Nasser Mazni est actuellement consultant en e-santé, au parcours atypique, combinant une formation scientifique solide avec une passion pour les nouvelles technologies. Il est diplômé en Biotechnologie de la reproduction à l’USTHB, puis un autre en Interactions moléculaires et thérapeutiques à l’université d’Amiens, en France. Il a commencé à travailler dans un laboratoire spécialisé en Biologie de la Reproduction, participant dans la mise en place de système d’information du laboratoire. Ce qui lui a permis de devenir après-coup référent en la matière, rejoignant Computer Engineering. Ecoutons-le, nous parler de l’accompagnement des établissements de santé dans le déploiement de solutions innovantes pour la prescription médicale, la validation pharmaceutique, la dispensation des médicaments, ainsi que les essais cliniques. Et aussi, la mise en place de la conduite de changement en accompagnant ces institutions à optimiser leurs pratiques grâce aux technologies de l’information, tout en gardant toujours en tête l’amélioration de la prise en charge des patients.
Entretien réalisé par Zoheir Zaid
Ecotimes : Vous avez été l’un des intervenants de YoungCreators. Quelles ont été vos motivations ?
Nasser Mazni : Il y a un peu moins d’un an, j’ai eu la chance de rencontrer Reyan Benallal, un jeune Algérien inspirant qui a tout quitté pour se consacrer à la formation des enfants et à l’accompagnement de jeunes talents, les futurs leaders de demain. Benallal est un véritable exemple de dévouement pour notre pays.
Lorsque Reyan Benallal m’a parlé de son projet YoungCreators, j’ai immédiatement adhéré à son concept. Son énergie, sa vision, et son désir de faire une différence m’ont convaincu de me joindre à cette aventure.
Quant à mes motivations, elles viennent du cœur. Pour moi, dès qu’il s’agit de l’Algérie, il n’y a pas de débat : j’essaie toujours de contribuer, même modestement, à l’évolution et à la croissance de notre pays.
C’est une valeur que mes parents m’ont inculquée, et je suis fier de pouvoir l’honorer à travers des initiatives comme YoungCreators.
Selon vous, la e-santé peut servir toutes les étapes de la prise en charge du patient de la prévention jusqu’au suivi. Comment ?
De nos jours, la e-santé représente une véritable révolution, pourvu de faire déployer tout son potentiel en mettant en place des infrastructures robustes, des cadres législatifs et des normes et standards internationaux.
Sans ces fondations, l’implémentation de solutions innovantes risque d’être désorganisée, voire contre-productive.
Un écosystème régulé et bien structuré est nécessaire pour développer la e-santé efficacement et avec cohérence. À la faveur de ce qui précède, la e-santé peut véritablement transformer le circuit du médicament et le parcours patient.
Un système d’information hospitalier (SIH) bien conçu et développé en étroite collaboration avec les professionnels de santé, permet de faciliter non seulement la prescription électronique, mais aussi la validation pharmaceutique, la dispensation des médicaments et le suivi des traitements.
Ceci va réduire les erreurs médicamenteuses, assurer une meilleure coordination des soins et une prise en charge plus efficace et plus sécurisée des patients.
De plus, la e-santé joue un rôle crucial dans la lutte contre les déserts médicaux. Grâce à la télémédecine et aux plateformes de consultation à distance, les patients vivant dans des zones reculées, mal desservies où à l’inaccessibilité aux soins peuvent accéder à des soins de qualité sans avoir à se déplacer.
Ces technologies réduisent es inégalités d’accès aux soins et d’assurer un suivi continu des patients. La e-santé doit donc être déployée de manière réfléchie et structurée pour en maximiser l’impact.
Le SIH : quelle définition pourrait-il prendre dans le contexte algérien ?
Je ne pense pas que la définition d’un Système d’Information Hospitalier (SIH) doive varier en fonction du contexte.
Comme tout système d’information, un SIH est conçu pour simplifier et améliorer les processus existants au sein d’un hôpital, notamment la gestion des informations médicales et administratives, ainsi que la collecte, le stockage, le traitement et le partage des données des patients.
