Les feux de forêts et leurs conséquences dévastatrices défrayent à nouveau la chronique en ce moment où l’incendie qui a ravagé près d’une dizaine de milliers d’arbres fruitiers et des dizaines d’hectares de couvert végétal dans la wilaya de Mila n’a pu être maîtrisé qu’hier matin, a indiqué le commandement de la Protection civile, mais aussi une année après le déclenchement le 9 août 2021, des gigantesques feux qui ont détruit une centaine de millier d’hectares dans plusieurs régions du pays et dont les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa en gardent encore les séquelles.
Par Mohamed Naïli
Si plusieurs voix se sont élevées pour évoquer le manque de précautions et de vigilance lorsque, l’an dernier, plusieurs localités ont été surprises par des départs de feu sporadiques dans un contexte où le réchauffement climatique ne cesse de confirmer sa présence, qu’a-t-on fait durant cette année pour éviter justement la réédition du désastre de l’été 2021?
Depuis le début de la saison estivale en cours, en effet, les regards sont braqués sur les services dont la mission principale est la protection du patrimoine forestier et la lutte contre les incendies de forêts, à savoir la Direction générale des forêts (DGF) et la Protection civile, mais aussi sur l’ensemble de l’administration publique avec ses démembrements locaux, pour mesurer la portée des mesures prises en la matière.
Sur ce plan, la mobilisation semble générale et étendue à divers niveaux, et les moyens de prévention et de lutte mis en place tranchent clairement avec les méthodes, presque symboliques, utilisées durant les années précédentes.
Ainsi, au plus haut niveau de l’Etat, le dispositif national de lutte contre les incendies, tel que présenté par la DGF, est conçu sous forme d’un plan organisationnel comprenant au niveau central une Commission nationale de protection des forêts (CNPF) et dont la présidence revient au ministre de l’Agriculture et du Développement rural. Celle-ci est composée de représentants de 13 ministères, dont l’Intérieur et les collectivités locales, les Ressources en eau, l’Environnement et la transition énergétique, ainsi que 11 institutions nationales en relation avec la protection des forêts.
Au niveau des régions, la Commission nationale en question est dotée de prolongements comprenant des Comités opérationnels à travers une quarantaine de wilayas, dont la mission est «la coordination des opérations et la mobilisation des moyens de lutte sur le territoire de chaque wilaya», tandis qu’au niveau municipal, il a été procédé dans le cadre de ce plan à l’installation de plus de 1.300 comités opérationnels communaux ayant un rôle de coordination des actions de lutte, en mobilisant les moyens nécessaires ainsi que plus de 2.300 comités de riverains, où sont impliquées des populations locales des zones rurales et forestières dont le rôle est primordial dans la prévention des feux de forêts, la sensibilisation, l’alerte et la première intervention sur les foyers de feux.
Entre 15 et 19 millions de dollars de pertes annuelles
Sur le plan matériel et humain, le plan de prévention et de lutte contre les incendies comprend la mobilisation de moyens supplémentaires pour plus de réactivité et d’efficacité. La Protection civile a fait état à cet égard d’une dizaine de milliers d’agents de différentes catégories, le renforcement des colonnes mobiles par du matériel roulant, dont plus de 300 camions citernes de différentes capacités, plus de 2.000 équipements de communication VHF et 3.300 pompes dorsales. Ceci au moment où, au niveau du gouvernement, des négociations sont en cours pour l’acquisition de moyens de lutte aériens, dont des bombardiers à eau et canadairs.
Au volet législatif, cette année a été marquée aussi par la préparation d’une nouvelle loi portant régime général des forêts qui, à travers de nouvelles dispositions qui y sont introduites, permettra de changer le rapport du citoyen avec l’espace forestier en comblant les vides qui caractérisent l’ancienne loi de 1984, tout en permettant une exploitation économique de ces espaces mais en donnant un caractère obligatoire à leur protection.
Pour le chercheur spécialiste en économie agricole Omar Bessaoud, «les exploitants agricoles qui sont riverains des forêts, maquis et broussailles, doivent être davantage formés et mobilisés dans l’entretien et la surveillance de ces espaces afin de prévenir les incendies. La participation des institutions coutumières (tajmaât), des associations de villages, des organisations professionnelles agricoles, de la Chambre de l’agriculture, des producteurs locaux et de leurs associations contribue au renforcement des plans de prévention».
Au-delà des dégâts de l’an dernier et du nouveau dispositif mis en place dès cette année, il est nécessaire de garder à l’esprit que le phénomène des feux de forêts, devenu parmi les catastrophes les plus récurrentes, notamment dans le bassin méditerranéen, engendre des pertes annuelles ayant un coût colossal. Dans son «rapport de suivi de la situation économique en Algérie», rendu public en octobre 2021, la Banque mondiale a évalué les pertes annuelles dues aux feux de forêts entre 15 et 19 millions de dollars en Algérie.
M. N.