Mohamed Sehili, professionnel de l’information, expert en records et Knowledge : «Construisons ensemble le système d’information national pour les générations futures»

Mohamed Sehili, professionnel de l’information, expert en records et Knowledge

Mohamed Sehili est un professionnel de l’information, expert en records et Knowledge Management, œuvrant pour la maîtrise, la valorisation et la pérennisation du capital informationnel et cognitif des organisations. Ses champs d’actions sont le Records Management (Document d’Activité), le Knowledge Management (Connaissances), la conduite du Changement (Accompagnement), la Transformation Digitale (Processus-Contenu), le Management de la Qualité (Performance) et l’Intelligence Economique (veille stratégique). Il brosse, dans cet entretien, un tableau assez spécifique de comment doit fonctionner l’entreprise et gérer son patrimoine documentaire, à la lumière de la législation en vigueur, les normes ISO, mais aussi les nouvelles TIC.

Entretien réalisé par Zoheir Zaid

Ecotimes : « Pour l’entreprise l’information n’a pas de valeur si elle n’est pas reprise sur un support formel et conforme à la règlementation, standards et procédures en vigueur pour la gestion de l’information d’entreprise.», lit-on dans l’un des chapitres de votre communication sus indiquée. C’est-à-dire ?

Une entreprise est, par défaut, une entité institutionnelle, dotée d’un statut, d’un registre de commerce, d’un numéro d’une identification fiscal, d’un compte bancaire, …etc.

Elle a des droits et des obligations, elle signe des contrats et des engagements selon la législation et règlementation nationale et internationale, par conséquent, l’entreprise est dans l’obligation de justifier ses actes et de prouver ses transactions.

La maîtrise des enregistrements (l’information documentée sur un support formel) est une obligation l’égale selon la loi des archives 88-09 aussi que dans d’autres dé- crets spécifiques liés directement à son domaine d’activité (Lois de finance, codes fiscaux, code du commerce, code du travail, …etc.)

Une information non enregistrée sur un support règlementé, formel et conforme à une norme ou une réglementation, ne peut être considérée comme document auditable et de preuve (Record).

Il faut savoir que plus de 90% de l’information en entreprise est sous forme de document (support formel) et documentée, cela nous donne une matière à réflexion sur la constitution des systèmes d’information dans les organisations.

On y voit une nette distinction entre document, record et archive. Est-ce vraiment nécessaire que l’entreprise le sache et que, pour ce faire, une formation de son personnel doive être lancée ?

La notion de Document, Records et Archive est une terminologie spécifique aux spécialistes de l’information documentée (Documentaliste, Archiviste, Records Manager et Responsable Qualité), alors que pour l’ensemble de l’entreprise (Managers et collaborateurs), il n’y a pas de distinction entre les trois car cette population représente les usagers du système d’information documentaire, de ce fait ils génèrent, reçoivent et doivent disposer juste d’information pour la réalisation de leurs activités quotidiennes.

Cette classification en trois familles est une organisation aidant les professionnels à gérer l’information tout au long de son cycle de vie (Planification, exploitation, organisation, valorisation, préservation et archivage).

Les circonstances (facteurs) qui provoquent le changement de statut du support d’information de document, à record et ensuite une archive, sont : la valeur d’exploitation administrative et technique (Financière, fiscale, commerciale, juridique, technologique,…etc.) de l’information portée sur le document ; la valeur légale (Préservation des droits de l’organisation), la valeur historique et patrimoniale, et la fréquence de consultation et la demande sur le document. Dans les approches classiques (orientées papier) la distinction est palpable :

• Document (support en exploitation pas encore validé ni classé, sont contenu et modifiable),

• Record (support approuvé et sélectionné pour être conserver, sont contenu est figé et non modifiable et peut être utilisé au cours des Activités quotidiennes ;

• Archive (support qui contient des informations à valeur historique et patrimoniale, sa consultation est occasionnelle).

Un accompagnement est nécessaire via la sensibilisation à l’importance de la maîtrise et la gouvernance de l’information en entreprise en tant que ressource.

Nous recommandons également le recours à un cursus de formation fonctionnelle et technique sur les nouveaux usages et métiers de l’information documentée au profit des futurs records managers.

Selon vous, le terme archive n’a plus droit de cité dans les organisations et entreprises pour la gestion de leur patrimoine documentaire. Pouvez-vous nous en donner les raisons ?

