En Algérie, le nouveau dispositif juridique ( loi 22-18 du 24.07.2022, J.O N° 50 du 28.07.2022) semble prendre la mesure des attentes légitimes des investisseurs, par l’instauration de règles protectrices et facilitatrices que l’on retrouve aussi bien dans la législation interne que dans les traités bilatéraux signés et ratifiés par l’Etat algérien.
Nous essaierons, à travers cet article, d’examiner l’arsenal légal mis en place par le législateur : nous n’aborderons pas, ici, les garanties relatives à la stabilité de la loi et les différents recours, aussi bien administratif que judiciaire, qui feront l’objet d’une contribution ultérieure, au regard de son importance. Pour ce faire, nous tenterons d’être, quelque peu, objectif en y apportant des outils d’analyse réflexive. L’exercice est délicat tant il est difficile de parler de choses dans lesquelles nous sommes impliqués émotionnellement. Il y a dans notre réflexion une once de subjectivité, nous l’assumons.
Par Lies Hamidi
Docteur d’Etat en Droit
Directeur de l’IDEG
La loi nouvelle consacre le chapitre 2 aux garanties et obligations inhérentes à l’investissement, en veillant au respect, par l’investisseur, de la législation en vigueur et des normes relatives, notamment, « à la protection de l’environnement et à la transparence des informations comptables, fiscales et financières ». Ainsi, pour l’essentiel, les clauses de protection qu’on retrouve dans les traités bilatéraux sont reprises par la loi interne : clause de traitement national, clause de garantie de transfert des investissements ,des bénéfices et des dividendes, clause de stabilité de la loi et d’intangibilité des droits acquis, clause de protection des droits de propriété intellectuelle(…),sont autant d’instruments dont dispose l’investisseur, aujourd’hui, pour asseoir son investissement. Nous tenterons d’analyser, à cette fin, tour à tour les principales clauses de garantie dont se prévaut la loi 22-18 relative à l’investissement :
Le transfert des investissements et des revenus qui en découlent (article 8 / loi 22-18)
Selon l’article 8, les investissements réalisés à partir d’apports en capital sous forme de numéraire, importés par le canal bancaire bénéficient de la garantie de transfert du capital investi et des revenus qui en découlent. Les réinvestissements en capital des bénéfices et dividendes déclarés transférables, sont admis comme apports extérieurs. Cette garantie de transfert s’applique également aux apports en nature à condition qu’ils soient d’origine externe et qu’ils fassent l’objet d’une évaluation. Enfin, la garantie de transfert porte aussi, sur les produits réels nets de la cession et de liquidation des investissements d’origine étrangère, même si leur montant est supérieur au capital initialement investi. En cas de cession totale de l’investissement, objet de transfert, le repreneur s’engage à honorer toutes les obligations prises par l’investisseur cédant. Il est bon de rappeler, cependant, que le seuil minimum de financement d’origine étrangère, pour la garantie de transfert, est fixé à 25 °/° du coût total de l’investissement (décret exécutif N° 22-300 du 08.09.2022 fixant les seuils de financement pour le bénéfice de la garantie de transfert, J.O N°60 du 18.09.2022).
Le transfert est un élément vital en droit international des investissements. A cet égard, il est important pour le pays d’accueil d’instaurer une législation claire et de respecter les engagements pris.
C’est à la Banque d’Algérie, à travers ses règlements qu’est dévolue la délicate mission de garantie des opérations financières, s’agissant « des modalités de transfert des dividendes, bénéfices et produits réels de la liquidation des investissements étrangers réalisés ».
En effet, les établissements financiers, selon le règlement N° 05-03 du 6 juin 2005 de la Banque d’Algérie, relatif aux investissements étrangers, sont habilités à instruire les demandes de transfert au titre des dividendes, des bénéfices, des produits de la cession des investissements étrangers ainsi que celui des jetons de présence et tantièmes pour les administrateurs étrangers. Le règlement a été suivi de l’instruction N°01-2009 du 15 février 2009 de la Banque d’Algérie, relative au dossier en appui de la demande de transfert des revenus et produits de cession des investissements étrangers :elle énumère les documents nécessaires à l’opération de transfert (ex : copie conforme du PV fixant les montants de jetons de présence pour les administrateurs, copie du PV de l’assemblée générale des actionnaires ou des associés ayant statué sur la cession ou la liquidation partielle, objet du transfert….).
Le traitement national (article 3/loi 22-18)
L’article 3 de la loi consacre la transparence et l’égalité dans le traitement des investissements. Selon ce principe, l’investisseur étranger reçoit le même égard que le résident du pays d’accueil : le premier recevant un traitement similaire à celui dont peut se prévaloir le second.
Le traitement national trouve également son ancrage dans les conventions bilatérales ou multilatérales signées et ratifiées par l’Algérie : un investisseur étranger peut se référer à la convention de protection réciproque des investissements pour revendiquer un traitement égal à celui réservé à l’investisseur national.
