Les transferts sociaux en hausse en 2024 : Le ciblage des subventions abandonné ?

Produits alimentaire

Photo : D. R.

Le ciblage des subventions n’est pas pour demain. Le gouvernement a, en effet, décidé de poursuivre sa politique sociale dans le but de préserver le pouvoir d’achat des Algériens. Une bonne chose pour faire face à la flambée des prix de plusieurs produits alimentaires de large consommation, notamment ceux issus de l’importation. Cependant, les transferts sociaux pèsent lourdement sur le budget de l’Etat, représentant plus de 19% du global des dépenses.

Par Akrem R.

D’ailleurs, pour l’année 2024, une somme colossale de 2895 milliards de DA sera consacrée à la subvention directe des produits alimentaires et autres services. Selon les précisions du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, 502 milliards de DA seront consacrés à la stabilisation des prix du sucre, d’huile de table, de la farine, la semoule et des légumes secs, 163 milliards à l’électricité et 313 milliards de DA au logement.

En fait, le chef de l’Etat, lui-même, a donné des orientations fermes pour la préservation et le renforcement du pouvoir d’achat des citoyens, lors de la réunion du Conseil des ministres d’avant-hier, dimanche.

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé, en effet, que le projet de loi doit préserver le pouvoir d’achat des citoyens, dans le contexte de la hausse des prix sur les marchés internationaux, suite à l’élargissement du cercle d’instabilité au niveau mondial. Il a ordonné, selon un communiqué de la Présidence, de consacrer un Conseil des ministres spécial pour débattre du PLF-2024 avec toutes précisions requises. 

«Le projet devant comporter toutes les décisions prises lors des réunions du Conseil des ministres, tant pour le volet social qu’économique, outre la préservation de la souveraineté du pays par le non recours à l’endettement», ajoute la même source.

Le président de la République a insisté sur «la priorité d’exécuter les projets à caractère stratégique pour dynamiser l’économie du pays, en tenant compte des fluctuations que connait le monde en cette conjoncture».

En termes clairs, la priorité du gouvernement sera de consolider davantage les acquis sociaux, tout en remettant ce dossier épineux qu’est le «ciblage des subventions» à plus tard. 

Pourtant, dans la Loi de finances 2022, les autorités avaient prévu de remplacer les subventions des produits par des aides directes aux foyers qui en ont le plus besoin. «La révision de l’aide sociale doit passer par un débat national auquel seront associés les syndicats», a par ailleurs précisé le président Tebboune.

Ceci nous amène à nous interroger sur les raisons du retard, voire, l’abandon de ce projet de réforme, à propos duquel les experts et les spécialistes ne cessent d’appeler à la mise en place d’un système de ciblage des subventions. 

La numérisation fait défaut 

Selon le Professeur Mourad Kouachi, enseignant universitaire et expert en économie, la principale contrainte pour la mise en place de ce système est liée en premier lieu au non parachèvement des opérations de la numérisation.

Il a expliqué, dans une déclaration accordée à notre journal, que la mise en place d’un tel système nécessite, au préalable, l’identification, avec exactitude, des couches vulnérables de la société.

«Jusqu’à présent, la numérisation est en retard. On ne connait pas avec exactitude les couches fragiles nécessitant une aide de l’Etat.  A cela s’ajoute, le problème de la sphère informelle. Beaucoup de personnes possèdent de grosses fortunes et des biens non déclarés. Peut-on dès lors les considérer comme nécessiteux ? C’est une autre contrainte», explique l’expert.

Et d’ajouter : «Je pense qu’il y a une crainte de la part du gouvernement quant à la réaction des citoyens, surtout en l’absence de mécanismes nécessaires pour aller vers le ciblage. Nous avons besoin d’abord d’un système numérique performant et moderne pour instaurer la justice sociale».

L’enseignant universitaire a estimé également que la conjoncture, marquée par une hausse généralisée des prix et une inflation galopante, n’est pas favorable à la mise en place d’un nouveau système de subvention. Les gens sont déjà mécontents de leur situation et les budgets sont sous pression, affirme-t-il.

Il faut relancer le projet 

En somme, la suppression du système de subvention direct est «une aventure dans les conditions actuelles et le gouvernement craint une réaction négative de la part des citoyens.

Pour sa part l’économiste Sellami Boubekeur, a indiqué dans une déclaration à la radio «Chaîne I» que 10% du budget réservé aux transferts sociaux directs n’est pas destiné aux personnes dans le besoin, mais à tous les Algériens avec le même niveau d’aide.

C’est injuste, dira-t-il. «Certes, la tache n’est pas facile, mais le gouvernement doit l’entamer au moins avec un ou deux produits pour passer ensuite à la généralisation du ciblage des subventions», souligne-t-il, en s’interrogeant sur l’état d’avancement de ce chantier de réformes.

«Nous n’avons pas assez d’informations sur le dossier pour connaitre les raisons du retard ou de l’éventuel abandon d’un projet qui va être bénéfique pour le pays, contrairement à ce que véhiculent certains politiciens ayant affiché leur opposition pour la fin des subventions générales», conclut-il.

A. R.

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