Elle doit donc être développée en étroite collaboration avec les professionnels de santé, dépendamment des besoins spécifiques de chaque établissement.
La e-santé exige financement mais aussi formation des ressources humaines et une bonne exploitation des erreurs d’application des autres pays qui nous ont précédés. Qu’en pensez-vous ?
Le déploiement de solutions de la e-santé nécessite un financement adéquat. Je suppose que votre question vise particulièrement les établissements publics. Il est important de noter que le budget alloué au secteur de la santé a doublé en trois ans, atteignant désormais 800 milliards de dinars algériens (DA).
Je suis convaincu que des experts algériens en finance peuvent réorganiser les dépenses pour donner la priorité à la mise en place des Systèmes d’Information Hospitaliers (SIH), car le retour sur investissement sera rapidement perceptible.
Grâce aux données collectées dès la première année, on établit des budgets prévisionnels plus précis et une traçabilité claire des dépenses dans chaque établissement.
Il est également indispensable de revoir à la hausse le budget consacré à la formation, fixé actuellement que 3 % du budget total, car la formation est le préalable pour adopter des nouvelles technologies.
Même dans les pays les plus avancés en matière de numérisation du secteur de la santé, je n’ai pas encore vu de SIH véritablement « complet, » c’est-à-dire capable de répondre parfaitement aux besoins de chaque métier au sein d’un hôpital.
De nombreux établissements se retrouvent à utiliser plus de cinq logiciels différents, chacun dédié à des fonctions spécifiques telles que l’admission, la prescription, la gestion de la pharmacie, ou encore la comptabilité.
Cette fragmentation découle souvent d’une précipitation dans le processus de numérisation, toutefois, les normes d’interopérabilité permettent tout de même une communication entre ces différentes solutions.
En Algérie, on peut, tirant des erreurs du passé des autres pays, tirer parti du recul, nous permettant de réussir une numérisation plus réfléchie de notre secteur de la santé.
En adoptant cette approche, on développe un système de la e-santé qui répond véritablement aux besoins de notre population.
Vous affirmez que : “Nous Algériens, on doit relever des défis pour améliorer la e-santé. Comment cela est-il réalisable ?
Améliorer la e-santé en Algérie est un défi majeur qu’on est prêts à relever. Lors de ma présentation aux YoungCreators, j’ai souligné que l’objectif principal n’est pas simplement de fournir des données à l’OMS, d’autant plus que les données de santé algériennes sont souvent difficiles à trouver, se limitant généralement à celles issues d’études ou de thèses universitaires. Le véritable objectif est de transformer notre système de santé en le rendant plus centré sur le patient.
Pour y parvenir, il faut d’abord mettre en place des infrastructures solides et moderniser les établissements de santé avec des systèmes d’information hospitaliers (SIH) adaptés aux réalités locales.
Ces SIH doivent être conçus en collaboration étroite avec les professionnels de santé pour qu’ils répondent aux besoins spécifiques du terrain.
On doit également former les différents utilisateurs de manière à assurer une meilleure gestion des informations médicales et administratives pour avoir une traçabilité claire et une gestion plus précise des ressources. Le circuit du médicament bénéficiera également de cette transformation.
Grâce à une numérisation bien pensée, nous pourrons suivre le parcours des médicaments de manière plus transparente, depuis la prescription jusqu’à la dispensation, réduisant ainsi les erreurs, les pertes et les fraudes. Cela contribuera à une meilleure allocation des ressources et à une plus grande sécurité pour les patients.
Quant au parcours patient, la e-santé peut véritablement faire la différence, et ce, en centralisant les informations et en facilitant leur accès aux différents acteurs du secteur de la santé.
Sur ce, nous pouvons réduire les délais de traitement, améliorer la coordination entre les services, et offrir aux patients un suivi plus personnalisé et continu.
En somme, en relevant ces défis, on répondra à des exigences internationales, mais surtout, on construira un système de santé au service des Algériens.
Z. Z.
