La flambée des prix des produits de large consommation (lait, céréales, riz et légumineuses) sur les marchés mondiaux a poussé le gouvernement à la révision de sa stratégie concernant la gestion du commerce extérieur. En effet, la décision prise en avril 2022, relative à l’exclusivité d’importation de ces produits par les offices publics, à savoir l’OACI et l’ONAB, entre désormais en vigueur.
Par Akrem R.
Une mesure jugée nécessaire par le gouvernement, notamment, face à l’absence d’information statistique et économique de la part des opérateurs privés. Selon un conseiller au ministère du l’Agriculture, en l’occurrence, Tria Miloud, « ces décisions visent, en premier lieu, à mettre un terme à l’importation anarchique et massive et, également, à la maitrise des coûts». L’Algérie, rappelle-t-on, débourse, annuellement, près de 10 milliards de dollars pour l’importation de produits agricoles ! C’est énorme, dira t-il, d’où la nécessité de revoir la politique actuelle.
Pour illustrer ses propos, Tria Miloud qui s’exprimait sur les ondes de la radio nationale « Chaîne III », a fait savoir que « nous importons quelques 3,5 millions de quintaux de légumineuses, alors que nous avons un stock de deux années, issu de la production nationale que nous n’arrivons pas à écouler ! Ainsi, cette quantité importée représente deux fois nos besoins de consommation». Il a fallu attendre la crise sanitaire de la Covid-19 et la flambée des prix sur les marchés mondiaux pour «commercialiser notre production locale à des prix variant entre 100 à 120 DA/kg pour le pois chiche et lentilles, par exemple».
300 millions de dollars pour les légumineuses !
Ceci, donc, conforte la décision du gouvernement. Selon des chiffres officiels, 300 millions de dollars sont consacrés annuellement pour l’importation des légumineuses ! À cet effet, estime le conseiller au ministère de l’agriculture, « il est temps de mettre un dispositif et un outil de régulation pour préserver nos ressource en devises et préserver la production nationale, d’autant plus que le Plan d’action du gouvernement (2021-2024) a tracé une feuille de route pour la relance des filières stratégiques». En somme, la décision a été prise pour renforcer la mission des offices de l’Etat dans la régulation des prix et pour faire face aux perturbations sur les marchés mondiaux. D’ailleurs, pour certains produits, à l’instar du blé et riz, même avec vos moyens financiers, « vous ne pouvez pas avoir les quantités souhaitées». La production nationale en légumineuses, affirme-t-il, couvre 40% de la demande nationale et, avec l’augmentation des superficies qui sont passées de 80 000 ha en 2021 (800 000 quintaux) à 120 000 ha, « nous nous attendons à une augmentation de la production et à couvrir 60% de la demande nationale». En clair, dorénavant, « nous allons recourir à l’importation pour combler le déficit du marché local», indique-t-il. En outre, l’intervenant a expliqué que l’OACI ne va pas remplacer les industriels. D’ailleurs, un dispositif d’achat pour les minuteries et transformateurs de ces produits est prévu. « Aujourd’hui, l’OACI a toutes les capacités pour approvisionner le marché. Il n’y aura aucune crainte », rassure Tria Miloud.
Plus de 20 000 tonnes de viande pour le ramadhan
Concernant les viandes rouges et blanches, dont les prix sur le marché local ont atteint des niveaux record, le conseiller au ministère de l’Agriculture a fait savoir que des mesures urgentes ont été prises par les pouvoirs publics afin de stabiliser les prix. Il a annoncé le recours à l’importation d’appoint de plus de 20 000 tonnes de viande rouge pour ce mois de ramadhan. Cette viande (hallal) importée de l’Amérique latine, notamment du Brésil, sera commercialisée à 1200 DA/kg au niveau de 540 points de vente à travers le pays. Des conventions, également, seront signées avec des opérateurs privés (grandes surfaces de la distribution, grossistes et autres) pour la commercialisation de cette viande, selon un cahier des charges bien défini.
S’agissant des raisons de cette flambée des prix des viandes locales, le même responsable a pointé du doigt la spéculation, en notant que le prix du revient est estimé à 1000 DA, alors que sur le marché, il est à 2000 DA/kg ! A cela, s’ajoute la contrebande et un déficit en matière de contrôle au niveau des marchés à bestiaux, au nombre de 254, dont seulement 56 d’entres eux sont sous contrôle. Des mesures seront prises une fois les résultats du recensement du cheptel finalisés et étudiés.
S’agissant de la viande blanche, le représentant du ministère de l’Agriculture a pointé du doigt, également, le phénomène de la spéculation. Sinon, s’interroge-t-il, comment expliquer la hausse des prix à 100 DA en 24 heures ?! Il y a, certes, la hausse des prix du mais et du soja sur le marché mondial, mais rien ne justifie cette hausse, explique-t-il.
Le poulet plafonné à 350 DA/kg
C’est pour cela, que le ministre de l’Agriculture a ordonné à l’ONAB de plafonner son prix à 350 DA/kg pour le poulet frais. « Nous attendons à ce que les producteurs privé s’alignent sur ce prix équitable pour les producteurs et les consommateurs». Cet office va renforcer son rôle dans la fabrication d’aliment du bétail, dont ses parts sont estimés à 10% actuellement, et à mettre sur le marché, pour au moins couvrir 50% de la demande nationale. Même chose pour la production du poulet. Actuellement, sa part du marché est de 15% !
« Il y a, également, des discussions avec les privés. Nous sommes en, en effet, en pourparlers avec des grands producteurs pour augmenter leur production et adhérer à la politique du l’Etat», souligne-t-il. Le privé contribue avec une production de 40 000 à 50 000 tonnes mensuellement. D’autres mesures seront prises, d’autre part, pour protéger les petits éleveurs et également pour renforcer le rôle de l’ONAB qui agit en régulateur.
A. R.