Des 7 principes de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), traités lors de notre précédente chronique, le principe de transparence constitue un outil d’analyse dans l’application de la norme 26000. En France, ce principe s’est traduit par le rapport RSE de performance extra financière. Il permet de mettre en avant un ensemble d’informations liées à la politique de développement durable de l’entreprise: aspects sociaux, économiques et environnementaux. Plus qu’une responsabilité sociale, qui traite des rapports entre individus (relations humaines), il s’agit d’une responsabilité sociétale. Celle-ci associe la dimension économique et les effets exercés sur la société et les mouvements sociaux.
À ce titre, une réglementation spécifique a été imposée à des sociétés, en combinant des éléments de taille et de volume d’affaires (entreprises de plus de 500 salariés et entre 40 et 100 millions de chiffre d’affaires). Différents textes législatifs et réglementaires (loi NRE de 2001, loi dite grenelle 2 de 2010, directive européenne 2014-951 UE de 2014, …) ont permis de soumettre d’autorité des sociétés cotées et non cotées à un reporting RSE, dans un souci de transparence et de respect des normes sociales et sociétales. Ladite réglementation figure depuis à l’article L 225-102-1 du code de commerce.
La commission européenne dans sa définition de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) intègre «les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans l’activité de l’entreprise (…)». Elle compte rendre obligatoire le rapport RSE à un plus grand nombre d’entreprises. Le dispositif s’appliquera, à l’horizon 2024, aux sociétés cotées et non cotées ayant un effectif égal ou supérieur à 10.
En Algérie, conformément aux dispositions du code de commerce, seuls les comptes sociaux sont déposés auprès de l’antenne locale du registre du commerce: compte de résultats, actif, passif. Selon la loi n° 04-08 du 14 aout 2004 relative aux conditions d’exercice des activités commerciales, le dépôt légal est obligatoire. Il a pour objet de faire connaitre aux tiers, les avis financiers et la santé patrimoniale de l’entreprise.
Cependant, les informations fournies, qui sont d’ordre comptable et financier, ne nous renseignent nullement sur l’engagement social et sociétal de l’entreprise, quand bien même celle-ci disposerait d’une assise financière solide et stable. La responsabilité sociétale repose sur un ensemble de pratiques liées au développement durable (social, environnemental et économique): la performance n’est pas que financière, elle ne saurait être davantage que bénéfice ou perte, pourrait-on dire !
La transparence est déterminante dans l’approche sociale et sociétale de l’entreprise
Le rapport RSE, appelé déclaration de performance extra-financière (non financial reporting), qui est un outil affiné de transparence de l’entreprise, permet de déterminer les facteurs d’évolution de celle-ci, à travers ses dimensions sociales et sociétales suivantes:
– Économiques et sociétales: liens avec les tiers (sous-traitance et fournisseurs), pratiques contractuelles loyales, impacts économiques, territoriaux (équilibre régional) et sociaux (populations aux valeurs ancestrales), mesures en faveur de la santé et de la sécurité des consommateurs …
– Environnementales: impacts positifs et négatifs sur l’environnement engendrés par une activité: rejets toxiques, émissions de gaz à effet de serre, respect de la biodiversité, changement climatique (…). La norme ISO 14001 qui associe une démarche d’impact environnemental (effets sur les milieux biophysique et humain), s’intéresse également à l’analyse du cycle de vie: la réalisation de projets entraine des perturbations ayant des effets multiples sur le milieu environnemental (grands barrages, déforestation, autoroutes) et le milieu naturel (communautés anciennes ayant leur propre mode de vie et des moyens de subsistance locaux appropriés).
– Sociales: égalité de traitement entre hommes et femmes, parité selon le genre, formation continue et actualisation de connaissances, respect des conventions internationales, notamment celles émanant de l’organisation internationale du travail (OIT), médecine de travail, santé et sécurité au travail, rémunération, insertion des personnes handicapées, conditions de travail …
Dans la perception de l’impact, les effets induits sont appréhendés différemment, selon que l’on s’adresse à l’individu (micro), au groupe (méso) ou à la société (macro).
À l’échelle micro, on retrouve la famille ou l’individu, au niveau méso, le groupe et l’environnement dans lequel il baigne (culturel, économique, social), sur un plan macro, la société dans sa globalité, élargie à l’humanité (les gaz à effet de serre et les émissions gazeuses atmosphériques ne connaissent pas de frontière).
Tous les aspects sociaux, environnementaux et économiques trouvent leur traduction dans l’examen des scandales alimentaires. La transparence nutritionnelle, qui domine notre réflexion, reste fondamentale chez des consommateurs méfiants et désabusés.
