L’année vient juste d‘être entamée, que déjà, les boulangers appellent à une majoration du prix du pain subventionné. Cette corporation justifie sa demande par les prix élevés de tous les intrants dans la préparation du pain. À titre d’exemple, les boulangers citent la levure, les améliorants, la main-d’œuvre, l’électricité et gaz. Selon eux, cela ne leur permet pas de garantir une marge bénéficiaire acceptable. Si cette demande s’en trouve justifiée par les boulangers, elle n‘en a pas moins suscité la réprobation des consommateurs et du syndicat des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) , qui s‘est démarqué de cette démarche.
Par Réda Hadi
En effet, l’Ugcaa dans un communiqué, rendu public, samedi soir, dit «se démarquer» des appels à augmenter le prix de la baguette subventionnée, à 15 DA, assurant que toutes les revendications légitimes des boulangers avaient été soumises aux autorités publiques, et met en garde que ce comportement «exposera le boulanger aux sanctions en vigueur». Par la même occasion, l’Ugcaa demande aux boulangers de «faire preuve de plus de compréhension et de patriotisme». Une attitude dénoncée par beaucoup de ces artisans qui ne comprennent pas la réaction de cette union.
Omar Boujdaatat, boulanger à la cite 618 logements à Mohammadia, à l‘est d‘Alger, nous a fait part de son indignation face à ce qui ressemble pour lui à «une menace».
Pour cet artisan, «la demande est justifiée et légitime. Nous n‘en pouvons plus. Même subventionné, et à ce prix, nous n‘en tirons aucune marge bénéficiaire et nous travaillons à perte. Beaucoup de mes confrères ont, d’ailleurs, cessé leurs activités. Tout a augmenté. Il ne suffit pas de fixer un prix, pour que celui-ci réponde à la réalité du marché. Nous aussi nous avons des familles à nourrir et nous payons nos impôts», avant de conclure : «En clair, si les artisans ne trouvent pas d’autres alternatives, en plus du pain normal, tels que le pain de semoule ou d’orge, ils fermeront, étant donné que le prix de ce produit ne cesse d’augmenter, de trimestre à un autre. Et ce, depuis le début de 2021. Le taux de cette hausse équivaut 10 à 15 %. Sans aucune marge bénéficiaire, ce sera la faillite pour beaucoup d‘entre nous»
Cette demande d’augmentation du prix de la baguette de pain a commencé à faire parler d’elle, dès l’été 2021. Après que ce produit ait commencé à se raréfier sur le marché, il finit par réapparaitre, mais avec une augmentation de 50%. Une augmentation injustifiée pour les pouvoir publics et les associations de consommateurs, mais qui, par la force de choses, a fini par s’imposer d‘elle-même.
La politique des subventions en cause
Pour des observateurs, cette demande d’augmentation révèle, au grand jour, les limites de la politique de subventions et des politiques économiques engagées par les pouvoirs publics.
M. Akli Moussouni, (expert senior Directeur des programmes du Cabinet CIExpert), estime que «la demande est légitime, mais pose un véritable problème de fond pour les pouvoir publics. Il s’agit, en fait, de concilier une demande, sans pour autant toucher au portefeuille des ménages. Pour diminuer les déséquilibres de notre balance commerciale, on a eu recours à la solution de facilité. Diminuer au maximum les importations. Sauf que, pour notre cas, vu que nous sommes dépendants des prix du pétrole qui ont considérablement chuté, et que nous ne produisons presque rien, limiter les importations n’a fait que mettre en péril un appareil de production bancal, très dépendant d’intrants de l’étranger, et qui, avec la pandémie, ont connu des hausses. C’est là notre point faible. Par ailleurs, les prix sur les marchés mondiaux répondent à l‘offre et à la demande, et, avec une offre qui baisse et une demande qui croit, les prix augmentent. Cela impacte les entrants. C‘est l’effet Domino. Des dizaines d‘entreprises ont été mises en difficulté, dont les artisans boulangers, et cela, sans compter la baisse du dinar, l‘inflation, l’érosion du pouvoir d’achat. Tous ces paramètres, conjugués à la baisse du cours du pétrole, ont mis à nu une politique économique inadaptée»
De son côté, selon des confrères, l’Organisation algérienne de Protection des Consommateurs, a estimé que le prix du pain ordinaire est réglementé en Algérie. Ce qui ne laisse pas de marge à l’augmentation, sans la décision du gouvernement. En conséquence, l’Apoce prendra en compte les dépassements et demandera aux services de la réglementation d’agir. Et ce, pour arrêter les abus sur le consommateur.
R. H.