Maitre Omar Daghefli | Juriste d’affaires, ex-directeur de Banque, conseil en stratégie business et accompagnement en investissement : «Il est impératif de prioriser la médiation en raison de son impact socio-économique»

Maitre Omar Daghefli | Juriste d’affaires, ex-directeur de Banque, conseil en stratégie business et accompagnement en investissement

Maitre Omar Daghefli est juriste d’affaires, ex-directeur de Banque, conseil en stratégie business et accompagnement en investissement, formateur en gouvernance des grandes entreprises, médiateur Judiciaire, près la cour d’Alger assermenté depuis 15.03.2009. Nous l’avons rencontré lors de «La médiation, indice de performance de climat des affaires», dans le cadre de «Modes alternatifs des règlements des différends», thème de la quatrième semaine des conférence-débat, l’avant-dernière du Ramadan, de l’Association algérienne de management de projet (APMA), qui s’est tenue jeudi 28 mars 2024, à Bab Ezzouar, Alger. Dans cet entretien, il nous fait un tour d’horizon sur la médiation judiciaire, tenants et aboutissements, avantages et enjeux.

Entretien réalisé par
Zoheir Zaid

Eco Times : La médiation judiciaire. Qu’en est-il au juste, et quels bénéfices les parties en conflit peuvent-elles en tirer ?

Maitre Omar Daghefli : La médiation est l’un des modes alternatifs de règlement des différends/litiges/contentieux, appelés communément MARD/MARL/MARC ou Modes alternatifs de règlement de différends/modes alternatifs de règlements de litiges/Modes alternatifs de règlements de conflits.

Dans un processus étudié, un tiers neutre appelé médiateur accomplit la tâche de rapprochement des positions aux fins de règlement de Différends/ Litiges/Contentieux, entre des parties physiques ou morales.

Profitables aux parties, en raison de diligence, gain de coût et favorisant la négociation et simplicité des procédures ainsi que les décisions découlant du propre chef des concernés, la médiation est fort appréciée par rapport à la justice classique et les modes alternatifs précédents.

Actuellement, la médiation judiciaire enregistre un certain engouement, chiffres à la hausse faisant foi. Quels avantages les inscrits ont-ils à engranger ?

L’avènement de la médiation en Algérie en 2008 par la loi 08-09 du 25.02.2008 traitant le code de procédures civiles (CPC) l’Algé- rie s’est mise à niveau par la règlementation de l’activité de la médiation judiciaire.

Le premier contingent des médiateurs judiciaires en qualité d’auxiliaires de justice a prêté serment à la Cour d’Alger le 15 mars 2009. Néanmoins, la pratique de la médiation est restée timide jusqu’à juillet 2022 par l’obligation de la médiation en matière commerciale, par la loi 13-22 du 12 juillet 2022.

Les statistiques en possession des autorités compétentes permettent de mieux apprécier l’évolution, en chiffres.

Cependant, la création des tribunaux commerciaux spécialisés, dans le but d’une meilleure prise en charge de certaines catégories d’affaires contentieuses a exclu la médiation pour attribuer à sa place la conciliation, un mode alternatif de règlement du contentieux, au Juge Commercial.

Médiation, arbitrage, conciliation. Quelle est la différence entre ces terminologies et comment leurs applications dans les faits peuvent-elles avoir des retombées positives sur les populations-cibles ?

La conciliation est la base de tous les modes de règlement de litiges, avant même la création de la justice institutionnelle. Les groupements sociaux étaient structurés de manière à régler leur quotidien suivant des us et coutumes et des codes imposés. Ils géraient les obligations et droits.

En cas de différends ou litiges, un staff de personnes, élues et reconnues pour leur droiture et position en société (nous citons tadjmaat en kabylie, El AZABA en M’zab, chez les Touaregs, les Chawis, les tribus et partout en Algérie), assuraient la conciliation et concluaient par condamnation ou en décisions collaboratives des règlements de litiges, à l’amiable.

Avec la modernisation des sociétés et la création de la cité, ainsi que la dynamique rapide de la vie en agglomération, les structures sus- indiquées n’ont plus leurs positions de jadis.

