Les marchés mondiaux des matières premières s’emballent. Les prix de blé et de maïs ont atteint des niveaux historiques, notamment suite à l’éclatement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. L’Algérie qui reste l’un des plus grands importateurs mondiaux de céréales, sera certainement impactée, à l’instar des autres pays. En clair, nos dépenses pour les céréales seront en hausse et la facture d’importation d’autant plus lourde. Néanmoins, en termes d’approvisionnements et de capacités financières, notre pays semble moins exposé que beaucoup d’autres.
Par Akrem R.
Le prix de la tonne en blé est passé de 150 dollars en 2015 à 380, voire, 400 dollars la tonne aujourd’hui, a fait savoir l’agroéconomiste, Pr Ali Daoudi, notant que «cette hausse des prix a débuté en 2021, mais s’est accentuée et a connu une forte accélération à partir de février et mars de cette année».
Au cours des cinq dernières années, les besoins d’importations de l’Algérie ont été, en moyenne, d’environ 7,6 millions de tonnes par an, principalement de blé tendre qui représente, environ, 70% de la consommation intérieure, selon les dernières statistiques de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et de l’agriculture (la FAO).
En effet, si l’Algérie n’est pas directement impactée, à partir du moment que notre pays s’approvisionne auprès de 5 pays et n’est pas un grand client de la Russie et de l’Ukraine, dira-t-il, elle le sera, directement, par la hausse des prix qui connaissent une tendance haussière assez importante. Ainsi, avec le retour de la Chine sur le marché mondial des céréales, «on risque de voir une demande plus importante sur le marché, et dont plusieurs pays à faibles revenus seront incapables de s’approvisionner en ces produits, faute de leur disponibilité et à cause de la hausse des prix ».
En somme, précise-t-il, la situation est très difficile pour plusieurs pays, mais l’Algérie est plus ou moins à l’abri. « Nos capacités financières et les gains consécutifs à la hausse des cours du pétrole permettent à l’Algérie de supporter la hausse des prix inédite des céréales. Nous sommes à l’abri de toute menace d’approvisionnement».
Outre l’aisance financière, il est prévu la production nationale de céréales qui sera collectée en 2021/2022 et qui devrait se situer entre 27 et 30 millions de quintaux, ce qui permettra à l’Algérie de réduire ses importations céréalières de 25%, selon le ministre de l’Agriculture, Abdelhafid Henni.
«Bien se préparer à ce genre de crise»
Toutefois, indique le Pr. Daouadi, «On doit retenir qu’on est en train de sortir d’une période d’abondance de produits sur le marché international et à des prix faibles et dont nous avons profité pour nous approvisionner pendant une quarantaine d’années, à une nouvelle phase caractérisée par une forte relativité sur les quantités et aussi une forte demande et une hausse des prix. Il faut bien se préparer à ce genre de crise».
À cet effet, Pr. Daoudi qui s’exprimait sur les ondes de la radio nationale, hier, a appelé à se préparer à ce type de scénarios et recommande « la création d’une Agence de sécurité alimentaire : un organe qui serait indépendant, qui ne subirait pas la pression des décisions à court terme et pourra accompagner les gouvernements successifs dans la mise en œuvre d’une stratégie agricole à long terme». Et de souligner : « L’Algérie a tout intérêt à se doter d’une véritable politique de sécurité alimentaire ».
Le professeur à l’Institut national d’agronomie (INA) déplore que « les plans d’actions ne s’inscrivent pas dans une vision claire avec des moyens suffisants ».
Il a appelé à « augmenter le budget consacré au développement de l’agriculture et à l’utiliser plus efficacement, à travers une stratégie claire et des instruments évalués régulièrement pour l’élaboration desquels les agriculteurs doivent être impliqués». Pour sa part, l’expert en agriculture, Laala Boukhalfa, estime que « nous devons tout simplement revoir le mode de fonctionnement et d’organisation de notre agriculture. La bureaucratie reste la principale contrainte du développement agricole dans notre pays. Nous avons toutes les potentialités, il suffit juste de s’organiser et de mettre en place de véritables politiques de relance». Il est à noter qu’une conférence nationale sur la relance de l’agriculture a été annoncée par le Premier ministre, Aïmen Benabderhamane pour ce premier trimestre de 2022. Toutefois, aucune date n’est encore fixée.
A. R.