Nouvelle législation sur la gestion des risques : La sécurité des biens et des personnes en point de mire

Nouvelle législation sur la gestion des risques : La sécurité des biens et des personnes en point de mire

L’Algérie a adopté en février dernier une loi sur la gestion des risques, laquelle a identifié et recensé 18 types de risques (naturels industriels, biotechnologiques, cybernétiques,…) que les pouvoirs publics et les services techniques sont appelés à prévenir et, lorsqu’ils surviennent, à organiser les opérations d’intervention pour les contrer et à en atténuer les impacts.

Par Amar Naït Messaoud

Ces segments de la gestion des risquent entrent naturellement dans le cadre du développement durable. Outre les risques « classiques », limités dans le temps et dans l’espace et connus pour le mode de manifestation, la nouvelle législation algérienne intègre également des risques plus généraux, plus étendus dans l’espace et dans le temps (à l’image de la sécheresse et du phénomène de désertification), contre lesquels l’intervention requiert d’autres modes de traitement que les premiers.

Ils ne requièrent pas d’organisation de secours et de prise en charge des « victimes » d’une façon urgente, mais ces risques- dont la survenue ne se fait pas subitement, mais par un processus de plusieurs mois, voire de plusieurs années- requièrent plutôt la mise en place de politiques publiques en direction des populations affectées de façon à les assister, les indemniser et, éventuellement à réorienter leurs activités économiques grevées par des phénomènes naturels à long processus entropique.

Si certains risques peuvent survenir indépendamment de toute participation ou responsabilité humaine (séismes, risques spatiaux, attaques acridiennes,..)- mais dont la gravit des conséquences peut être en fonction de la qualité des infrastructures ou de l’état de préparation des dispositifs idoines-, d’autres risques (inondations, incendies de forêts, épidémies, risques cybernétiques,…) sont intimement liés à l’activité humaine, à la gestion de l’espace et au niveau de maîtrise des technologies numériques).

S’agissant précisément de l’espace, il est établi que les habitats, en zone urbaine ou rurale, l’aménagement de leurs espaces respectifs, la répartition des activités économiques sur le territoire national et le mode d’exploitation des ressources naturelles, revêtent, au vu des impératifs du développement durable et de l’aménagement du territoire, un caractère hautement stratégique.

Ce sont là des éléments qui prennent une importance encore plus prononcée dans les moments de tensions ou de crises génératrices de risques.

Dans ce contexte, l’Algérie a mis en place une législation adaptée, ou, du moins, qui s’adapte au fur et à mesure des évolutions constatées sur le terrain. Sur ce point, l’on peut citer le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT), à l’horizon 2030, révisé au cours de l’année 2023, en recevant les avis de tous les services techniques versés la gestion des territoires.

Le SNAT est censé inspirer et conduire les schémas directeurs de secteurs d’activités (urbanisme, industrie, tourisme, agriculture, forêts,…) et créer entre eux les passerelles et les imbrications nécessaires concourant à un développement équilibré et durable du territoire.

LES AHANS DE LA PRATIQUE DE TERRAIN

Il n’en demeure pas moins que, dans la phase de la mise en œuvre, des insuffisances et des écarts surgissent. L’arsenal des lois et règlements peine à devenir le bréviaire de l’action sur le terrain et à être socialisé comme outil majeur d’intervention, aussi bien par les acteurs institutionnels que par la société dans son ensemble, et cela en raison d’un certain passif de gestion, aussi bien des Collectivités locales que de services techniques sectoriels.

L’on se souvient, par exemple que, au cours de la crise de la Covid 19, certains véhicules de désinfection mobilisés par les pouvoirs publics (Apc et services techniques) ont eu tout le mal du monde à pénétrer certains quartiers dans les villes en raison de la constitution de blocs compacts de villas et autres bâtisses qui ne répondent à aucune norme urbanistique en matière de prévention de risques (lutte contre des incendies urbains, évacuation de malades et blessés graves, lutte contre les inondations,…).

C’est pourquoi, les agents chargés de la désinfection avaient opté, dans ces quartiers, pour les motopompes dorsales afin d’asperger les ruelles, certaines structures recevant le public. Le temps et l’effort de cette mission se s’étaient ainsi multiplié trois ou quatre fois.

Le constat du non-respect des règles primaires d’urbanisme, allant jusqu’à l’édification d’un quartier entier suburbain sans aucun permis de construire et en violation des règles de sécurité (des constructions sont réalisés dans les lits d’oueds, sur les conduites de gaz naturel ou sous les câbles électriques de moyenne ou haute tension), a été fait par tous les acteurs: urbanistes, aménagistes, élus locaux, administration centrale,…etc.

