Le remaniement ministériel auquel a procédé, lundi dernier, le président de la République, confère une touche nouvelle à l’ancien ministère du Tourisme et de l’Artisanat, en lui attribuant l’intitulé : ministère du Tourisme et des métiers de l’Artisanat. L’adjonction du terme «métiers» n’est pas fortuite.
Par Amar Naït Messaoud
Elle exprime l’ambition de professionnalisation d’activités, de segments de l’économie nationale, cantonnés, jusqu’ici, dans un schéma de culture folklorique de laquelle ils peinent à s’émanciper.
Cette révision de l’intitulé du département ministérielle, aussi modeste qu’elle puisse paraître pour un observateur non averti, exprime une volonté d’introduire une nouvelle vision dans un secteur qui se décline en presque un demi-million d’activités exercées à l’échelle du territoire national, avec les spécificités (de culture, de traditions, d’histoire des métiers, de disponibilités de matériaux locaux,…) propres aux différentes régions du pays.
Le prédécesseur de la nouvelle ministre du Tourisme et des métiers de l’Artisanat, a déclaré le 9 novembre dernier, à l’occasion de la célébration de la Journée nationale de l’artisanat, que ce dernier secteur a crée près de 1 120 000 postes d’emplois et contribue à l’agrégat du produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 350 milliards de dinars, faisant partie de l’effort de la collectivité nationale à la diversification des activités économiques hors hydrocarbures.
Les activités artisanales sont classées en trois catégories : l’artisanat d’art, de production et des services.
L’ancien responsable du département a précisé que «le secteur est à vocation économique à tout point de vue, considéré comme un des affluents du développement local et producteur de richesse».
Parallèlement au plan de relance industriel et au programme de redynamisation de l’agriculture, l’Algérie compte ainsi, également, dans le cadre général de la diversification économique, revaloriser le secteur de l’artisanat.
Les efforts déployés dans ce sens n’ont pas, jusqu’à présent, charrié de notables changements, même si l’intérêt accordé à ce secteur par les pouvoirs publics s’est accru de façon sensible au cours de ces dernières années.
Toutefois, en analysant la situation du secteur, les experts mettent en exergue les insuffisances inhérentes au développement des activités de l’artisanat, comme ils ne manquent pas de souligner les fortes contraintes qui obèrent l’exercice de la profession par certains détenteurs de ces métiers ancestraux face à moult obstacles qui se mettent au travers de l’épanouissement de leurs activités.
Cherté de la matière première, manque de main-d’œuvre qualifiée pour certains métiers, particulièrement l’argenterie, bureaucratie administrative, charges fiscales, et d’autres contraintes aussi dissuasives les unes que les autres.
Concurrence déloyale
Les différents plans de développements des années de « l’aisance financière », au début des années 2000, avaient péché par un manque de vision globale et de rigueur de façon à prendre en charge les aspirations et les ambitions des artisans.
Les projets de prise en charge (soutiens publics) étaient soumis à de multiples aléas, d’autant plus qu’un balisage rigoureux des opérations de soutien n’était pas au rendez-vous.
La volonté politique a été toujours mise en avant, faisant que le secteur de l’artisanat bénéficie de l’attention des pouvoirs publics à travers la politique de la microentreprises, des PME et même des programmes de développement rural par le moyen des PPDRI (projets de proximité de développement rural intégré).
Ces derniers, soumis à des contrats de performance étaient censés prendre en charge toutes les préoccupations économiques et sociales des bourgades rurales, y compris bien entendu l’activité artisanale et les productions du terroir.
Cependant, dans leur montage sur le terrain, ces projets peinaient à intégrer ce créneau.
Très peu de projets, sur les milliers formulés à l’échelle nationale, avaient eu le loisir d’intégrer l’activité artisanale, y compris, paradoxalement, dans les régions où des métiers ancestraux existent, transmis de père en fils et de mère à fille.
Tapisserie, poterie, vannerie, sparterie, sellerie, argenterie, dinanderie, et d’autres métiers encore répartis sur l’ensemble du territoire national exigent de nouvelles incitations (aide à de nouveaux investissements, dégrèvements fiscaux, facilitation d’accès aux crédits bancaires, levée des contraintes douanières, recherche d’aires de commercialisation, contrats avec des établissements hôteliers, des musées,…).
Immanquablement, le développement du secteur de l’artisanat demeure étroitement lié à son ouverture sur les autres secteurs, particulièrement le tourisme, la culture et le commerce qui sont censés lui servir de débouchés naturels ou de facilitateurs.
Suite à la concurrence déloyale induite par une politique d’importation débridée dès les premières années- à partir de 2005- de la mise en œuvre de l’Accord d’association avec l’Union Européenne, et suite aussi aux importations, de Chine et d’ailleurs, de produits de «faux artisanat» (car issus plus du processus industriel que d’un travail manuel), des milliers d’emplois ont été perdus, des ateliers sont fermés et d’autres périclitent; les étalages des magasins regorgeaient d’objets de pacotille, venant d’Europe et de Chine, et que l’on tente de « substituer » aux produits authentiques algériens, faits de mains pleines de dextérité et dégageant une personnalité et une âme propres au pays et à la culture de notre peuple.
Le produit algérien à l’Exposition de Milan
Comment renverser la tendance ? Comment redonner un nouveau souffle à un créneau combinant culture et économie ? Les pouvoirs publics, les associations, les institutions en charge de ces activités (comme les chambres d’artisanat), les représentations diplomatiques à l’étranger, les élites universitaires, tous ces acteurs sont aujourd’hui interpellés pour faire cesser le bradage d’activités porteuses de l’âme algérienne et pour imaginer les voies les plus adéquates pour la renaissance de métiers qui peuvent contribuer à la diversification économique tant réitérée dans le discours officiel.
Le premier événement par lequel sera inauguré le nouvel intitulé du ministère du Tourisme et des métiers de l’Artisanat, sera la participation de 80 exposants algériens, dans divers métiers d’artisanat, à la 28ème Exposition internationale de l’Artisanat de Milan (Italie), qui se tiendra du 30 novembre au 8 décembre prochains.
Le directeur de Chambre nationale de l’artisanat, Barki Abdelkrim soutient, au cours des festivités ayant marqué la Journée nationale de l’artisanat, que les artisans algériens à Milan vont contribuer «à la promotion et à la mise en valeur du produit traditionnel algérien».
A. N. M.