La crise sanitaire semble en passe d’emporter dans son élan un nombre considérable d’activités économiques et sociales, dont les établissements scolaires et crèches privées. C’est une véritable hécatombe qui guette ce secteur en charge d’une part non négligeable de la demande nationale en matière d’éducation.
Par Réda Hadi
Certaines régions comme Alger, Blida, Tipaza, Oran, Sétif, Béjaïa, Biskra et autres, appliquent à des degrés divers, des mesures de confinement depuis plus de quatre mois. Les écoles et les crèches, ainsi que les groupes scolaires qui s’y trouvent, ont été contraints de fermer et les entreprises de transport à mettre leurs véhicules à l’arrêt.
Si, pour les établissements qui appartiennent à l’Etat, des aides publiques multiformes ont été quasi automatiquement octroyées (paiement des travailleurs mis au chômage, paiement des impôts et taxes différés, etc.), ce ne fut malheureusement pas le cas pour ceux qui relèvent du secteur privé. Ces derniers sont contraints d’assumer seuls les conséquences de l’inactivité à laquelle ils ont été brusquement astreints.
Privés des rentrées financières que leur procuraient l’exercice de leurs activités, ils sont malgré tout astreints à s’acquitter des coûts de location, des impôts et taxes et des salaires des travailleurs qu’ils souhaitent garder. Sans l’aide expresse de l’Etat, les écoles et groupes scolaires qui ne disposent plus de fonds propres ne pourront plus jamais se relever. L’Algérie pourrait d’ici peu se retrouver avec seulement quelques écoles et crèches, qui auront survécu par miracle à l’hécatombe. La scolarisation des enfants sera de ce fait compliquée, car ces établissements privés assuraient au minimum 30% de l’éducation des enfants.
Les conséquences seront évidemment dramatiques, car ces activités ont non seulement la particularité d’offrir de nombreux emplois, mais aussi et surtout, d’accompagner le fonctionnement de tout un pan de l’économie nationale. Toutes ces écoles et ces crèches disparaîtront si rien n’est fait pour les en empêcher.
Très inquiets pour leur avenir immédiat, des directeurs d’écoles et crèches privées ont affirmé dépendre des mesures de soutien que l’Etat devra nécessairement prendre en leur faveur. Des mesures qui pourraient prendre l’aspect de subventions, de prises en charge des frais de location et d’exonération d’impôts. Sans ces aides, la fermeture de milliers d’établissements sera inévitable. Ils souhaiteraient que le gouvernement fasse une déclaration, en guise d’engagement, qui leur redonnerait espoir.
Depuis quelques semaines, les établissements scolaires privés appellent les parents d’élèves à payer les frais du 3e trimestre. Des frais qui diffèrent d’une école à une autre mais qui sont fixés à un minimum de 50 000 DA, pouvant même dépasser les 100 000 DA. Ceci, sans inclure les frais de réinscription, qui varient entre 10 000 et 25 000 DA. Ces prix, à titre indicatif seulement, changent selon l’école et le palier scolaire.
La polémique enfle
Sans aide de l’Etat, beaucoup d’établissements affirmant que leur manque à gagner est le fait des pouvoirs publics, rejettent la faute sur l’Etat qui a ordonné leurs fermetures, et menacent même de retenir à leur niveau le dossier scolaire de l’élève en cas de non-paiement des mois d’avril, mai et juin, en plus des deux mois d’été et des frais de réinscription.
De leur côté, les parents d’élèves ne veulent pas payer des prestations qui n’ont pas été fournies. Une polémique qui n’a cessé d’enfler au point où, l’Apoce, (Association de protection des consommateurs), a saisi les ministères du Commerce et de l’Education pour un arbitrage. Si aucun problème ne se pose pour le secteur public, les écoles privées crient à la faillite.
Rachid, dont les élèves sont inscrits dans le privé, ne comprend pas cette attitude et soutient qu’il n’est pas «responsable de la situation, sachant que, moi aussi, je suis confronté à des problèmes financiers, car n’ayant pas été payé depuis plus de 2 mois. Ce n’est pas à moi de sauver l’établissement ! » Un avis partagé par la majorité des parents, dont les ressources financières ont été directement impactées par cette crise sanitaire et ses retombées économiques.
Sadik, quant à lui, se demande comment faire inscrire ses enfants dans le public, du moment que l’académie de sa circonscription lui exige de trouver une place à ses enfants dans une école avant de lui octroyer le fameux quitus.
Du côté des propriétaires de ces établissements, les arguments se veulent aussi imparables. La directrice d’une école privée à Bateau Cassé, près de Bordj El-Kifan, Mme Stanbouli, nous confirme que ce n’est pas à elle seule de subir les contrecoups économiques de la pandémie. «Nous avons été négligés et défavorisés par rapport au secteur public. Le décision de fermeture ne vient pas de notre initiative. C‘est à l’Etat de prendre en charge nos salariés au même titre que le public. Nous sommes prêts à reprendre les cours. L’Etat au lieu de nous aider, nous oblige au remboursement.»
La mésentente est durable et a fait réagir l’Association nationale des écoles privées agréées (Anepa). Son président, Salim Aït Ameur, souligne que l’unique ressource des écoles privées, ce sont les frais de scolarisation versés par les parents.
Dans ce sens, et par son biais, l’Anepa sollicite l’aide des parents et, surtout, celle du gouvernement afin de venir en aide à ces établissements.
«L’Anepa fait appel à toutes les ressources des parents et à celles de notre gouvernement, afin d’aider et de soutenir les parents et les écoles privées de leurs enfants, pour qu’elles puissent rémunérer les personnels et subvenir aux charges d’urgence», appelle cette association, reconnaissant toutefois, qu’«évidemment, toutes les écoles ne sont pas logées à la même enseigne». Sollicitations et arguments des responsables des écoles privées qui semblent moins convaincre les autorités que les plaintes des parents d’élèves. Et ce, dans la mesure où le ministère de l’Education est en passe de vouloir trancher le «débat» en faveur des seconds, puisqu’il n’a rien moins que décidé de mettre en place une «commission d’enquête», en fin juillet dernier, et ce, «après avoir reçu des organisations de parents d’élèves des réclamations dénonçant des pratiques arbitraires et abusives», avait précisé la même source, dans un communiqué rendu public le 26 juillet dernier.
R. H.