L’ENIEM en est un exemple édifiant : Les EPE à la recherche d’un nouveau souffle

Usine ENIEM Tizi Ouzou

Dans le cadre des efforts tendus vers la relance de l’économie productive et l’intensification des investissements créateurs de valeur ajoutée et d’emplois, un intérêt particulier est accordé aux entreprises relevant du secteur public (EPE) afin d’évaluer et de jauger leur capacités à s’adapter au nouveau contexte et à la nouvelle politique du gouvernement qui s’appuie essentiellement sur la réduction des importations et l’encouragement de la production locale. Cette orientation est venue plusieurs années après une ouverture problématique sur les produits européens, favorisés par les dégrèvements douaniers dictés par l’accord d’Association avec l’Union Européenne, signé en 2002 et entré en vigueur en 2005.

Par Amar Naït Messaoud

D’ailleurs, dans le contexte de changements introduits dans la politique économique du pays depuis 2021, cet accord n’a pas encore bénéficié d’un nouveau « calibrage », qui serait le consensus de deux parties, Algérie et UE, permettant de le faire adapter aux nouvelles orientations politiques et économiques de l’Algérie après les diverses ré- évaluations d’étapes qu’il a connus entre 2005 et 2015.

En octobre 2021, le président Tebboune avait donné des instructions afin de « revoir les dispositions de l’accord d’association avec l’Union Européenne (UE), clause par clause, en fonction d’une vision souveraine et d’une approche « gagnant-gagnant », en tenant compte de l’intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des emplois ».

Si l’on évoque l’accord d’Association à l’occasion de l’examen de la problématique des entreprises algériennes, et plus particulièrement des entreprises publiques économiques, c’est que les deux termes de l’équation sont fortement liés.

En effet, les faveurs douanières/fiscales dont avaient bénéficiés les produits exportés de l’Europe dont la nomenclature s’allongeait année après année- dans le cadre de cet accord, avaient sérieusement ébranlé la production nationale du fait de l’impréparation de celle-ci à soutenir la concurrence qui lui est faite.

Sous d’autres formes et avec d’autres valeurs, la production nationale- des secteurs public et privé- a subi également la pression des importations issues des pays asiatiques, essentiellement de Chine, et celles en provenance de la Turquie.

La révision de la politique des importations, réduites aux produits jugés essentiels, non disponibles en Algérie, a reconfiguré les données du monde l’entreprise.

Par certains de ses aspect, cette voie a permis à certains produits algériens de « souffler » quelque peu et de prendre une place dans le marché national.

Sous un autre regard, la politique des restrictions des importations n’a pas manqué d’impacter négativement le fonctionnement de certaines entreprises publiques et privées, étant privées de la matière première ou de semi-produits nécessaires à la fabrication du produit final.

Il en est ainsi par exemple de l’Eniem de Tizi-Ouzou, qui avait, il y a deux ans « libéré » ses travailleurs, près de 1700, pour un congé technique forcé en raison de l’absence de matière première et semi-produits qu’elle avait l’habitude d’acquérir de l’étranger.

Cela arrive dans un contexte déjà morose de l’entreprise, où la banque, la BEA, qui lui accordait des crédits pour l’achat de ses produits, avait refusé de lui débloquer de l’argent en raison de la santé financière peu enviable de l’ancien fleuron de l’électroménager national. Sa dette, auprès de la BNA avait atteint un montant de 4,4 milliards de dinars.

Le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, a déclaré en août dernier, lors d’une visite au siège de l’Eniem, que l’ouverture du capital de l’entreprise pour un partenariat national ou étranger s’imposait « pour sauver l’entreprise ».

Le ministre de l’Industrie avait soutenu que le choix d’ouvrir le capital de l’entreprise pour un partenariat « relevait des responsables de l’entreprise même ».

Pour cela, il a expliqué qu’il était nécessaire de mettre en place un programme effectif de travail afin de surmonter les contraintes auxquelles fait face l’Eniem.

SORTIR DU CERCLE VICIEUX RÉDHIBITOIRE

Avec la nécessité d’établir un programme de travail et l’accès quasi-impossible à certains inputs, une sorte de cercle vicieux semblait se dresser autour de cette ancienne société nationale, qui avait produit des millions d’unités d’électroménager, avec un niveau de qualité qui, lui, reconnu internationalement [l’Eniem avait obtenu en 1998 la certification ISO 9002 dans le cadre de ce qu’on appelait à l’époque la ‘’transition vers l’économie de marché’’], et qui avait crée des milliers d’emplois en faisant vivre des dizaines de milliers de familles dans un grand rayon géographique.

