Ce qui constituait une véritable bouffée d’oxygène pour l’industrie du cuir en Algérie, grâce à la collecte des peaux de moutons sacrifiés durant l’Aid El Adha, ces deux dernières années, ont été marquées par un report, sine die, des opérations de ramassage des peaux de moutons, à cause de la pandémie qui secoue le monde. Ce secteur déjà en crise aggravée, a perdu en 2020 et 2021, une occasion d’avoir de la matière première à moindre coût.
Par Réda Hadi
En raison de la situation sanitaire, des appels avaient pourtant été lancés pour l’annulation du rituel sacrificiel, mais restés vains. Même le directeur de l’AND (Agence nationale des déchets), a affirmé à nos confrères de APS, que «l’opération de collecte des peaux de moutons sacrifiés a l’occasion de l’Aïd El Adha n’est pas prévue pour l’Aid de cette année, à cause de la pandémie de Covid-19 », et de préciser, surtout, que « la campagne de sensibilisation pour l’Aïd, lancé par notre agence cette année, ne portera pas sur la collecte des peaux de moutons (au profit des tanneries), mais plutôt sur les mesures d’hygiène afin d’éviter que la fête ne se transforme en nouveau facteur de contamination »
Risques sanitaires
Le directeur général de l’AND a prévenu dans ce contexte, que les déchets d’abattage (toisons, cornes pattes), sont classés dans la catégorie des déchets spéciaux, car ils pourraient être un facteur de propagation du virus, notamment, en cette période de crise sanitaire. «Ces restes d’animaux classés dangereux, ne devraient pas être collectés avec les ordures ménagères, car ils constituent une source potentielle de risque pour la santé publique », a-t-il prévenu.
En se référant aux donnés du système national d’information sur les déchets (Cnid), force est de constater que le volume des ordures ménagères, qui avoisine en moyenne 35.620 tonnes par jour, enregistre habituellement, un pic de 10% durant les fêtes de l’Aid El Adha.
Si de leur côté, les artisans maroquiniers perdent une source importante d’approvisionnement en matière première, les spécialistes de la santé mettent en garde contre le manque d’observance des gestes sanitaires et des mesures d’hygiènes appropriés, durant cette fête.
Le Docteur Yahiaoui Abelouahab, médecin assermenté, juge qu’ «avoir autorisé le sacrifice a été une réelle erreur. « Certes, pour le moment aucune étude n‘a permis d’identifier clairement le lien animal qui a permis la diffusion du virus à l’homme. Il faut savoir que le mouton est susceptible de transmettre plus de 11 maladies à l’être humain. Et selon des informations de terrain que j’ai eu de mes collègues, dans toutes les wilayas remontent les exemples nombreux, de familles entières atteintes par l’infection avec parfois, hélas, une issue fatale pour les membres les plus fragiles. Pour beaucoup de mes confrères, les regroupements créés par les événements à caractère familial (mariages, funérailles…) ou religieux (Aïd-el-Fitr) ont été pointés comme facteurs directement responsables de la flambée épidémique, anéantissant tous les efforts et sacrifices consentis depuis le début de la riposte. Et les nouvelles qui arrivent de la capitale, ou des villes de l’intérieur, telles que Biskra, Batna, Sétif, Ouargla, Bejaïa et bien d’autres, sont alarmantes. Les hôpitaux commencent à saturer et les malades ne cessent d’affluer. Dire que l’Aid El Adha en est le seul responsable est faux, mais il y a beaucoup contribué » affirme-t-il.
Du coté des artisans qui, au contraire, voyaient là, une belle opportunité d’avoir de la matière première, la désillusion est tout aussi forte.
Chaker Mourad, qui est artisan maroquinier à Médéa, estime accuser «une perte de plus de 60% de ravitaillement cette année et celle d’avant. Déjà que nous souffrons énormément pour nous approvisionner, l’annulation du ramassage, compromet fortement notre production ».
Mais celui-ci a tenu tout de même à préciser que « certains, ont détourné cette interdiction et ont procédé à titre individuel, au ramassage des peaux de moutons, que les habitants de cités de la wilaya ont laissés sur place, avec tous les risques que la non observance des règles d’hygiène peut comporter pour les auteurs du ramassage. Il y a ensuite les modes de traitement et la manière de procéder, vu que c’est une activité clandestine» a-t-il conclu.
R. H.
