Parc de Chréa, entre ciel et terre : Poumon d’Alger et réserve de la biosphère

La montagne de Chréa, qui fait partie de la chaîne de l’Alas blidéen-dorsale algéroise allant de Boumedfaâ jusqu’à aux hauteurs de Lakhdaria et Souk El Khemis dans la wilaya de Bouira- développe son attractivité pratiquement sur les douze mois de l’année. Traçant une arcade orographique autour de la Mitidja et abritant la région algéroise du climat steppique, cette chaîne a vu une partie de son territoire érigée en Parc national en 1983, géré en tant qu’établissement public à caractère administratif (EPA), sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Le Parc de Chréa abrite 34 % de la flore et 23 % de la faune algériennes. En raison de sa richesse naturelle, il est classé comme réserve de la biosphère par le MAB (programme sur l’Homme et le Biosphère) de l’UNESCO en novembre 2002.

Par Amar Naït Messaoud

Eté comme hiver, la montagne de Chréa draine des foules de visiteurs au point où les virages qui y mènent se révèlent parfois trop étroits pour contenir le nombre de voitures montant et descendant toute la journée. Les arrêts sur les accotements, imposés parfois par la densité de la circulation, offrent une occasion de faire une halte avant d’arriver au point prévu du pèlerinage, à savoir la station climatique de Chréa.

Des familles descendent de voiture, prennent leur appareil photo ou caméra et « mettent en joue » tout paysage éblouissant qui tombe dans leur champ de vision. La vue panoramique de la ville de Blida à partir de ces méandres de la RN 37 est à coupe le souffle. La beauté du paysage est rehaussée par la nouvelle autoroute Chiffa-Médéa (RN11), bel ouvrage longeant les méandres du cours de la Chiffa et passant à côté de la mythique auberge le « Ruisseau des singes ».

Une partie des visiteurs en direction de la montagne n’hésitent pas à faire d’abord un petit « pèlerinage » ici, en admirant, avec leurs enfants, les singes et les eaux résiduelles du cours descendant de la banlieue Est de la ville de Médéa.

LUMIÈRE TAMISÉE ET… ROUTE ENGORGÉE

Sur la route de la montagne, l’aventure de la route s’allonge sur 19 km jusqu’au sommet du Col des chênes. C’est ce qui fait justement la différence avec le transport par télésiège, bien que se moyen de déplacement ait sa séduction et son charme particuliers, donnant à voir le monde d’en haut pour ceux qui n’ont pas la faiblesse de céder au vertige des hauteurs et du vide sur une longueur de 7200 mètres.

Cependant, les télécabines, subissant la patine des jours, sont généralement frappées d’arrêts sporadiques, dus à des pannes mécaniques, et parfois au vol des câbles, et qui durent parfois plusieurs mois.

On a déjà enregistré des cols de plusieurs centaines de mètres de câbles entre la ville de Blida et la station de Benali. Et cela coûte souvent plusieurs millions de dinars à l’Entreprise publique de transport urbain de Blida (EPTUB) pour procéder aux réparations.

C’est ce qui pousse les visiteurs avertis à ne pas trop compter sur ce moyen de transport vers Chréa, préférant se déplacer en voiture, même si ce dernier moyen de transport possède aussi ses inconvénients.

En effet, la congestion de la route par un surnombre de véhicule n’est pas un fait rare. Quelques collines plus loin, les rayons du soleil sont filtrés et tamisés par les arbres de bosquets qui annoncent timidement la grande forêt des Beni Salah. Un bus en mission d’excursion trouve mille difficultés à croiser la file de voiture descendant de Chréa.

Il a fallu à son conducteur manœuvrer et faire un peu de marche arrière, tout en prenant son mal en patience. Il a fallu une bonne quinzaine de minutes pour que la circulation se rétablisse.

Aux flux de voitures et de microbus, s’ajoutent des cortèges de familles marchant à pied, marquant des arrêts et s’extasiant devant la féerie des lieux. Les enfants tentent de provoquer les singes, leur jettent des morceaux de pain.

Un garde-forestier passe par là et rappelle aux visiteurs l’interdiction de nourrir les singes. « Et pourquoi? », interroge tout de go Samir, un gamin qui s’est un peu éloigné du groupe des adultes.

Le fonctionnaire lui apprendra que, en nourrissant les singes, on risque de les rendre fainéants; ils perdraient leurs réflexes de recherche de graines et de fruits et, à la moindre disette, ils crèveraient de faim.

UNE VUE IMPRENABLE SUR LA MITIDJA

À partir de certains points particuliers de Chréa, jouant le rôle de belvédères naturels, la plaine de la Mitidja, avec son point nodal l’agglomération de Blida, apparait comme vue d’avion.

À moins de 20 km de la mer à vole d’oiseau, la station de Chréa constitue un point de halte dans cette ceinture montagneuse du Sahel algérois que l’on appelle l’Atlas blidéen.

Cette ceinture prend la forme d’un sourcil bien arqué, depuis la brèche de la Chiffa, en contrebas de Djebel Mouzaïa, jusqu’au col des Deux Bassins, situé sur la commune du même nom, sur les hauteurs de Tablat (wilaya de Médéa).

