Les matières premières agricoles sous pression en novembre : Quelles perspectives pour décembre ?

Bourse de New York

Photo : D. R.

Les marchés des matières premières agricoles ont connu un mois de novembre difficile, marqué par la baisse des prix de la plupart des produits, dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale, de hausse des coûts de production et de tensions géopolitiques. Quelles sont les causes de ce repli et quelles sont les attentes des investisseurs pour le mois de décembre ?

Par Amel Sadaoui

L’un des principaux facteurs qui a pesé sur les cours des matières premières agricoles en novembre est la dégradation de la conjoncture économique mondiale, qui a réduit les perspectives de croissance de la demande. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance mondiale devrait ralentir à 3,9% en 2023, après avoir atteint 5,9% en 2022, en raison du resserrement des conditions financières, de la persistance de la pandémie de Covid-19 et de la montée des tensions commerciales et géopolitiques. Le FMI a notamment revu à la baisse ses prévisions pour les États-Unis, la zone euro et la Chine, les trois principaux consommateurs de matières premières agricoles.

La demande de produits agricoles est également affectée par la hausse des prix de l’énergie, qui renchérit les coûts de production et de transport, et par la baisse du pouvoir d’achat des ménages, qui réduit la consommation de produits non essentiels, comme le cacao ou le café. Par ailleurs, la vigueur du dollar, qui s’est apprécié de 4,5% par rapport à un panier de devises en novembre, rend les matières premières libellées en dollar plus chères pour les acheteurs étrangers.

Une offre abondante

Un autre élément qui a contribué à la baisse des prix des matières premières agricoles en novembre est la bonne disponibilité de l’offre, qui a compensé la faiblesse de la demande.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production mondiale de céréales devrait atteindre un niveau record de 2.809 millions de tonnes en 2023, en hausse de 1,3% par rapport à 2022, grâce à des conditions climatiques favorables dans la plupart des régions productrices.

La production mondiale de sucre devrait également augmenter de 4,4% en 2023, à 188 millions de tonnes, tandis que celle de cacao devrait rester stable à 4,8 millions de tonnes.

Face à cette abondance de l’offre, les stocks mondiaux de matières premières agricoles se sont accrus, ce qui a exercé une pression à la baisse sur les prix. Selon la FAO, les stocks mondiaux de céréales devraient atteindre 883 millions de tonnes à la fin de la campagne 2023/2024, en hausse de 2,6% par rapport à la campagne précédente.

Les stocks mondiaux de sucre devraient également augmenter de 4,1%, à 42 millions de tonnes, tandis que ceux de cacao devraient rester stables à 1,7 million de tonnes.

Des perspectives incertaines pour décembre

Dans ce contexte, les investisseurs se montrent prudents pour le mois de décembre, qui pourrait être marqué par une nouvelle volatilité des prix des matières premières agricoles. Plusieurs facteurs pourraient en effet, influencer l’évolution des marchés, selon plusieurs analystes.

D’abord, il y a la politique monétaire des grandes banques centrales, qui pourrait avoir un impact sur le niveau des taux d’intérêt, le cours du dollar et l’appétit pour le risque des investisseurs.

La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait annoncer le 15 décembre une accélération de la réduction de ses achats d’actifs, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir sa politique accommodante. La Banque populaire de Chine (PBOC) pourrait également assouplir sa politique monétaire pour soutenir la croissance.

En second lieu, les conditions climatiques pourraient avoir un impact sur la production et la qualité des récoltes. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il y a une probabilité de 90% que le phénomène climatique La Niña se produise entre décembre 2023 et février 2024, ce qui pourrait entraîner des sécheresses dans certaines régions productrices de matières premières agricoles, comme l’Amérique du Sud ou l’Afrique australe, mais aussi des pluies abondantes dans d’autres régions, comme l’Asie du Sud-Est ou l’Australie.

Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte des tensions géopolitiques, qui pourraient perturber les flux commerciaux et les approvisionnements de matières premières agricoles.

La situation en Ukraine, où la Russie a massé des troupes à la frontière, suscite des craintes d’une escalade militaire, qui pourrait avoir des répercussions sur le marché du blé, dont l’Ukraine est l’un des principaux exportateurs. La crise diplomatique entre la Chine et les États-Unis, et qui s’est aggravée après le boycott diplomatique des Jeux olympiques d’hiver de Pékin par Washington, pourrait également affecter les échanges de produits agricoles entre les deux pays, notamment le soja, dont la Chine est le premier importateur mondial.

Les investisseurs attentifs

Face à ces incertitudes, les investisseurs devraient rester attentifs aux signaux du marché et aux opportunités qui pourraient se présenter. Selon Rabobank, une banque spécialisée dans le secteur agricole, certains produits pourraient bénéficier de facteurs favorables en décembre, comme le café, dont la production au Brésil, le premier producteur mondial, a été affectée par le gel, ou le coton, dont la demande reste soutenue par la reprise du secteur textile. 

D’autres produits pourraient en revanche subir des pressions à la baisse, comme le sucre, dont l’offre devrait dépasser la demande, ou le maïs, dont les prix sont corrélés à ceux du pétrole, qui a chuté de 10 % en novembre.

A.S.

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