Avec les nombreuses indications sur la valeur nutritive alimentaire, comment fait-on pour déchiffrer les différentes catégories d’additifs désignés par des numéros de codes inintelligibles, accompagnés de noms chimiques effrayants? Entre les colorants (E100), les acidifiants (E500), les conservateurs (E200), les antioxydants (E300), les agents de texture (E400), les exhausteurs de goûts (E600) et les agents d’enrobage (E900), il y a de quoi perdre son latin et (…) sa santé.
Des centaines d’additifs ajoutés sans notre consentement
Allez donc vous retrouver dans ce maquis de chiffres et de lettres. De ce fait, des centaines d’additifs se retrouvent dans la fabrication des aliments et (…) dans nos assiettes, sans notre avis, encore moins notre consentement.
À titre d’illustration, dans la catégorie 600, le glutamate de sodium (E621), qui améliore le goût des aliments et qui est associé à presque tous les produits transformés, excite les cellules du cerveau et crée un effet de dépendance assimilable aux opioïdes (morphine, héroïne, …).
«Des quantités élevées de glutamate de sodium sont présents dans de nombreux produits populaires, y compris les frites, les boites de conserve ou encore les soupes instantanées (…). Un surdosage du E621, conduit à des vertiges, des migraines, des troubles visuels, un déséquilibre hormonal, des nausées, une faiblesse, des étourdissements, des douleurs thoraciques (…)» (Raph Hannon, le poison blanc le plus dangereux que vous consommez tous les jours, la gazette de Mémé 2018).
Face aux agissements dégradants des prédateurs de l’alimentation colorée et des mercenaires de la malbouffe, il est impératif que l’État intervienne de façon ferme, en imposant des règles de transparence alimentaire et d’outils d’analyse nutritionnelle.
Le consommateur considère, à juste titre, les références nutritionnelles fournies par le producteur ou le distributeur, trop complexes voire incompréhensibles. Dès lors, il souhaite avoir accès à des informations simples et aisées, au regard de ses connaissances alimentaires rudimentaires.
Pour ce faire, plusieurs systèmes d’étiquetage de nutrition sont proposés afin de raviver, peu ou prou, la confiance perdue. À cet égard, les indicateurs nutritionnels semblent être un bon moyen d’intéresser l’utilisateur et de reconquérir son adhésion. «Chaque consommateur peut et doit devenir expert de sa propre alimentation, connaître la subtilité de certaines valeurs et comprendre, (…) pourquoi un fruit mixé possède un Nutri-score A, quand ce même fruit, pressé cette fois-ci, aura un Nutri-score C» (Sandrine Doppler et Nathalie Hutter-Lardeau, Strip food, transparence alimentaire: des clés pour retrouver la confiance des consommateurs, 15 mars 2021).
Pour une restauration «du manger mieux pour vivre mieux»
Précisément, le Nutri-score qui est un système d’étiquetage à 5 lettres (A à E) et 5 couleurs (du vert au rouge) permet au consommateur de choisir les produits naturels et «d’acter son achat» en toute responsabilité. La lettre A (vert), par exemple, désigne l’aliment le plus sain, d’un point de vue de sa qualité nutritionnelle (teneur en fibres alimentaires, vitamines, valeur énergétique, antioxydants, minéraux, …). La lettre E (rouge) indique un aliment de moindre qualité nutritionnelle (teneur en sucre, graisses saturées, sel, …). Ainsi, à l’évidence, un produit transformé, assaisonné à l’huile d’olive et ail, obtient un meilleur score qu’un aliment préparé à base d’huile de friture industrielle. Le premier aura un score de A (vert), lorsque le deuxième se contentera du score D ou E (rouge): l’huile d’olive contribue à la prévention de maladies cardiaques, protège le cœur et entretient l’élasticité des parois artérielles. Ses vertus médicinales et ses bienfaits sur la santé, validés scientifiquement, ne souffrent aucune contestation. D’ailleurs, le régime méditerranéen appelé, aussi, régime crétois, alliant huile d’olive, semoule de blé dur et légumineuses, est particulièrement apprécié des pays du sud (Grèce, Italie, …): une restauration «du manger mieux pour vivre mieux», saine et végétarienne. De même, les berbères, autrefois, se nourrissaient, principalement, d’aliments d’origine végétale (lait, miel, fruits et céréales): ils étaient dotés d’une force physique remarquable, synonyme d’une nourriture bio et équilibrée. Aujourd’hui même, certains mets occupent une place de choix dans la culture culinaire berbère et s’identifient au patrimoine d’identité culturelle (le blé et l’orge sont fréquemment utilisés dans le couscous et la galette).
Et si, au total, le passeport santé est à rechercher du côté de nos ancêtres: osons la diététique locale ancestrale, variée et non transformée, on ne peut plus bénéfique pour notre bien-être.
Lies HAMIDI
Docteur en droit