Msila, entre le Hodna et les Ouled Naïl : Les promesses d’un nouvel horizon

Vue de la ville de Bou Saâda

La steppe sud-est algéroise du Hodna, où le phénomène de la désertification s’accentue avec les changements climatiques, est en train de connaître un nouvel intérêt de la part des pouvoirs publics et des techniciens de terrain, et ce, notamment, avec le projet de relance du Barrage vert, de la réactivation du dossier des zones d’expansion touristique (ZET), du soutien à l’initiation de projets agricoles qui s’inscrivent dans le sillage de l’adaptation aux changements climatiques et du projet de la nouvelle division administrative promise depuis quelques années déjà aux populations de la région.

Par Amar Naït Messaoud

En effet, la création de nouvelles entités territoriales, à la faveur du décret présidentiel n° 19-328 du 8 décembre 2019, fait bénéficier la wilaya de M’Sila de trois circonscriptions administratives ou wilayas déléguées, à savoir : Sidi Aïssa, Magra et Bou Saâda.

La première occupe le territoire du nord-ouest, à la limite avec la wilaya de Bouira ; la deuxième, occupe le territoire central du nord-est du Chott El Hodhna; la troisième constitue un vaste territoire, quadrilatère allant de Sidi Ameur, au nord, jusqu’à la profondeur des steppes de Aïn El Malh (au sud) et de Ben Srour (à l’est, au niveau du carrefour Biskra/Barika).

Cette dernière circonscription administrative réalise un vieux rêve, celui des habitants de Bous Saâda qui avaient un peu « mal compris » la promotion de la ville de M’Sila au rang de chef-lieu de wilaya en 1974, lors de la première division administrative opérée après l’indépendance du pays et ayant porté le nombre de wilayas de 15 à 31, puis, en 1984, à 48, puis à 58 depuis 2022. Une certaine émulation entre les deux cités ne faisait pas mystère.

La promesse de rectifier le tir et de rendre justice à l’ancienne Cité du Bonheur (Bou Sâada), un des épicentres de la grande tribu des Ouled Naïl, a été donnée par la suite par de hauts responsables de l’État.

De l’autre côté, au nord de Bou Saâda, la ville de Sour El Ghozlane, siège de daïra au sud de la wilaya de Bouira, se prévaut légitimement d’un passé prestigieux (Auzia, dans l’antiquité, et Aumale, pendant la colonisation française). Bou Saâda, elle, fut la Cité du Bonheur, comme le dit si bien le sens arabe de ce toponyme.

Son histoire de commerce, d’art, de savoir-vivre, lui confèrent une certaine fierté dont elle n’arrive pas à se départir, malgré la patine des ans et les déconvenues du présent. Elle est l’oasis la plus septentrionale d’Algérie, la plus proche de la capitale.

Elle assure sur le plan humain, commercial et écologique- la transition entre les derniers espaces telliens et le nord Sahara.

La route nationale n°8 allant d’Alger à Bou Saâda est en plein chantier sur son tronçon allant de la sortie de Sour El Gozlane à Sidi Aïssa où un projet de dédoublement de la route a été lancé.

Au relais routier de Aïn Khermane, les conducteurs de camions  »longs courriers » font une brève halte pour prendre un café, un casse-croûte ou quelque provision de voyage.

En cette journée d’un été caniculaire, le soleil, tamisé par de légers moutonnements de nuages, alourdit davantage l’atmosphère.

De loin, apparaît le sommet de djebel Eddis (900 m d’altitude) par lequel s’annonce la ville de Bou Saâda. La route passe en contrebas de ce sommet de montagne et enjambe oued Maïter.

La nouvelle ville commence ici. Il y a une vingtaine d’année, il fallait avancer de plus de 4 km pour entrer dans l’agglomération urbaine.

Aujourd’hui, les premiers bâtiments sont là, propres et aux couleurs épousant l’environnement ocre qui les entoure. Les bifurcations qui ouvrent les voies vers Djelfa et Biskra ne passent plus par la ville.

Les nouvelles voies d’évitement escamotent la vieille médina au grand dam de voyageurs qui voudraient balayer des yeux, ne serait-ce que furtivement, l’ancienne cité de Nasreddine Dinet. La cité mérite plus que cela.

Malgré son graduel effacement par rapport à la nouvelle ville, elle continue à offrir les vestiges d’un ancien monde et d’un mode vie qui n’existent presque plus.

Architecture, urbanisme, marché, culture orale, spiritualité, culture de voisinage et d’autres aspects de la vie ne laissent de traces que celles que l’on se donne la peine de chercher et de décrypter.

Depuis que, en 1974, son statut de wilaya a été contrarié par les décisions de la haute administration, Bou Saâda a toujours espéré et attendu tranquillement son tour.

Une attente d’autant plus légitime que la région abrite la grande zaouïa El Hamel, point d’orgue de l’histoire et de la culture boussâdaiennes, les vestiges du moulin Ferrero et, dans la ville même, le musée Nasreddine Dinet, deux hôtels touristiques et une école hôtelière.

LE DÉCLIN DES SENTEURS DE LA MÉDINA

Dans les vieux cafés gagnés par la pénombre créée par l’exiguïté des ruelles, le thé harr (assaisonné de poivre et de clous de girofle) demeure la boisson la mieux partagée.

Sa senteur se mélange agréablement aux arômes de choua (grillades) sortant des gargotes et autres restaurants disséminés dans les quartiers.

Les jeunes bergers menant les troupeaux d’ovins vers les pâturages de Roumana et de Oued el Anng s’affairent dès les premières lueurs du jours.

