Lysa Bélaïcha, élue municipale au Québec : « La diaspora n’attend qu’une ouverture pour servir l’Algérie »

Lysa Bélaïcha fait partie des plus jeunes élus municipaux au Québec ! Originaire de Tizi-Ouzou, cette conseillère au sein de la Ville de Longueuil (rive Sud de Montréal) a été récipiendaire du Grand Prix Jeune Potentiel – 2022 de la prestigieuse Fondation Club Avenir (FCA).  Depuis son jeune âge, elle ne cesse de s’impliquer localement sur le plan politique et aussi associatif.  « Je dis souvent que mon lieu de naissance a eu une influence dans ma volonté à contribuer à la politique et à améliorer la société dans laquelle je vis » nous explique-t-elle dans cet entretien. Écoutons-la.

Entretien réalisé à Montréal
par Salah Benreguia

Ecotimes : De prime abord, pouvez-vous vous présenter ?

Lysa Bélaïcha : Je m’appelle Lysa Bélaïcha, j’ai 23 ans. Je suis née à Tizi-Ouzou. Mes parents ont immigré au Québec lorsque j’avais 3 ans. Depuis, j’ai vécu toute ma vie à Longueuil, une ville sur la rive sud de Montréal.

J’ai obtenu un diplôme d’études collégiales en Sciences humaines profil Justice et société, au Collège de Maisonneuve. J’ai ensuite fait des études à l’Université McGill en Sciences politiques et Études québécoises.

Lorsque j’étais au secondaire, j’étais impliquée comme représentante des élèves sur le Conseil d’établissement de mon école, sur lequel siège des enseignants, des parents d’élèves, du personnel scolaires et des membres de la direction.

Ensuite, je me suis impliquée dans un organisme communautaire, la Maison Kekaprt, où j’ai occupé les fonctions de représentante des jeunes sur le Conseil d’administration avant d’en devenir la présidente.

À l’âge de 19 ans, j’ai été recrutée par l’ancienne députée de la circonscription de Marie-Victorin, aujourd’hui mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, pour être attachée politique responsable des dossiers communautaires ; un emploi que j’ai occupé à temps partiel puisque j’étais toujours à l’université. En 2021, je me suis présentée aux élections municipales à Longueuil pour devenir conseillère de ville.

Le résultat de l’élection a été favorable à ma candidature et depuis, je fais partie des plus jeunes élus municipaux au Québec. Je suis responsable associée aux dossiers qui touchent l’environnement et la lutte aux changements climatiques ainsi qu’à la jeunesse. 

Vous faites partie des plus jeunes élus dans la province du Québec. Quels sont les facteurs qui ont amené à vous impliquer en politique ?

Je dis souvent que mon lieu de naissance a eu une influence dans ma volonté à contribuer à la politique et à améliorer la société dans laquelle je vis. Certes, mes parents ont quitté l’Algérie lorsque j’avais 3 ans et certains diront que c’était trop jeune pour réellement savoir ce qu’est l’Algérie. Toutefois, mes parents nous prenaient, mon frère et moi, passer un été sur deux en Algérie.

Si ce n’était pas pour des raisons financières, nous aurions sans doute passé tous nos étés là-bas. Ayant eu cette chance de connaître l’Algérie et ma famille qui y vit toujours, j’ai développé un intérêt et une curiosité à comprendre pourquoi nous ne vivons pas de la même manière au Québec et en Algérie. Je posais beaucoup de questions et je voulais comprendre pourquoi nous étions partis. J’ai été capable de parler dès mon très jeune âge et comme mes parents avaient 43 ans lorsque je suis née, j’ai toujours été entourée de personnes beaucoup plus âgées que moi. Forcément, les sujets de discussion dépassaient largement le niveau d’une enfant et ensuite, d’une jeune fille.

Lorsque je posais des questions, j’avais toujours les réponses qui reflètent la réalité. J’étais très intéressée par la période coloniale, la guerre d’Algérie, le printemps berbère et la décennie noire. Des périodes qui ont marqué l’Algérie d’aujourd’hui et qui ont, en quelques sortes, entrainé l’immigration de ma famille et donc, ma vie au Québec. 

