Le champion de l’eau et des déchets a mis près de 8 milliards d’euros sur la table pour cette opération, lancée sans l’accord de Suez. Dans l’attente d’un débat au fond sur les précédents engagements d’amicalité de Veolia, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi dimanche dernier par la cible, a toutefois ordonné au géant tricolore de suspendre le lancement de l’OPA. Et Bruno Le Maire a annoncé saisir le gendarme de la Bourse (AMF) « dès ce matin ».
C’est un nouvel épisode d’importance dans le feuilleton Veolia – Suez, qui dure depuis des mois. Le champion de l’eau et des déchets est passé à la vitesse supérieure en lançant une OPA sur son concurrent. Dimanche 7 février, dans la soirée, c’est par un bref communiqué que Veolia, qui a acheté en octobre 29,9% du capital de Suez, a constaté que « ses tentatives répétées d’amicalité, réitérées dans sa proposition d’offre du 7 janvier 2021, se sont toutes heurtées à l’opposition » de sa cible. Face à l’intransigeance de Suez, le conseil d’administration de Veolia a décidé de lancer une offre publique d’achat au prix de 18 euros par action, sur les 70,1% du capital qu’il ne détient pas, soit une opération d’un montant de 7,9 milliards d’euros en numéraire.
Sa cible a immédiatement réagi auprès de l’AFP : « Veolia est dans l’impossibilité juridique de déposer une OPA », a souligné une porte-parole de Suez, dénonçant une « rupture de l’engagement d’amicalité » pris par Veolia. « Nous ne laisserons pas faire Veolia dans son entreprise de destruction », a déclaré de son côté l’intersyndicale de Suez (CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC) dénonçant une « OPA hostile contre Suez et ses salariés », synonyme de « déclaration de guerre sans retour ». Bruno Le Maire a annoncé saisir le gendarme de la Bourse (AMF) « dès ce matin ». « Cette offre n’est pas amicale et cela contrevient aux engagements qui ont été pris à plusieurs reprises par Veolia. Elle pose aussi des questions de transparence. Pourquoi est-ce que, subitement, cette offre a été déposée ? Donc nous allons saisir l’Autorité des marchés financiers dès ce matin », a expliqué M. Le Maire sur Europe 1. Et de son côté, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi dimanche soir par la cible, a demandé la suspension de l’OPA.
Dans un marché mondial de plus en plus soutenu et concurrentiel, Veolia veut créer un « super champion français » du secteur, un « projet dans l’intérêt de la nation », selon son PDG Antoine Frérot. Le groupe a abattu ses cartes fin août, alors qu’un mois plus tôt son actionnaire Engie s’était dit « ouvert » à la cession de ses 29,9% dans Suez. Mais depuis des mois, sa cible crie au « démantèlement », invoquant son propre potentiel, son plan stratégique, ses cessions pour lui permettre d’acquérir des activités de pointe. Pour le directeur général de Suez, Bertrand Camus, cette OPA serait « une alchimie à l’envers, pour transformer l’or en plomb ».