Elle passe par le massif des Beni Miscera surplombant Hammam Melouane. La série des villes assises au pied du mont Chréa comprend Larbaâ, Bougara, Bouinan, Soumâa, Blida, Mouzaïa et El Affroun.

La vue splendide du chevelu de ruisseaux et talwegs descendant abruptement sur Ighzer Bouchène, au sud, et sur Zegama et Bouzouga, au nord, donnent un beau vertige tenant presque de la lévitation.

De mêmes, les coudes serrés de la route nationale sont traversés, dans le ciel, par une ligne droite ; c’est la ligne du téléphérique. Lorsque les télécabines fonctionnent, vous avez droit à une vue aérienne peu commune, majestueuse, du sommet de Koudiat Tafersiouant, à partir de laquelle part une piste le long de la crête vers la bourgade de Sidi Amar, de la croupe de djebel Feraoun, du hameau de Belathou, et, enfin, des premiers quartiers urbains de Blida: Benachour, à droite, et Ouled Soltane, à gauche, avant d’atterrir à la cité du 1er mai, attenante à la route nationale n°01.

C’est à la sortie du quartier Ben Boulaïd de la ville de Blida, que s’ouvre la voie par le sud (RN 37) vers la station climatique de Chréa. C’est la route qui passe à l’est du village de Sidi Lekbir, du nom du saint patron de la Ville des roses qui en a ordonné la construction.

Ce fut au début du seizième siècle. Sid Lekbir est un Andalou qui a gagné l’Algérie suite à la Reconquista espagnole qui a chassé les Musulmans d’Espagne. Il atterrit en 1596 à Beni Hadjer, un quartier de Blida aujourd’hui disparu. Blida n’existait pas encore en tant que cité.

On raconte que Sid Lekbir monta sur le sommet du mont Chréa et se mit à contempler pendant longtemps la plaine de la Mitidja. Il revit alors, par la pensée, le spectacle de la ville verdoyante de Grenade dominée par la chaîne de la Sierra Nevada en Andalousie. Il prit sur-le-champ la décision de reproduire ce beau paradis perdu d’Andalousie sur ce canton du sud-ouest d’Alger.

En se conformant à sa vision, les nouveaux habitants de cette région de la Mitidja construisirent ce que les colons européens appelleront, plus de deux siècles plus tard, la Ville des roses.

Le résultat fut à la mesure de l’ambition de Sidi Lekbir; et la lointaine banlieue d’Alger, aujourd’hui cité industrielle et grande agglomération urbaine, était devenu un grand foyer d’art et de culture.

Sur la crête de l’Atlas blidéen, l’observateur peut admirer, dans la direction du nord, la plaine de la Mitidja et, parfois aussi, les eaux de la Méditerranée. Dans la direction du sud, on entrevoit déjà l’horizon ocre des Hauts Plateaux du centre du pays, dans la plaine de Ksar El Boukhari.

L’HIVER 2023/2024 A ATTÉNUÉ L’AMPLEUR DE LA SÉCHERESSE

Le Parc national de Chréa, vaste de ses 26 787 ha, en plus d’une zone dite périphérique de 10 300 ha, s’étend en effet sur les deux versants de l’Atlas blidéen relevant des wilayas de Blida et Médéa.

La dénivelée- différence d’altitude entre Blida (174 m) et le point culminant de Chréa (1650)- est à l’origine d’un étagement de la végétation, particulièrement sur le versant nord, qui comprend quelque 500 espèces, de la flore herbacée jusqu’aux forêts de cèdre sur les hauteurs, en passant par les arbustes et autres formations ligneuses (chêne vert, chêne liège, pin d’Alep, thuya,.

Cet espace naturel comprend aussi des espèces rares, comme les orchidées dont on a recensé 17espèces…En tant que réserve animale, le Parc de Chréa abrite 100espèces d’oiseaux et une vingtaine d’espèces de mammifères(singe magot, porc-épic, chacal doré, renard, sanglier, genette, lynx, hyène rayée, mangouste,…).

En outre, des espèces rares ou en voie de disparition, comme la loutre et la belette, sont signalées. Les oiseaux rencontrés sur les lieux sont, entre autres, l’aigle royal, l’aigle de Bonelli, le faucon pèlerin, le vautour fauve, le percnoptère.

Au Parc de Chréa sont attribuées les missions principale de : la gestion des espèces, des sites et des habitats ; l’amélioration des connaissances sur l’aire protégée ; le renforcement du maillage territorial et la consolidation des structures de gestion de proximité ; l’éducation à l’environnement ; la gestion « conciliante » des flux touristiques et l’intégration sociale des populations riveraines de la structure.

À la périphérie du Parc, vivent des ménages ruraux qui s’adonnent à l’arboriculture (oliviers, caroubiers, amandiers, figuiers,..). Plus bas, dans le pié- mont, s’annoncent les grandes exploitations d’orangers, mandariniers, citronniers et vignobles.

Soumis aux incendies de forêts, parfois de grande ampleur, comme ceux de l’été 2012, les peuplements du Parc se régénèrent à la faveur des années pluvieuses.

Sur ce plan, l’année 2024 peut être considérée comme relativement pluvieuse par rapport aux trois dernières années de sécheresse sévère.

A. N. M.

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