Les migrants et déplacés africains qui « errent » dans les pays de l’autre rive méditerranéenne et dans les pays de l’Afrique du Nord, à l’image de l’Algérie, sont des réfugiés économiques, « sécuritaires » et climatiques dont l’actualité- avec l’aventure de la traversée du Grand Sahara, puis, souvent, de la traversée de la Méditerranée pour se rendre en Europe – constitue l’un des revers les plus hideux d’une mondialisation portée à bout de bras par le nouvel ordre économique mondial. Rien que pour l’année 2024, ils sont quelque 10 457 migrants noyés en mer lors de leur traversée vers l’Espagne.
Par Amar Naït Messaoud
Ce sont des chiffres rapportés par l’Association espagnole de défense des droits des migrants, Caminando Fronteras. À cette hécatombe est-méditerranéenne, il faudra ajouter celle que connaît aussi la façade libyenne en direction de l’Italie. Cette fin tragique en mer survient après un voyage éreintant à travers le désert de Tibesti et du Hoggar-Tassili. D’ailleurs, le bilan des personnes qui sont mortes sur les pistes et sentiers sablonneux du Sahara, exténuées et desséchées, demeure inconnu. Ces victimes, devenues de simples squelettes exposées au soleil brûlant du désert, ne sont signalées que par quelque berger méhariste ou une éventuelle escouade de l’armée passant par là.
Les Africains qui ont trouvé en la brèche libyenne-pays où l’autorité centrale s’est effacée au profit de groupes armés depuis le « Printemps arabe » mis en œuvre sur ce territoire par les force de l’Otan- des portes de sortie vers l’Europe, constituent une grande masse de demandeurs d’asile. La mer Méditerranée est, pour une partie d’entre eux, une voie de salut pour l’éden rêvé, et pour les autres, une tombe ou finissent leurs rêves, leur vie.
Parmi ceux qui quittent le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso, le Nigeria et d’autres contrées subsahariennes, il y en a ceux qui sont chassés par les l’intensité des conflits opposant les groupes extrémistes aux armées régulières de ces pays. Pis, ces groupes, comme ce fut le cas en Algérien pendant les années 90′, s’attaquent parfois aux civils innocents, faisant des centaines des victimes, comme, par exemple, autour du lac Tchad, où des bergers font souvent l’objet de massacres par le groupe nigérian Boko Haram.
Une grande partie de ces personnes déplacées sont chassées par la misère économique, parfois par la famine. Cette situation est due à des sécheresses cycliques, parfois à des inondations, aggravées par la mauvaise gouvernance politique et économique que subissent les populations rurales.
Depuis une dizaine d’années, les personnes se déplaçant vers le Nord (Maghreb ou Europe) en raison des mauvaises récoltes (alimentation humaine ou fourrages) sont dénommées dans le jargon des organisations internationales (Onu, Fao, HCR,…) « migrants climatiques ». Un nom qui correspond bien à la situation que vivent ces populations, même si d’autres raisons subsidiaires (gouvernance politique) se greffent à la première motivation.
Les peuples africains sont les premiers à subir les effets des changements climatiques, même si les sources des dérèglements- à savoir la production des gaz à effet de serre (GES)- sont ailleurs, c’est-à-dire dans le monde industrialisé. Le continent africain n’y serait responsable qu’à hauteur de 3,5 à 4%.
Des sommets climatiques aux résultats mitigés
Les conférences internationales sur les changements climatiques se suivent et se… ressemblent. Même si, sur le plan technique et de l’engagement moral, quelques résultats sont obtenus, il y a visiblement loin de la coupe aux lèvres.
Les Conférences des Parties (Cop), dont la dernière édition, la 21ème, a été organisée à Bakou (Azerbaïdjan) par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), sont chargée d’évaluer les progrès accomplis par les différents pays en matière de réduction des émissions de carbone, à l’origine de l’effet de serre qui entraîne les changements climatiques que sont en train de vivre plusieurs parties du monde.