De son côté, la catégorie des commerçants (agents économiques) avait besoin de plus de confidentialité, de traitements de leurs préoccupations dans des structures appropriés, et des personnes professionnelles (juges arbitres) partageant le même jargon. Aussi, l’arbitrage@ est né et a vu ses premières pratiques en Algérie depuis une trentaine d’années, mais n’a pas connu le niveau qu’il méritait.

Cependant, ce mode a connu des limites de par le monde et la médiation moderne s’est positionnée en compétitivité, et non en concurrence, pour assurer la diligence de traitement des différends, minimiser les coûts, simplifier les procédures, améliorer le dialogue et la négociation entre les parties et favoriser l’émission de la décision de règlement du différend/litige/contentieux de la pure volonté des parties, accompagnés par leurs conseils, au besoin.

La médiation judiciaire est reconnue en Algérie depuis 2008 par un texte légal, et la règlementation légiférant la médiation conventionnelle ne saurait tarder davantage puisqu’un projet de loi est en enrichissement après sa proposition au Parlement.

Cette démarche permettra à l’Algérie non seulement de se mettre à niveau à l’international à l’instar de la société internationale, notamment avec les projets économiques en matière de promotion des investissements locaux et étrangers, mais aussi être présente aux enjeux économiques.

Nous citons en matière de médiation commerciale internationale la convention des Nations-Unies sur les accords de règlement internationaux issus de la médiation, communément baptisée « LA CONVENTION DE SINGAPOUR » adoptée à la 60e Session de l’Assemblée générale des Nations par la résolution 73/198 du 20.12.2018 dont l’entrée en vigueur était à partir du 12 décembre 2020.

De son côté, la Chine a lancé son projet « OIMed » Organisation Internationale pour la Médiation, et le Ministre Chinois des Affaires Etrangères a clairement, dans son allocution du 16 février 2023, lors de la cérémonie d’inauguration du bureau préparatoire de l’Organisation Internationale de Médiation, lancé une invitation à la communauté internationale pays en développement et développés pour adhérer à la réalisation des quatre objectifs qu’il a étalés en matière de MARD.

Les efforts de l’Algérie ne sont pas en reste pour le développement des MARD dans le domaine économique pour atteindre ses défis, nous citons les tout derniers à savoir :

– l’instauration des MARD dans les conflits collectifs de travail, par décret exécutifn°23-363 s’inscrit dans le cadre de l’application des dispositions de l’article 40 de la loi n°23-08 du 21 juin2023.

– la consécration du droit aux MARD pour les investisseurs locaux et étrangers par des articles au nouveau code de l’investissement.- la création de la haute commission de recours liés à l’investissement par décret présidentiel.

– l’installation le 18.03.2024de la haute commission de recours liés à l’investissement par Monsieur le Président de la République.

Il y a lieu aussi, de citer les activités des organismes institutionnels et organismes non gouvernementaux, tel que :

– le CCMA, Centre de Conciliation, de Médiation et d’Arbitrage au niveau de la CACI (Chambre Algérienne de Commerce et d’Industrie)œuvrant dans le domaine des MARD, depuis 2003.

– l’AAMARD, Association Algérienne des Modes Alternatifs de Règlement de Différends, créée le 25.01.2024 par une élite consciente du projet et de l’utilité de contribuer aux démarches, dans la limité du droit privé, puisque les activités de droit international publique est du ressort du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté établie à l’étranger et son réseau de chancellerie.

Le souhait est que l’agrément soit validé, pour entamer les activités en attente de lancement.

Par ailleurs, le paysage associatif algérien a connu, également, la création des associations dont les activités sont consacrées au développement de la médiation.

Nous citerons :

– UNMJA, l’Union Nationale des Médiateurs Judiciaires Algériens, en 2012.

– OADPM, l’Organisation Algérienne pour le développement et la Promotion de la Médiation, en 2024.

En perspective et comme c’est le travail de tous et l’intérêt est général, il est impératif de prioriser le sujet en raison de ses retombés positives et son impact socio-économique, tant sur le plan national qu’international, et ce, en toute diligence tout en veillant à la cohérence des démarches d’application entre les acteurs des stratégies à concevoir.

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