Un autre élément a beaucoup influencé mon intérêt pour la politique : le rap français. Depuis l’âge de 8 ans, j’écoute ce style de musique qui, pour moi, est une forme de politique.

Le rap dénonce beaucoup d’injustices sociales et j’ai été sensible à la réalité que décrivent les rappeurs dans leurs textes. Lorsque j’étais adolescente, je voulais devenir rappeuse et cette envie m’a amené à la Maison Kekpart, organisme qui a été le tremplin vers mon engagement en politique. C’est là que j’ai été sensibilisée à différents enjeux sociaux et que j’ai fait les rencontres qui m’ont permis d’occuper aujourd’hui la fonction d’élue municipale. 

Vous êtes originaire de Tizi-Ouzou et vous êtes très active au sein du milieu associatif à Longueuil (Québec). Quel regard portez-vous sur la vie associative en Algérie ?

J’avoue que je ne suis pas très informée sur la vie associative en Algérie. Je sais qu’il y a de nombreuses personnes qui s’impliquent, s’engagent et militent pour différentes causes, mais je ne connais pas assez la réalité de la vie associative en Algérie pour me prononcer ou avoir un avis tranché sur le sujet.

La perception que j’aie, tout de même, est que les associations, par exemple de femmes ou d’étudiants qui se regroupent pour défendre des droits ou exprimer des besoins, n’ont pas le même pouvoir d’influence auprès des instances décisionnelles, qu’elles soient politiques ou juridiques, contrairement à ce qui peut se faire au Québec.

La vie associative est pourtant une des meilleures manières de pouvoir faire avancer les choses dans une société puisque les personnes qui rejoignent les associations sont les mieux placées pour connaitre et comprendre les besoins des individus qu’elles représentent. 

Quels conseils donnez-vous aux jeunes Algériens, désireux de se lancer, ici au Canada, dans la vie politique ?

Le seul conseil que je peux leur donner est de foncer. Il y a de la place pour nous. Le Québec et le Canada sont des sociétés dans lesquelles on donne les opportunités et la chance à ceux qui veulent réussir. Lorsqu’on travaille dur, qu’on y met l’énergie et la détermination nécessaire, on peut réussir en politique, comme dans n’importe quel autre domaine.

Avec l’expérience que j’ai acquise dans les 2 dernières années, je veux aussi dire aux jeunes et moins jeunes, qu’ils soient algériens ou pas, que je serai toujours disposée à les conseiller et les guider dans les débuts de leur engagement politique. Je crois que c’est la moindre des choses que l’on puisse faire lorsqu’on a l’opportunité de vivre cette expérience. 

On parle beaucoup, ces temps-ci, de la diaspora algérienne vivant à l’étranger, et de ses capacités à donner un plus aux efforts de recherche et de développement déployés en Algérie. Concrètement, quel apport pourrait donner cette diaspora à l’Algérie, un pays qui a toujours besoin de ses enfants ?

S’il y avait une ouverture à ce que la diaspora contribue au développement de l’Algérie, je pense que plusieurs de ses membres lèveraient la main pour contribuer à cet effort. Avec le niveau de scolarité et les compétences acquises un peu partout dans le monde, il est évident qu’on trouverait des personnes qui seraient volontaires pour contribuer à l’avancement de l’Algérie dans leur domaine respectif.

Plusieurs d’entre nous sommes toujours très attachés à l’Algérie. Je crois toutefois que la difficulté pour la diaspora algérienne, surtout la jeunesse, à contribuer au développement de l’Algérie, réside dans deux choses. La première est la difficulté à avoir l’information sur ce qui se déroule en Algérie et la manière dont on pourrait contribuer à un quelconque effort qui serait significatif. L’autre réside dans la barrière de la langue.

Il est difficile pour certains de comprendre et de lire l’arabe, langue dans laquelle plusieurs communications sont faites et plusieurs informations importantes sont écrites. Je crois que ce n’est pas la volonté qui manque pour la diaspora, mais plutôt les opportunités de pouvoir le faire. 

S.B.

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