Après avoir provoqué de façon unilatérale, et à la surprise générale, la rupture par le Polisario d’un cessez-le-feu qui date de plus de 30 ans et laborieusement scellé sous les auspices de la communauté internationale, le royaume marocain, par cette agression contre le peuple sahraoui, a d’autant plus suscité une indignation palpable à travers le monde.
Par Hakim O.
Mais aussi, un certain étonnement quant à ce sentiment d’impunité du Makhzen, qui lui a dicté un tel acte hostile foulant au pied toutes les résolutions des instances internationales, dont l’ONU, qui, depuis au moins 1991, avaient trimé dur pour arbitrer, selon le droit et la justice, l’un des derniers, voire le seul processus de décolonisation persistant à l’échelle de la planète.
D’aucuns, à ce sujet, font remarquer avec pertinence un contexte géopolitique favorable à la monarchie marocaine avec, principalement comme toile de fond stratégique, la question de la normalisation potentielle (dont on dit acquise, cependant), des relations israélo-marocaines.
Impunité
C’est ce qu’a relevé la politologue Khadija Mohsen-Finan, enseignante à l’université Paris-I, spécialiste du Maghreb et du monde arabe, réagissant à l’incrsion marocaine vendredi dernier dans la zone de Guerguerat (sud-ouest du Sahara Occidental) : «Le Maroc est gâté par les Américains qui veulent l’amener à reconnaître Israël ; il est gâté par certaines monarchies du golfe Persique qui aimeraient banaliser ainsi leur propre rapprochement avec Israël ; il est, enfin, gâté par les Européens qui comptent sur lui pour verrouiller les flux migratoires et les aider dans la lutte antidjihadiste».
Le royaume marocain engrangerait, ainsi, les dividendes d’un alignement décennal assumé, sur les visées et stratégies géopolitiques des puissances occidentales dans la région du Maghreb.
Le pays a, en effet, depuis toujours fait le contrepoids au Maghreb, aux résistances et souci d’indépendance à l’égard de l’impérialisme, de ses voisins, dont principalement, l’Algérie, et dans une moindre mesure la Libye de feu Kaddafi. En le royaume chérifien, au Maghreb, en effet, à l’instar des monarchies du Golfe, l’Occident belliciste a tôt fait de trouver son allié le plus fidèle, ne manquant jamais de confirmer sa contribution active à ses menées expansionnistes. Depuis celle de sa participation à la guerre du Golfe des années 1990, sous le règne de feu Hassan II, à celle contre le Yémen depuis 2014, sous Mohamed VII, le Makhzen en allié des maîtres du monde ou en sous-traitant de ses guerres, à l’instar des monarchies du Golfe, a toujours répondu présent.
En toile de fond, des enjeux économiques
S’il y a un «mérite» à relever quant à l’acte d’agression marocain sur le territoire sahraoui, vendredi dernier, c’est celui qui fait apparaître au grand jour l’enjeu fondamental du conflit décennal, à savoir l’enjeu et les intérêts économiques substantiels que représente le Sahara pour les visées expansionnistes du Maroc. En effet, loin cette fois de toute rhétorique «patriotique», l’agression visant le «déblocage» du couloir commercial d’El-Guerguerat, au sud-ouest du Sahara Occidental, démontre à l’évidence le caractère mercantile plus qu’autre chose des visées colonialistes du royaume sur les territoires sahraouis.
El-Guerguerat est, en effet, une route, aménagée illégalement par le régime marocain pour des débouchés commerciaux vers des pays subsahariens, vers le Niger et la Mauritanie, notamment.
Une infrastructure commerciale qui, en termes d’avantages économiques que recèle le Sahara Occidental, n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Le Sahara Occidental, en effet, est bien loin de n’être qu’un infini espace de sable.
Le territoire sahraoui regorge, en fait, d’importants gisements de phosphates outre un littoral connu pour être le plus poissonneux au monde. Il est pourvu de minerais dont le fer, le titane, l’uranium, le titanium, l’antimoine, le cuivre et le manganèse, outre des gisements de pierres précieuses. Le Sahara présente un atout, également, et non des moindres, au double plan économique et géostratégique. Il est riche, à savoir celui de posséder une côte atlantique l’unique voie sur la mer au Maghreb. Par conséquent, si comme l’a observé récemment, Sylvia Valentin, présidente de l’observatoire Western Sahara Resource Watch (WSRW), la route commerciale d’El-Guerguerat est utilisée comme une «brèche illégale» par le Maroc «pour exporter des produits pillés du Sahara Occidental, qui transitent ensuite par le port de Nouadhibou, en Mauritanie». Tout le territoire sahraoui, en fait, est convoité par le royaume pour ses immenses opportunités économiques, (voir la carte ci contre).
H. O.