Il faut dire que même l’application sur le terrain de la loi- 15-08- portant sur la mise en conformité des constructions et leur achèvement a connu des quelques difficultés. Des milliers de constructions sont en éternel…achèvement, faisant pousser des amorces de fer à chaque dalle réalisée.

Ceci, à l’échelle de l’unité de construction. À l’échelle du lotissement- dans le cas où ce dernier existe légalement- ou du bloc informel de constructions anarchique, l’usage qui est fait de l’espace, dans son expression globale (avec ses servitudes, ses équipements, son mobilier urbain,…), demeure généralement d’une affligeante exploitation, renvoyant parfois le quartier entier à une espace de taudis, subissant la gadoue et les inondations en hiver, la poussière et les odeurs pestilentielles des décharges sauvages en été, les risques d’incendie sur les câbles éclectiques entremêlés, les fuites récurrentes sur les conduites d’eau, lorsque le réseau d’AEP existe, et, enfin, les risques de maladies et d’épidémies issues des eaux usées et autres saletés jonchant les places et les ruelles.

CAP SUR LA GESTION DES RISQUES

La pandémie du coronavirus nous a, sans doute, révélé l’importance d’un aménagement rationnel du territoire, d’autant que, le territoire algérien, avec son espace vaste comme un sous-continent, offre des possibilités immenses en matière de répartition de l’habitat et des activités économiques.

Une bonne gouvernance des territoires est à même d’assurer, lorsque la procédure s’impose, un bon confinement des populations, un approvisionnement régulier en matière de produits alimentaires, le respect de l’interdiction des regroupements de personnes et une fluidité maximale des opérations de désinfection des immeubles et d’évacuation des malades.

Par delà même les risques majeurs (sanitaires, industriels, naturels) qui apparaissent de temps en temps et la probabilité de survenue de catastrophes naturelles (inondations, séismes,…), la notion d’aménagement du territoire est devenue une donnée et un paramètre qui sont intégrés dans toutes les politiques économiques mises en œuvre dans les pays développés et émergents.

La nouvelle réglementation sur la gestion des risque est portée par la Loi 24-04 du 26 février 2024 relative aux « règles de prévention, d’intervention et de réduction de risques de catastrophes dans le cadre du développement durable ». Ce long intitulé est justifié par le large éventail des segments de cette problématique concernée par la nouvelle loi.

Les risques identifiés dans la vie économique et sociale des populations sont, ici, inventoriés et encadrés en matière de prévention, d’intervention et de communication, par des dispositifs spécifiques impliquant des institutions et des organismes bien identifiés afin d’assurer la sécurité des biens et des personnes.

VASES COMMUNICANTS

Les problématiques induites par la gestion des risques prennent de plus en plus de relief dans un contexte de la transition économique que vit le pays.. Des contraintes objectives accompagnent la gestion des risques dans plusieurs de ses facettes.

La répartition spatiale des populations et de l’habitat, ainsi que des activités économiques, caractérisée par un profond déséquilibre, n’est pas des moindres.

L’organisation déséquilibrée du fonctionnement de l’économie nationale a induit une mobilité et une distribution de la population qui sont loin de refléter les potentialités réelles du pays et, pire encore, sont à même de porter atteinte à l’exploitation rationnelle des ressources (foncier, eau, capital végétal, environnement,…).

D’autres préjudices, liés au cadre de vie et à l’épanouissement des citoyens dans leur milieu, ne manquent pas de se manifester dès à présent (promiscuité, bidonvilles, embouteillage,…) dans une situation où l’attractivité des villes- sur le plan de l’emploi, des services et des loisirs- continue à brouiller et tordre la carte de la ré- partition démographique.

Après l’établissement du constat de saturation, de déséquilibre et de risques qui pèsent sur la partie septentrionale du pays, particulièrement la bande côtière, cette portion étroite et oblongue du territoire national, une « stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières » a été initiée par l’ancien ministère de l’Aménagement du territoire, avant que ce dernier ne rejoigne, en tant que direction, le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales.

En tout cas, la gestion des risques, dans toute la diversité de la gamme fixée par le législateur, se trouve dans une relation étroite, voire intime, avec la politique d’aménagement du territoire, tels des vases communicants. Du niveau de performance de cette dernière, dépendra le niveau d’efficacité des dispositifs de prévention des risques, d’une part, et le degré de maturation des modalités d’intervention pour les contrer ou en réduire les impacts.

A. N. M.

Quitter la version mobile