L’élevage camelin en Algérie fait face à plusieurs contraintes. Malgré ses aptitudes et ses spécificités, il est resté longtemps marginalisé, ce qui a engendré une érosion de la filière cameline marquée par une forte régression des effectifs.
Par Akrem R.
Le dromadaire a fait l’objet de peu d’attention. On peut faire le constat actuel qu’il s’agit d’un élevage marginalisé, la plupart du temps absent des actions de développement, et première victime de la dégradation des pâturages. C’est ce qu’a montré une enquête menée sur plusieurs années dans les trois grandes aires de distribution du camelin en Algérie à travers les régions du Souf (sud est), du Hoggar (extrême sud) et de Tindouf (sud ouest), par les chercheurs Abdelkader Adamou et Bernard Faye publiée par Cread. En effet, des contraintes majeures se dressent en obstacles au développement de l’élevage camelin. La sécheresse prolongée de ces deux dernières décennies n’a pas permis la régénération de la flore fourragère, d’autant plus que durant cette sécheresse qui semble perdurer, aucun programme de gestion pastorale n’a été envisagé. Les parcours ont connu une telle dégradation que même des plantes vivaces connus pour leur résistance à la sécheresse ont disparu de certains parcours. Cette situation a entraîné une chute du cheptel camelin, résultant des mortalités, de l’absence des naissances et de l’accélération de la vente car l’une des stratégies adoptées face à cette régression du couvert végétal consiste à vendre une partie des animaux pour acheter des aliments (orge) dans le seul but d’assurer la survie du reste du cheptel camelin. D’autres éleveurs ne faisant pas recours à la complémentation, préfèrent partir continuellement à la recherche de pâturage même si cela demande de longs déplacements avec tous les problèmes que cela pose. Mais les petits propriétaires ne disposent d’aucun moyen pour affronter une sécheresse dévastatrice et aucune adaptation au niveau du système de production n’est envisagée, telle l’émigration ou des activités complémentaires, et l’Etat n’était d’aucun secours pour ces éleveurs camelins qui restaient impuissants devant le nombre considérable de mortalités enregistrées. L’abreuvement constitue également un autre problème pour le chamelier d’autant plus que l’eau reste un paramètre qui échappe complètement au contrôle de l’éleveur et dépend des capacités hydrauliques de la région, donc de la pluviométrie et des réserves souterraines. Or, dans les trois aires de distribution du camelin, le manque de puits est très ressenti (dans la région de Tindouf, en moyenne un puits tous les 612 km2) ; les puits sont caractérisées par un déséquilibre dans la répartition spatiale, et ils sont pour la majorité endommagés ou abandonnés. Ajoutant à cela, l’élevage camelin est un élevage à rotation très lente. Longueur de l’intervalle entre deux mises bas (la chamelle ne produit que 0.39 chamelon par an soit un chamelon tous les 30 mois).
Ainsi, le soutien de l’Etat reste insuffisant. En effet, en dehors de la prime à la naissance initiée par le ministère de l’Agriculture, opération éphémère car n’ayant pas été réfléchie en tenant compte des réalités du terrain et parce que, également, les premiers concernés (chameliers) n’ont pas été associés à la réflexion, l’Etat n’a fait aucun effort pour revenir en aide à cette catégorie d’éleveurs et ce, à quelque niveau que ce soit (alimentation, crédits assurance…).
140 000 têtes de cheptel seulement !
L’étude a soulevé également le problème de la succession. Cette contrainte est surtout ressentie par les bergers. En effet, leurs fils ou leurs frères commencent à se désintéresser de l’activité de gardiennage pour aller chercher en ville des emplois plus rémunérateurs stables et moins contraignants. Les accidents de la route viennent s’ajouter aux autres problèmes expliquant la régression des effectifs. Une autre cause est à l’origine de ces accidents : après les pluies, l’eau stagnante dans les différents fossés le long de la route, attire les animaux. Les bergers se plaignent de l’absence de toute assurance couvrant les animaux dans de telles situations ; pire encore, ils n’osent pas se manifester de peur de se voir verbalisés. Face à toutes ses contraintes, l’éleveur camelin continue à lutter seul contre la précarité de son existence, de celle de sa famille et de la vie de son troupeau camelin, l’unique trait d’union avec sa vie pastorale.
Au final, l’élevage camélin souffre d’une absence de reconnaissance économique, en dépit de son rôle social éminent en zone désertique et subit les conséquences des dégradations répétées de son environnement obérant sa productivité zootechnique et numérique. Ces contraintes induisent une régression des effectifs camelins, si bien que le cheptel ne compte actuellement que 140 000 têtes. On est loin des 260 000 dromadaires qui sillonnaient les parcours sahariens de l’Algérie en 1890.
A. R.