L’on connaît bien les réticences, voire les sérieuses réserves exprimées par les États-Unis d’Amérique- grand pays industriel et pollueur- dont le président, David Trump, lors de son premier mandat et sous la pression des lobbies industriels de son pays, a remis en cause l’engagement de son prédécesseur, Barak Obama, pour la réduction des gaz à effet de serre.
Élévation inhabituelle des températures, dérèglement des précipitations, inondations, pollution atmosphérique, pluies acides, fonte des glaces, élévation du niveau des mers et océans et d’autres phénomènes encore, les uns plus nocifs que les autres, sont exprimés par le concept de changements climatiques.
Un séminaire africains a eu lieu à Dakar en 2015, destiné à faire adopter aux Africains la même position et à les conduire à parler d’une même voix dans les grands forums mondiaux liés aux changements climatiques. Il s’agit de faite valoir le fait que le continent africain n’est à l’origine des émanations de gaz à effet de serre que dans une infime proportion, et que les premières retombées des dérèglements climatiques induits sont les peuples d’Afrique qui les subissent, affectant particulièrement le secteur de l’agriculture par le cycle infernal sécheresses/inondations.
Les famines qui frappent particulièrement la Corne de l’Afrique, certaines régions du Soudan, Le Tchad, le Niger et le Mali sont à l’origine d’une mobilité exceptionnelle des populations, qui les envoie sur les voies de l’immigration clandestine, avec tous les risques entourant cette aventure océane.
Les terres du Sahel se sont dégarnies par les sur pâturages, les défrichements incontrôlés de la forêt et la sécheresse. Les inondations affectant cette portion de l’Afrique érodent les sols, leur fait perdre leurs éléments nutritifs. Elles endommagent les récoltes et les chaumières, comme elles tuent les troupeaux.
Parer à l’immigration par le développement
L’Afrique de la région du Sahel, tout en étant classée l’une des régions les plus pauvres du monde, subit de plein fouet les conséquences du développement des pays du Nord. La recherche des solutions à cet immense dérèglement des éléments de la nature ne peut être uniformisée, et ses charges vénales ne peuvent être réparties d’une manière égale.
La raison, telle qu’elle est avancée par les responsables africains, est que les responsabilités de cet état de fait sont plutôt du côté du monde développé et que, financièrement, ces mêmes pays africains demandent déjà de l’aide pour asseoir des solutions spécifiques au continent pour juguler les effets désastreux des changements climatiques sur l’économie et les écosystèmes.
De leur côté, les pays européens se sentent dans l’obligation de trouver des solutions radicales à ce qui a pris le nom de migrations climatiques. L’on sait que les propositions saugrenues faites, un certain moment, par quelques responsables européens de s’attaquer, en haute mer, aux bateaux transportant ces immigrés clandestin, ne pouvait avoir rien de réaliste.
Les solutions les plus payantes à long terme, sont celles- initiées déjà au début des années 2000, mais timidement mises en œuvre, puis carrément mises en veilleuse- qui consistent aux pays du Nord à augmenter les aides au développement aux pays affectés par les famines et la sécheresse. Il ne s’agit pas de faire dans l’ostentation médiatique, comme ce fut pendant les années 80’ et 90’ du siècle dernier, consistant à faire transporter des sacs de riz par le procédé du secours alimentaire, mais de mettre en œuvre des projets de coopération à même de faire relancer l’économie des pays concernés et d’y créer des richesses et des emplois à même d’aider à stabiliser les ménages dans leurs territoires.
Les enjeux sont aujourd’hui plus complexes avec les changements climatiques qui ont semé ruine et désastre sur plusieurs millions de kilomètres carrés. Il s’agit d’aider ces sociétés à se reconstruire, à atténuer les effets du réchauffement climatique sur leurs économies, à adapter les systèmes de production au nouveau contexte environnemental de façon à leur imprimer plus de résilience (en aidant, par exemple, à financer le projet de la Grande Muraille vert [GMV] allant de Djibouti à Dakar), tout en renforçant la lutte, dans les pays industrialisés, pour la réduction des gaz à effet de serre, responsables des dérèglements climatiques.
A. N. M.