Une correspondance aux autorités, du sénateur Abdelouahab Benzaim, a mis le doigt là où ça fait mal, et révèle ce que tout le monde sait déjà : la problématique de l’octroi de l’agrément de pharmacien. Un problème administratif qui s’est vite mué en un véritable affrontement entre ce sénateur et le Snapo (syndicat algérien des pharmaciens d‘officine). La lettre du sénateur adressée au ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid, qui lui demande de mettre de l ‘ordre dans l‘octroi des agréments pour cette corporation, a provoqué l’ire du syndicat des pharmaciens.
Par Réda Hadi
De quoi s’agit-il ? Le sénateur, en fait, s’indigne et révèle que ces agréments sont revendes par les pharmaciens retraités à de jeunes diplômés contre 3 milliards de centimes. «On parle de la vente d’agréments de pharmaciens à 3 milliards de centimes, ce qui est une démarche illégale adoptée par certains pharmaciens ayant atteint l’âge de le retraite et qui ont remis leurs agréments à d’autres pharmaciens en échange de cette folle somme, et ce, tandis que les nouveaux diplômés des écoles de pharmacie restent au chômage pendant les années», a écrit le sénateur, et que cite notre confrère en ligne, Algérie Eco.
Le Snapo, en réaction, dans une longue lettre, rétorque, en substance, que la vente de l’agrément obéit à des règles très strictes du registre de commerce, et que cet agrément est délivré en fonction des besoins de la carte sanitaire dressée par le ministère de la Santé.
Au-delà des raisons de l‘un ou des autres, c’est un véritable problème qui est soulevé.
Pour le sénateur Bezaim, c’est la bureaucratie qui s’allie à la gérontocratie. Sinon, selon lui, comment justifier la vente d‘un agrément monnayant une telle somme ? Les diplômés en pharmacie paient cette somme en raison de l’impossibilité d’obtenir leur agrément par la voie légale, affirme-t-il, par ailleurs. Par contre le Snapo considère l‘officine comme un fonds de commerce et est régit comme telle.
«Cette situation interpelle», nous dit Billel Aouali, économiste et consultant, qui considère «l’inaptitude et l’inadéquation de l‘octroi des agréments, aux heures actuelles de notre économie et système de santé»
Pour l‘économiste, la demande explose face à une offre restreinte et l’amalgame vient de là, selon lui.
En effet, l‘économiste souligne que «les pharmacies sont considérées comme hautement rentable, et face à la difficulté d’en acheter une, ou d ‘avoir un agrément, les jeunes diplômés louent leurs diplômes pour la somme de 100000 DA mois. C ‘est le résultat d’une longue anarchie dans le cursus des pharmaciens. On produit plus qu‘on ne peut offrir du travail », estime-t-il
S’agissant du fonds de commerce, celui-ci estime aussi «que ce fonds est couvert par le sceau de l‘utilité publique, et qu’il ne peut s’agir alors d’héritage quelconque. Une fois retraité, ce fonds est versé à qui de droit, car le pharmacien en question perçoit une allocation. Il faut reconnaître, aussi, que les pouvoirs publics y sont pour quelque chose. On a formé des centaines de pharmaciens sans pour autant tenir compte de la carte sanitaire. Le problème, c ‘est que l’on en est venu à produire plus que le marché ne peut résorber», et de conclure qu’ «il faut que le ministère du Commerce et celui de la Santé prennent ensemble en charge ce problème, et qu’ils multiplient ensemble, aussi, les contrôles pour assainir la situation. On a créé un problème générationnel, sans aucune raison»
R. H.