Actuellement et avec la transformation des médias de l’information vers le tout numérique, la question de l’archivage classique (éloigné des bureaux) est à revoir.

Les TIC ont bouleversé les paradigmes de l’archivistique en tant que discipline et science, les causes racines de l’archivage ont été remises en question.

Avec le document numérique, les contraintes que sont l’encombrement dans les bureaux (espace), la préservation (altération, perte), l’accès (consultation et sécurisation), ne seront plus d’actualité car le stockage des documents et leurs indexes dans des bases de données sera la pratique courante, l’automatisation des procédures de gestion documentaire ainsi que les processus métiers par des systèmes intégrés tels que les GID (gestion intégrée des documents) et ECM (management de contenu d’entreprise) couvrirons la totalité du cycle de vie d’un document jugé utile pour l’activité (Record).

Dans cette conjoncture du tout digital, l’archive deviendra records continuum (vital records), une information vivante et vitale tant que l’organisation est en activité.

Dans ce cas de figure, l’archiviste passera en ce temps-là du simple conservateur à records manager en transformateur de grande envergure de ses compétences, qui le positionnera comme spécialiste de l’information documenté d’entreprise et administrateur fonctionnel des solutions de type ECM (gestion électroniques des documents (GED) et du système d’archivage électronique SAE).

ISO 15489, ISO 22310, ISO23081-1, ISO 30300, autant de normes mises en vigueur. Quels sont leurs applications et les entreprises sont-elles informées de leurs existences ?

L’information est une ressource critique pour les organisations, sa gouvernance nécessite des compétences techniques, une connaissance des standards, des référentiels et normes internationales qui cadre et régie les divers usages et disciplines en relation avec « La recherche de l’information », « L’organisation de l’information », « La communication de l’information », « Le classement et la conservation de l’information », « L’analyse de l’information », « La capitalisation sur l’information », « La valorisation de l’information », « La sécurisation de l’information », « L’archivage de l’information ». Nous pouvons citer à titre d’exemple les normes suivantes :

• ISO 15489 :(Records management norme mère)

• ISO23081 : (Métadonnées pour les records)

• ISO 30300 :(Systèmes de gestion des documents d’activité SGDA)

• ISO 27001 : (Sécurité de l’information)

• ISO 14641 : (Système d’archivage électronique)

• ISO 30401 : (Knowledge management systems) Cet ensemble de normes sont des outils de travail des professionnels de l’information, la majorité des entreprises ne connaissent que les normes généralistes et certifiantes qui peuvent être un label de confiance et de conformité pour leur business, telles que l’ISO 9001, l’ISO 14001, l’ISO 50001.

Parmi les nouveaux rôles du spécialiste de l’information est de faire connaitre la palette de normes de sa discipline et de les introduire dans le référentiel global de son organisation, et ce, pour avoir meilleure adaptation et adoption de ses outils normatifs.

L’Algérie dispose-t-elle d’assez de formateurs, en nombre et en compétences, pour assurer la formation des entreprises en ce qui concerne tout ce qui gravite autour du patrimoine documentaire ?

La question et très pertinente, notre pays dispose d’un vivier important de formateurs et de porteurs d’expérience dans de divers domaines en relation avec la maîtrise de l’information.

Par contre, le champ d’intervention des potentialités algériennes est fragmenté en plusieurs domaines distincts et exige une bonne orchestration, d’un schéma directeur pour la prise en main de ce nouveau besoin de gouvernance de l’information.

Aujourd’hui, nous devons unir nos efforts, nous Archivistes, Conservateurs, Historiens, Documentalistes, Informaticiens et IT managers, Editeurs de solutions de numérisation et de gestion de contenu, Fabricants d’équipements de capture et d’imagerie, Intégrateurs de solutions IT, Etudiants et porteurs d’idées innovantes (startup), Instances règlementaires (législation et normalisation), Experts en transformation digitale, Experts et management de la qualité, Experts et Knowledge Management et conduite du changement

La focalisation doit être vers l’atteinte d’un objectif commun, la compréhension des nouveaux usages, outils et finalités du management moderne de l’information dans une économie de plus en plus digitale et fondée sur la connaissance.

Toutes les initiatives sont les bienvenues pour l’optimisation de notre performance dans les projets de gestion de contenu informationnel au sein des organisations à l’aube de l’intelligence artificielle et les objets connectés.

Construisons ensemble le système d’information national dans l’optique d’une meilleure valorisation et pérennisation de la mémoire nationale pour les générations futures.

Z. Z.

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