Après l’Italie qui a réussi à tirer son épingle du jeu, en scellant avec l’Algérie, en avril dernier, un accord qui lui permettra d’augmenter ses approvisionnements en gaz de plus de 9 milliards de m3, dès 2023-2024, c’est au tour de la compagnie française Engie d’ouvrir des discussions avec Sonatrach, à l’issue de la visite que vient d’effectuer le week-end dernier Emmanuel Macron à Alger, pour augmenter de 50% les livraisons en gaz algérien vers l’Hexagone. Entre temps, l’Espagne de Sanchez ne sait que faire, surtout qu’elle dépend grandement du gaz algérien.
Par Mohamed Naïli
Si, à la faveur de leurs accords respectifs avec l’Algérie, ces deux pays de la rive nord de la Méditerranée sont sur le point de se mettre à l’abri des tensions sur le gaz russe à l’approche de la saison hivernale, ces nouveaux deals ne font pas que des heureux dans le sud de l’Europe. Du côté de Madrid en effet, la tendance est visiblement aux «regrets», en venant de se rendre compte des «ratages» que leur fait subir le gouvernement Sanchez.
Pis encore, la péninsule ibérique regrette non seulement ne pas pouvoir bénéficier de volumes supplémentaires de gaz, dont la machine économique du pays exprime des besoins pressants, mais s’apprête aussi à payer une facture conséquente à Sonatrach, suite à la décision de la société nationale de revoir à la hausse les tarifs de son gaz à compter du mois de janvier dernier.
Sous le titre : «l’Algérie signe une alliance avec la France tout en maintenant le blocus commercial et diplomatique contre l’Espagne», le quotidien madrilène El Mundo ne cache pas ce sentiment de déception et de regret qui plane sur la péninsule, en faisant constater que «le président algérien signe cinq accords avec Macron et Sanchez devient le seul leader européen de la Méditerranée persona non grata à Alger», tout en rappelant ce statut «de la première puissance énergétique du Maghreb» de l’Algérie.
Le journal en ligne, parmi les plus influents en Espagne, Vozpopuli, lui, évoque dans son édition d’hier que la «nouvelle alliance entre la France et l’Algérie intervient quatre mois après l’accord entre l’exécutif dirigé par Abdelmadjid Tebboune et le Premier ministre italien, Mario Draghi, sur un contrat supplémentaire d’achat de gaz et de pétrole. Ensuite, le chef de l’Etat algérien a avoué sa préférence pour l’Italie face à l’égoïsme de l’Espagne».
De son côté, le média Atalayar a donné la parole hier sur son site à l’analyste en géopolitique et spécialiste du Maghreb et de l’Afrique, Pedro Canales, qui, dans sa lecture des résultats de la visite d’Emmanuel Macron à Alger, estime que, «compte tenu du climat dans lequel elle intervient, c’est une visite de très haut niveau, avec des objectifs ambitieux», tout en exprimant le regret, mais sans l’avouer ouvertement, que le président français n’ait pas évoqué à Alger la réouverture du gazoduc Midcat, qui, est-il utile de rappeler, est le prolongement du gazoduc reliant l’Algérie à l’Espagne Medgaz vers l’Europe centrale en passant par la France. Le président Macron est ainsi allé négocier l’augmentation des livraisons de gaz algérien vers l’Hexagone uniquement, estime-t-il.
Des accords gaziers qui font des envieux
En effet, le gouvernement, autant que les milieux économiques et politiques espagnols ont multiplié des appels au président français durant les quelques jours qui ont précédé sa visite à Alger, pour l’exhorter à tenter de «négocier» une augmentation des quotas de gaz pour l’Europe via le gazoduc Midcat. Néanmoins, il y a lieu de rappeler qu’avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine et l’apparition dans son sillage de la crise du gaz en Europe, suite aux tensions sur les approvisionnements en hydrocarbures russes, le gazoduc en question (Midcat) a déjà été à l’arrêt et la France n’a jamais eu comme ambition de l’activer.
Autant donc d’opportunités que Madrid est sur le point de perdre pour assurer sa sécurité énergétique, contrairement aux deux autres pays européens, en l’occurrence l’Italie et la France.
Intervenant dans le contexte que traverse actuellement l’Union européenne dans le domaine énergétique, le «partenariat stratégique renouvelé» signé entre Tebboune et Macron à l’issue de la visite de ce dernier à Alger est ainsi perçu à Madrid, selon El Mundo, comme une «suite à (l’alliance) conclue en avril dernier par le Premier ministre italien, Mario Draghi, également à Alger, accompagnée de la signature d’un contrat complémentaire d’achat de gaz et de pétrole».
Par ailleurs, ces pressions que subit Madrid quant à la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques, interviennent au moment où la compagnie pétrolière espagnole Naturgy semble s’apprêter à débourser la bagatelle de pas moins de 1,5 milliard de dollars pour payer des reliquats dus à la revalorisation des cours du gaz sur le marché mondial depuis le début de l’année en cours. Ainsi, pour ce qui est du gaz algérien livré à la péninsule ibérique, des sources proches du dossier ont fait état hier que les négociations ouvertes entre la compagnie espagnole et son fournisseur algérien, Sonatrach, sont toujours en cours mais sur le point de connaitre un dénouement. D’ores et déjà, avancent les même sources, le pétrolier espagnol Naturgy vient donc de mobiliser un budget spécifique de 1,5 milliard de dollars pour faire face aux incidences dues à cette revalorisation des prix du gaz, sans pour autant avancer de précisions sur la part que la société espagnole payera à Sonatrach, sachant qu’outre l’Algérie, l’Espagne se fait aussi approvisionner en GNL (gaz naturel liquéfié) par méthaniers depuis les Etats Unis, le Canada et autres pays pour compenser son déficit en la matière.
M. N.