L’Algérie, qui mise sur l’agriculture saharienne pour garantir sa sécurité alimentaire, est appelée à mettre en place une stratégie et une vision bien claires pour le développement de ce secteur, tout en veillant sur sa durabilité et rentabilité.
Par Akrem R.
C’est le thème d’une conférence débat organisée hier, samedi, par l’Association Torba en partenariat avec le Groupe de réflexion Filiha Innove, marquée par une présence d’une panoplie d’acteurs du terrain et d’experts universitaires.
En effet, les participants ont tenté de répondre à la question suivante : « Comment encourager de grands projets structurants, tout en garantissant la durabilité, la rentabilité et le développement du territoire?».
Une question centrale et cruciale à la fois pour l’Algérie qui ambitionne d’atteindre son autosuffisance alimentaire, notamment, en céréales, légumineuses, oléagineuses et lait.
Les défis sont donc énormes, nécessitant une synergie entre les différents acteurs, tout en associant le monde de la recherche afin de mettre en place des solutions adéquates pour les différentes contraintes auxquelles fait face l’agriculture saharienne.
De l’avis d’experts présents à cette rencontre, le développement de l’agriculture saharienne n’est pas une mince affaire.
À l’exception de deux wilayas, à savoir Biskra et El Oued, qui produisent actuellement autour de 20 à 30% de la production nationale, aussi bien en maraîchage qu’en pommes de terre, les autres wilayas, par contre, bien qu’il y ait eu des success-story, ont rencontré certains problèmes, a fait savoir Karim Rahal, enseignant universitaire et membre de l’association Torba qui milite pour l’agro-écologie, une agriculture saine, sans intrants chimiques ni pesticides.
Des contraintes persistent
Pour illustrer ses propos, l’intervenant a fait savoir que depuis 40 ans, sur les 2 400 000 hectares octroyés, dans le cadre de la loi 93-18, accession à la propriété foncière agricole pour la mise en valeur des terres salariales, il n’y a que 400 000 hectares utilisés en 2021.
Ceci démontre qu’il y a de véritables problèmes à résoudre et que l’agriculture saharienne fait face à de nombreuses contraintes.
Parmi les limites de l’agriculture saharienne, c’est d’abord les coûts de production qui sont très élevés.
Pour l’agronome Karim Rahal, « ça coûte très cher d’investir dans le Grand Sud, par rapport au Nord, évidemment, parce qu’il faut ouvrir des pistes, ramener l’électricité et faire des forages».
À tout cela s’ajoute, le problème de main-d’œuvre qui commence à à se faire sentir. L’autre menace qui guette le développement de cette agriculture, c’est la salinité de sol et sa dégradation.
Son traitement est très coûteux, nécessitant l’injection de plusieurs intrants et traitements chimiques des maladies.
«Les monocultures de sol saharien sont demandeuses d’intrants, d’intrants chimiques», souligne-t-il, précisant que beaucoup d’agriculteurs finissent par abandonner des parcelles à deux pôles, parce que ce n’est plus cultivable quand il y a trop de sel.
Également, un problème qui commence à surgir actuellement, c’est le rabattement des nappes d’eau (diminution des quantités d’eau), ajoute-t-il, soulignant qu’elles ont baissé en moyenne de 50 mètres au cours des dernières décennies.
Une production entre 50 à 60 quintaux/ha
Pour sa part, l’agronome, Pr. Brahim Mouhouche a soulevé la problématique du rendement, en indiquant que le seuil de la rentabilité pour les cé- réales est de l’ordre de 50 à 60 quintaux/ha. Donc, les projets lancés dans le Sud du pays doivent avoir ce seuil minimum de production.
Il a souligné que l’investissement au sud, tout investissement concerné, y compris l’eau, tout ce qui est mis en valeur, est chiffré entre 70 et 100 millions de centimes par hectare !
Concernant la disponibilité de l’eau, l’intervenant a fait savoir qu’il y a beaucoup plus de problèmes à l’Est qu’à l’Ouest du Sahara, mais l’avantage de l’Ouest par rapport à l’Est, c’est que cette eau qui n’est pas profonde, n’est pas chaude et n’est pas salée».
En somme, les participants ont plaidé pour une agriculture saharienne durable et des propositions ont été faites pour améliorer cette agriculture insistant sur le rôle des rotations des sols qui, selon le membre de l’Association Torba, permettent d’améliorer la qualité des sols et de diminuer les maladies. Cependant, l’avenir de l’agriculture saharienne ne se limite pas à des solutions agricoles.
Torba et ses partenaires réfléchissent à un projet plus global qui intègrerait, également, le développement urbain, plaidant pour une agriculture durable, un modèle diversifié, inspiré des pratiques ancestrales des oasis.
Lors de cette conférence, il a été question de repenser les villes sahariennes en s’appuyant sur l’architecture traditionnelle des oasis, tout en intégrant des infrastructures modernes.
L’objectif est de créer des espaces de vie durables, où la population pourrait s’installer dans des conditions confortables tout en pratiquant une agriculture respectueuse de l’environnement.
Les experts présents ont proposé des plans ambitieux pour concilier urbanisation et préservation des ressources naturelles, un équilibre indispensable pour garantir un avenir viable dans cette région.
Enfin, le débat sur le modèle agricole à adopter reste ouvert, mais les participants semblent s’accorder sur la nécessité d’opter pour des solutions locales, inspirées par le passé, tout en étant résolument tournées vers l’avenir.
A. R.