Outre le principe du traitement national, la clause de la nation la plus favorisée permet à un investisseur, dépendant d’un pays lié par un accord de protection des investissements, de réclamer des droits similaires à ceux d’un autre Etat signataire d’un traité bilatéral de protection de l’investissement. Ainsi par exemple, la convention entre l’Algérie et le Koweït (décret présidentiel N° 03-370 du 23.10.2003 J.O N° 66 du 02.11.2003) accorde aux parties contractantes un traitement non moins favorable que celui qu’elle réserverait à ses propres investisseurs ou aux investisseurs d’un Etat tiers. Le traitement le plus favorable s’appliquera, dans ce cas. De même, l’accord franco-algérien (décret présidentiel N°94-01 du 02.01.1994, J.O N°01 du 02.01.1994) applique aux investisseurs de chacune des parties contractantes un traitement identique à celui qu’elle accorderait à un pays tiers : c’est la clause de la nation la plus favorisée qui est mise en mouvement, dans le cadre de cet accord.
Enfin, l’investisseur peut tirer profit de la norme juridique issue des instruments légaux nationaux et/ou internationaux pour affirmer ses droits : législation nationale, conventions bilatérales, conventions multilatérales, protection diplomatique(…).
La réquisition par voie administrative (article 10 /loi 22-18)
Conformément à l’article 10, l’investissement réalisé ne peut faire l’objet de réquisition par voie administrative que dans les cas prévus par la loi. Cette réquisition donnera lieu à une indemnisation juste et équitable. Il s’agit, ici, d’une intervention exceptionnelle de l’Etat, face à une situation dérogatoire au droit commun : y sont mêlés ordre public et état de nécessité. Qu’il s’agisse de réquisition, de nationalisation ou d’expropriation, tous ces termes englobent l’idée de privation de droits de propriété. Les conventions multilatérales et le droit international contiennent l’obligation d’indemniser tout investisseur ayant fait l’objet de réquisition par voie administrative. Les conventions bilatérales, quant à elles, prévoient toutes une indemnisation juste et équitable, basée sur la valeur des investissements et plus généralement sur la valeur totale des biens requis, expropriés ou nationalisés. Les conventions d’investissement multiplient des formules diverses pour qualifier l’acte privatif de propriété et la réparation qui en découle. Ainsi à titre d’illustration, selon l’accord d’investissement franco-algérien précité, les mesures qui pourraient être prises et dont l’effet est de déposséder, « donnent lieu à une indemnisation adéquate et effective dont le montant sera calculé sur la valeur réelle des investissements concernés ».L’indemnité versée, alors, est librement transférable.
La protection des droits de la propriété intellectuelle (article 9/loi 22-18)
L’Etat garantit la protection des droits de propriété intellectuelle, conformément à la législation en vigueur.
Hormis les droits des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques, la protection des droits de la propriété intellectuelle a trait, en ce qui concerne notre sujet, à l’innovation et les produits innovants (modèles industriels, dessins et brevets…).Le but recherché étant l’implication de l’autorité normative dans la protection des investisseurs, dont la création résulte d’une activité inventive et qui opèrent dans la recherche développement. Les droits de la propriété intellectuelle facilitent le transfert technologique et encouragent la coopération entre Etats (investissements directs étrangers ou en partenariat et autres concessions de licence).
Au total, malgré tous les efforts accomplis par les pouvoirs publics, visant à accélérer les échanges mondiaux et la liberté des mouvements de capitaux, l’Algérie reste encore trop dépendante des hydrocarbures. De nos jours, les investissements étrangers constituent un relais essentiel dans la diversification des exportations. L’apport extérieur, dans les activités économiques de biens et services, concourt au développement des secteurs à forte valeur ajoutée. Mais pour ce faire, l’entrepreneur a besoin de sécurité juridique et de stabilité législative. Le désordre juridique dissuade les potentiels investisseurs et fait fuir les plus téméraires d’entre eux. La jungle des textes promulgués (la valse, à plusieurs temps, des lois de finances et des lois de finances complémentaires) rebutent plus d’un et déroutent les plus grands spécialistes du droit. L’autre point de distorsion est le phénomène bureaucratique. La bureaucratie, ce poison des temps modernes, cet ennemi économique et endémique constitue un frein au développement, à l’efficience et à la prospérité. Et aux investisseurs de rappeler la rigidité de l’administration, source d’accaparement de pouvoir et obstacle au progrès social. D’aucuns préconisent une « humanocratie » à la place de la « bureaupathologie ». A ce sujet, le Président de la république n’a cessé de dénoncer ce monstre hideux qu’est la bureaucratie. En ordonnant aux différentes instances administratives de lever les contraintes qui entravent l’investissement, le chef de l’Etat a sauvé des milliers d’emplois et fait le bonheur de nombreuses familles. En témoigne, « la libération » de centaines de projets des bras de la pieuvre bureaucratique, des potentats et autres forces contrariantes (861 projets débloqués et plus de 34000 emplois créés: communiqué du conseil des ministres du 8 mai 2022).
Au final, il est temps de considérer les investisseurs comme une source de richesse et de prospérité, pour peu qu’ils respectent les règles du pays d’accueil et qu’ils agissent avec clarté et transparence. Quant à nous, nous appelons de nos vœux les plus chers, le triomphe de l’intérêt général sur les intérêts étroits et étriqués : une révolution mentale est nécessaire au sursaut créatif et à l’épanouissement de la société.
L. H.