus en plus dépendre de facteurs externes liés au partenariat avec l’étranger que notre pays a eu à contracter au cours des vingt dernières années.

L’Accord d’association avec l’U.E. était l’une de ces articulations qui ne pouvait rester sans impacts sur la marche générale de l’économie nationale.

Les impacts ont été, dès la deuxième année de l’entrée en vigueur de cet accord, ressentis négativement par les entreprises algériennes mises au défi de supporter une concurrence jugée, par les acteurs et agents économiques de notre pays, comme état déloyale, car rendue possible par les démantèlements tarifaires dont avaient bénéficié, pendant des années, des milliers de produits européens.

Ce processus de détaxation douanière était projeté, à l’origine, progressivement jusqu’à l’horizon 2017 où une zone de libre-échange devrait s’établir avec l’U.E.

Les effets d’un accord « bancal »

Cependant, au vu des effets pénalisants sur les entreprises algériennes et du retard enregistré dans les investissements, créateurs de richesses et d’emploi hors des sphères commerciale et énergétique, l’Algérie avait puissamment plaidé la cause de la prorogation de l’échéance du démantèlement total. L’ouverture de la zone de libre-échange était reprogrammée pour 2020.

Les événements politiques qui avaient secoué notre pays à l’époque n’avaient pas permis la réouverture de ce dossier. Néanmoins, même si elle avait eu lieu, cette rallonge n’aurait pas l’économie algérienne, au contraire.

On a estimé les pertes de l’Algérie dues au démantèlement tarifaire à environ 8,5 milliards de dollars entre 2005 et 2017. Ceci rie que pour le côté financier immédiat (manque à gagner sur les dégrèvements tarifaires).

Quant aux autres dommages- collatéraux, mais qui semblent être les principaux-, l’Algérie avait perdu des entreprises, des capacités de production, un savoir-faire, le marché national et, pour partie, le marché international qui était « dans ses cordes ».

Au moment où la procédure de dégrèvements tarifaires était « bien huilée » (entre 2008 et 2012), le rapport du solde commercial entre l’Algérie et l’Europe s’établissait à 1 pour 20 en faveur de l’Union Européenne.

Soit, l’exportation par l’Algérie d’un seul euro pour une importation de 20 euros provenant du territoire européen.

Hormis l’activité commerciale, fouettée dans le sens de l’exportation vers l’Algérie, l’Accord d’association n’a pas été à l’origine d’une politique d’opérations d’investissement. Entre 2005 et 2011, seuls 3,5 milliards de dollars ont été investis, dont plus d’un milliard dans le secteur pétrolier.

Un autre indice relativise l’engouement  »primesautier » exprimé à l’endroit de l’Accord d’association. Il s’agit de la balance des mouvements ou d’échanges de marchandises entre les deux territoires.

L’Algérie n’a pu exporter vers l’Europe, entre 2005 et 2011, que l’équivalent de 5 milliards de dollars, alors que l’Europe a exporté vers notre pays, pendant la même période, l’équivalent de 100 milliards de dollars.

Les gestionnaires de l’économie nationale avaient espéré qu’un tel déséquilibre flagrant pouvait être « compensé » par un réveil de l’entreprise algérienne devant la pression de la concurrence exercée par les importations.

Rien de moins sûr dans un contexte de transition d’un modèle économique qui n’arrivait pas encore à fixer définitivement les jalons de la bonne visibilité et les réflexes de l’anticipation.

Une architecture partenariale plus réaliste

Aujourd’hui, une nouvelle équation est engagée pour régir la politique d’importation. Le gouvernement en a réduit la facture de plus de 30 % depuis 2022.

L’Union Européenne a mal pris la chose et a fini par l’exprimer bruyamment le 14 juin dernier (voir édition du 1er juillet 2024), en informant l’Algérie qu’une procédure d’ « arbitrage de règlement de différent » allait être engagée contre notre pays.

L’Union fait grief à l’Algérie d’avoir réduit ses importations de produits européens, ce qui a crée du chômage et conduit à la fermeture de plusieurs entreprises sur le Vieux continent.

Avec le nouveau partenariat engagé avec d’autres pays, l’Algérie entend d’abord diversifier ses relations commerciales et économiques, en s’éloignant des situations monopolistiques porteuses de risques.

Ensuite, le nouveau partenariat- dans l’agriculture, l’agroalimentaire, l’industrie minière ou de transformation, ou bien dans d’autres domaines- est principalement basé sur la production, la diversification des activités économiques hors hydrocarbures et le transfert de technologie.

Ce type de partenariat est censé contribuer à la reconfiguration de l’économie algérienne.

A. N. M.

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