Mieux que la première certification internationale ISO (international standardisation for organisation), l’Eniem se conformera à toutes les versions postérieurs de l’ISO instaurant une qualité des produits enviée à l’échelle continentale.

Le parcours des entreprises publiques a été semé de plusieurs embûches, particulièrement à partir de 1994, lorsque l’Algérie passa sous les fourches caudines du Fonds monétaire international (FMI) et subit le Plan d’ajustement structurel (PAS) consécutif au rééchelonnement de sa dette extérieure.

Ce Plan a été à l’origine du licenciement de centaines de milliers de travailleurs des entreprises publiques au sein desquels on avait diagnostiqué ce qui s’appelait alors « pléthore du personnel ».

Et ce furent des dizaines d’entreprises qui mirent alors les clefs sous le paillasson. L’Eniem traversa cette période cahin-caha, avec ses contraintes, ses risques et ses défis.

Durant les deux premières décennies des années 2000, plusieurs formes d’organisations ont été « essayées » sur les entreprises publiques- des holdings aux groupes- , en définissant des relations pas toujours claires avec leurs tutelles ministérielles. Leur niveau d’autonomie oscillait au gré des gouvernements et des ministères de rattachements.

Sans doute, la seule « constante » dans le traitement qu’on avait réservé aux EPE, étaient les opérations d’assainissements successifs qui avaient consommé des sommes considérables du budget de l’État.

Les tentatives de restructuration des années 2007 et 2010, sous l’impulsion du ministère de l’Industrie et de la promotion des investissements, avaient abouti à quelques privatisations hasardeuses, dans lesquelles, dans plusieurs cas, on n’avait gardé ni le volume et le rythme de production ni les emplois. Ce flop sonna le glas de la politique des privatisations. Ce n’est que tout récemment que cette vision a été exhumée une nouvelle fois avec cette fois-ci la vente d’actions pour des particuliers et des entités professionnelles (entreprises, établissements) de certaines EPE, à l’image du Crédit populaire d’Algérie (CPA) qui a bénéficié de l’opération « Offre publique de vente » (OPV) entre le 30 janvier et le 28 février derniers.

PLAN DE REDRESSEMENT ET 3,5 MDS de DA DE SUBVENTION

S’agissant de l’Eniem de TiziOuzou, elle a vécu des moments difficiles au cours de ces deux dernières années, faisant que, sur une capacité de production de 220 000 appareils, l’entreprise n’en a produit que 35 000 au cours de l’année 2022.

Cette période cruciale de la vie de l’entreprise a été caractérisée par la quasi absence de matière premières et de semi-produits entrant dans la compostions des produits finis, le chômage technique, pendant plusieurs mois, des travailleurs et de une lourde dette contractée auprès de la BEA.

Le ministre d’l’Industrie avait écarté, en 2023, la possibilité de l’effacement de la dette, indiquant que « pour effacer la dette d’une entreprise, il faudrait que celle ci produise et enregistre des bénéfices », ajoutant que, pour préserver les postes d’emploi de l’entreprise qui sont menacés, « un plan de modernisation et de relance de la production » est indispensable».

Le ministre, lors de son déplacement au siège de l’entreprise, avait affirmé que «la gestion moderne exige de fixer des objectifs et les moyens d’y parvenir », en expliquant la nécessité de la mise en place des contrats de performance pour tous les cadres de cette entreprise afin, justement, de fixer des objectifs et les moyens à mettre en place pour les atteindre.

C’est dans ce contexte décisif qu’est intervenue la décision du gouvernement d’octroyer une subvention de 3,5 milliards de dinars à l’Eniem de Tizi-Ouzou, annoncée le 13 mai dernier par le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique lors de sa visite au siège de l’entreprise qui, à l’occasion, a rappelé « les efforts colossaux de l’État pour la sauvegarde de ce fleuron de l’industrie nationale ».

Le ministre a insisté que cette subvention doit être utilisée pour « produire de la valeur et garantir la pérennité de l’activité du complexe ».

A. N. M.

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