Ces quelques dernières semaines, le pain, s’il ne se fait pas rare reste tout de même très recherché, et, à ce rythme, si les choses ne changent pas, il est à craindre très bientôt une forte pénurie. A l’origine de cette tension, chacun se rejette la faute. Le ministère affirme qu’il n’y a pas de pénurie de farine. Les associations des commerçants pointent du doigt les grossistes, coupables d’augmenter les prix sous diverses raisons, les minotiers expliquent, quant à eux, que le prix des céréales a augmenté sur les marchés mondiaux, en sus d’une forte majoration du prix du fret à cause de la pandémie.
Par Réda Hadi
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque de pain, à commencer par la farine. Peut-on alors parler de pénurie ? A ce stade de nos investigations, pas encore, mais celle-ci n‘est pas loin.
Pour beaucoup, le départ en congé des personnels des minoteries aurait accentué d’autant ce manque. Les boulangers dénoncent, pour leur part, la mainmise des spéculateurs qui profitent de cette crise pour imposer des prix déraisonnables. un point de vue partagé par Mustapha Zebdi, président de l’Apoce (Association algérienne de protection et d’orientation de consommateur et de son environnement) qui nous a confirmé que les grossistes sont derrière ce manque et l’augmentation des prix. Pour ce responsable associatif, « les revendeurs obligent les boulangers à accepter ces prix excessifs, qui ne sont en réalités que des pots-de-vin déguisés, sans quoi ils ne seront pas servis. L’Etat a fixé les prix du quintal à 2000 DA, mais ces sangsues le revendent 40 % plus cher (2800 DA). »
D’aucuns soulignent, aussi, que les boulangers ont eux tout autant, contribué à la raréfaction du pain ordinaire, et ne se mettent qu’a panifier du pain dit de « meilleure qualité », car plus cher (de 15 à 20 DA la baguette).
Les associations de boulangers denoncent, par ailleurs, une mauvaise planification des congés En effet, pour eux les minotiers ont libéré bon nombre de leurs personnels durant ce mois d’août, oubliant de fait, la notion de service public.
Pourtant des sources affirment que les 432 moulins à travers le territoire national, sont actuellement en production sans interruption, car il leur est interdit tout arrêt en prévision d’une quelconque urgence.
Pénurie déguisée?
Omar Boudjaatat, boulanger à Mohammedia nous explique que «les boulangers sont sous pression. D’une part, le fort mécontentement des consommateurs qui ne trouvent pas de pain, et d’autre part, le quasi- monopole des distributeurs qui nous imposent des prix au risque de nous mettre sur la paille. Sans oublier nos commis qui partent rejoindre leur famille, quel qu’en soit le prix, quitte à perdre son travail. ». Et de préciser que « si la farine manque, alors qu’elle est, pourtant, suffisante en quantité, c’est aussi à cause du manque de contrôle de la filière distribution. Certains boulangers qui « graissent la patte», sont servis en flux continu, mais pour ceux qui se conforment à la règle, c’est un flux tiers discontinu. Il m’est arrivé de ne pas avoir de farine durant 4 jours »
Pourtant, même avec ce manque de matière première, l’Ugcaa (Union nationale des artisans et commerçants algériens), réfute cette thèse et rejoint en cela les affirmations du ministère du Commerce pour qui il n’y a aucun manque et encore moins une pénurie, et demande à ces adhérents « à ne pas céder à la rumeur »
Tension « organisée » sur le pain
Si pour le moment le chaines devant les boulangers ne sont pas très importantes, pour l’Anca (Association des commerçants et artisans algériens), la pénurie existe bel et bien. Hadj Tahar Boulenouar qui dirige cette association nous a expliqué que « les boulangers qui ne fabrique plus de pain « normal », sont en nombre sans cesse croissant», avant de de préciser que les causes de cette pénurie sont du fait «de boulangers qui produisent du pain amélioré, croissants et autres et que la marge bénéficiaire du boulenger sur le pain normal est minime et est à l’origine de la fermeture de plusieurs d’entre eux». Quant au manque de farine, M. Boulenouar nous a assuré que les quantités existent « mais que le système de distribution est à revoir » expliquant que «le problème est que le farine est détournée vers d’autres usages comme les gâteaux. Une partie des stocks lésinée au pain n’arrivent pas aux boulangers », a-t-il souligné. Pour y faire face, il préconise de « revoir le politique les subventions de l’Etat »
En attendant que cette complexe situation s’éclaircisse, les files d’attente devant les boulanger restent présentes.
R. H.