Si les dernières fortes pluies ont été saluées, elles n’ont apporté qu’environ 19 millions de m3 d’eau supplémentaires aux quatre-vingt barrages que compte le pays, selon une note d’information publiée par le ministère de tutelle.
Par Réda Hadi
Elles restent, par conséquent, insuffisantes et «nous sommes toujours en pleine sécheresse», a admis la directrice centrale de l’Agence nationale des barrages et transferts, Mme Nadia Ouchar, chez nos confrères de la radio nationale. Cependant, cet apport appréciable reste relativement bénéfique, car il s’agit, d’une légère progression au vu de l’inégalité dans la pluviométrie par régions.
Pour tous les spécialistes, la pluviométrie actuelle n’est pas synonyme de fin de stress hydrique. Après des années de sècheresse, le sol est devenu dur, et incapable d’absorber l’eau. Selon la responsable de l’ANB, c’est à l’Est du pays, que le taux de remplissage est le plus important, avec un taux de de 57,5%, alors qu’au Centre et à l’Ouest, les taux n’ont pas dépassé, respectivement, les 29,6% et 22,5%.
Mme Ouchar estime qu’«il faut attendre encore quelques temps pour se prononcer sur un état des lieux plus ou moins exhaustif », rappelant que certains barrages se remplissent de la fonte de neiges.
Pour des responsables du ministère des Ressources en eau et du stress hydrique, le taux en question demeure appréciable mais toujours bas. Pour ne citer qu’un exemple: dans la région Centre, le taux de pluies emmagasinées dans les barrages de cette région qui englobe la capitale et Blida, est de 8,26% seulement. Une situation inquiétante qui a poussé la tutelle à faire accélérer la cadence des réalisations du secteur, retenues dans son «plan B», pour faire face au stress hydrique dans ces territoires. Il s’agit d’un plan qui s’articule autour de «la multiplication des forages dans la région de l’Algérois à hauteur de 217 puits,
La persistance du recul du taux de remplissage des barrages de l’Algérois avait amené la tutelle à élaborer un programme d’urgence qui prévoit la réalisation de trois stations de dessalement, aux communes de Bordj El Kiffan, d’El Marsa et de Corso. Celles-ci sont d’une capacité de production de 150 000 m3/jour chacune.
Malgré les pluies, la situation reste, donc, critique, particulièrement au Centre et à l’Ouest. Toutefois, hormis le (petit) barrage de Mascara qui a subi des lâchers d’eau, celui du Chelif n’a pas dépassé les 20,54% alors que celui de Taksebt, qui alimente l’Algérois, reste toujours dans un état critique, tandis que celui de Mao, qui alimente l’Oranie, n’a recueilli que quelque 50 millions de mètres cubes.
M. Ghelai Shems Eddine, ingénieur hydraulicien, estime pour sa part, que beaucoup de pluies ne signifient pas effectivement un fort remplissage des barrages. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. A cela, il faut établir une politique de gestion de la ressource, et prendre comme référence des années de fortes sécheresses pour établir des plans de gestion de celle-ci, afin de remédier à la gestion dynamique selon les apports disponibles en Algérie.
R. H.
M Ghelai Shems Eddine Ingénieur hydraulicien : «Nous avons besoin d’une bonne gouvernance de l’eau dans notre pays»
Si le pays a connu un épisode pluvieux favorable pur remplir nos barrages, il n’en demeure pas moins, pour M. Ghelai, qu’il faut gérer cette ressource, et ne pas qu’attendre, uniquement, ce que le ciel nous envoie.
«Il est incontestable que notre pays souffre de stress hydrique depuis des années, et les pouvoirs publics sont astreints à mettre en œuvre une politique volontariste pour sortir, à terme, de cette situation précaire de pénurie d’eau. Celle-ci menace la population et le bon déroulement des activités économiques et sociales dans le pays, d’autant plus que la situation s’aggrave de plus en plus, en raison de l’évolution de plusieurs facteurs : croissance démographique rapide et extension urbaine sensible, surexploitation des nappes phréatiques et multiplication des forages qui puisent l’eau dans des nappes fossiles profondes. Il y a aussi, le développement des périmètres irrigués publics et privés qui consomment beaucoup d’eau, ainsi que l’impact croissant du réchauffement climatique avec multiplication de périodes de sécheresse plus longues et plus prononcées. Il y a également, la saturation de la capacité de stockage d’eau des bassins-réservoirs des barrages à cause de l’encombrement par les alluvions charriées par les eaux de ruissellement.
La pénurie absolue d’eau menace notre pays. Aussi, il est nécessaire de mettre en œuvre une stratégie globale à long terme, de la gestion de l’eau dans le pays pour sécuriser sa disponibilité.
D’abord, initier une communication multimédia à propos de la rationalisation de la consommation de l’eau avec une nouvelle tarification dissuasive. A titre d’exemple, pour avoir 100 litres au robinet, il faudrait prélever sur le milieu naturel 155 litres, c’est beaucoup et cela coûte très cher à la collectivité. Ensuite, investir massivement pour rénover les infrastructures. De même, consolider les barrages existants (surélévation) et construire de nouveaux barrages au point de mobiliser 98% des eaux de ruissellement.
Des travaux de rétention des eaux et des sols devraient également couvrir tous les bassins-versants pour éviter l’ensablement précoce des barrages-réservoirs, la lutte contre les inondations devant être intensifiée par éviter les pertes humaines et les dégâts, et contenir le gaspillage des eaux. Nous devons, par ailleurs, réviser notre politique agricole pour ne pas pratiquer des cultures gourmandes en eau comme les pastèques.»
Propos recueillis par Réda Hadi