Vue de l’extérieur, la vieille médina apparaît lovée entre deux sommets de montagne et ne s’ouvre que timidement vers Maadher-Bous Saâda, une plate-forme sableuse de oued Maïter. Les deux sommets sont : djebel Moubakhera (1052 m d’altitude) et djebel Kerdada (947 m) dans le couloir desquels s’incruste aussi la route nationale n°46 menant sur Djelfa sur un parcours de 110 km.

a ville est aujourd’hui menacée par les dunes de sable et les inondations issues du débordement de Oued Maïter. Elle garde encore des souvenirs douloureux des déluges d’eau qui ont dévasté les maisons et les infrastructures (ponts et routes) pendant les dures journées de septembre 2007.

Cette ville qui a adopté le peintre Etienne Dinet a une vocation commerciale séculaire que n’ont chamboulée les nouvelles données de l’économie algérienne que récemment.

Oasis la plus septentrionale d’Algérie, les anciens métiers artisanaux et ruraux, couplés à l’activité touristique des années 70 et 80 du siècle dernier avec les hôtels El Kaid et Kerdada (en plus de l’école de formation hôtelière)- ont connu malheureusement un grand déclin. Vanniers, dinandiers, tapissiers et autres potiers se font plus que discrets et ne répondent plus à l’appel.

Les rares pièces exposées dans les vieux quartiers n’ont pas assez de souffle pour attirer les touristes et constituer une vraie source de revenu pour les exploitants de la matière première, les fabricants et les vendeurs.

Plus au nord, les villes de Sidi Aïssa et Aïn Lahdjel ont, sur le plan de l’activité commerciale, détrôné Boussaâda.

Ces deux villes du nord de la wilaya sont considérées comme la plaque tournante de toutes les transactions qui s’opèrent au Centre-nord du pays.

L’ÉMERGENCE DE M’SILA

La RN 45 qui va à M’Sila prend naissance à 13 km au nord-est de Bou Saâda. 18 km, c’est la dépression de Chott El Hodna qui, pendant la période estivale, se réduit à une vaste cuvette vide, au sol fendillé supportant quelques herbes folles.

Après avoir traversé cette dépression, la route se montre d’une rectitude absolue et aboutit, au bout de 26 km, à la capitale du Hodna, M’Sila.

Depuis sa promotion au rang de chef-lieu de wilaya en 1974, la ville de M’Sila-bâtie sur un terrain plat traversé par Oued Ksoba subi une forte expansion urbaine et une grande croissance démographique.

Située à moins de 500 m d’altitude et à mi-chemin entre Bordj Bou Arréridj et Boussaâda, M’Sila concentre en son sein beaucoup d’activités commerciales et industrielles de la wilaya.

L’installation, au milieu des années 2 000, d’une cimenterie à Hammam Dhalâa, 33 km au nord de M’sila, a quelque peu boosté le marché immobilier entretenu par une forte demande émanant des cadres et techniciens de cette entreprise.

D’une façon générale, la wilaya de M’Sila continue à développer majoritairement une économie basée sur le pastoralisme.

Composée de 47 communes et s’étendant sur une superficie de 18 175 km2, elle compte plus de la moitié de son territoire dans la zone des parcours où évoluent des populations nomades et semi-nomades avec leurs centaines de milliers de têtes de moutons.

L’activité pastorale signifie ici l’élevage extensif de troupeaux d’ovins, ce qui implique également le commerce des bestiaux, des fourrages, des toisons de mouton et des services connexes (prestations vétérinaires, vente de fumier,…).

Outre cette activité principale qui s’étend pratiquement sur toute l’étendue du territoire de la wilaya, certains pôles urbains ou semi-urbains sont répertoriés depuis longtemps comme des plaques tournantes de commerce informel (pièces automobiles, électroménager, vêtements, cosmétiques,…).

La dimension de la « casse » (cimetière de voitures et d’autres véhicules et engins) longeant la route entre Barika et M’Sila est probablement unique en Algérie.

RELANCE DU BARRAGE VERT

Au cours de ces deux dernières années, l’actualité la plus pré- gnante dans la région du Hodna est bien le programme de relance du Barrage vert. S’étendant sur 13 wilayas du couloir steppique- Atlas saharien, le Barrage vert touche 36 communes de la wilaya de Msila, soit une superficie globale de 433 000 hectares, ce qui représente 23 % de la superficie de la wilaya et 19,7 % du projet à l’échelle nationale.

Les axes du projet de relance s’articulent au- tour de la réhabilitation des anciennes réalisations, de leur extension et du développement avec d’autres actions.

Bien que des programmes de lutte contre la désertification soient mis en œuvre au cours des vingt dernières années dans ce territoire à vocation agropastoral, la nécessité de la renforcer par la reprise de l’ancien projet du Barrage s’est imposée, au vu de l’intensité du processus de désertification induite par les changements climatiques. Pour ce faire, la wilaya de Msila a bénéficié d’un programme de 1,42 milliards de dinars pour l’année 2023.

Les travaux de plantations, de toutes catégories (forestières, fruitières et pastorales), d’infrastructures de desserte et de la petite hydraulique sont bien avancés. Le plan d’action tracé s’étend à l’horizon 2027 pour ce projet.

Parallèlement, l’administration des forêts et la direction des services agricoles mettent en œuvre d’autres programmes sectoriels dont la majorité est versés dans la lutte contre la désertification, la revitalisation des espaces ruraux, la stabilisation des populations et la création d’emplois dans les es et hameaux enclavés.

A. N. M.

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