L’élection présidentielle du 07 septembre 2024 en Algérie : Face aux tensions géostratégiques et à une situation socio-économique complexe

Abderrahmane Mebtoul

Il faut éviter les promesses non réalisables car les lois économiques sont insensibles aux slogans politiques. Les grands défis pour l’Algérie, économie fondamentalement rentière, entre 2025/2030, sera la relance économique par une stratégie d’adaptation, face aux importants enjeux internes et aux nouvelles mutations géostratégiques mondiales.

Par Abderrahmane MEBTOUL

1.-Espérons, loin des promesses utopiques sans analyses objectives de certains responsables ou experts organiques qui n‘ont d’ailleurs aucune influence ni sur l’opinion nationale ni sur l’opinion internationale, qu’une exportation hors hydrocarbures, de 30 milliards de dollars horizon 2029/2030, cette rente puisse contribuer à asseoir une économie diversifiée dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux.

En ce début de septembre 2024, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach, s’étant classée au 7eme rang mondial en matière de volumes exportés en gaz naturel en 2023, avec un total de 52 milliards de mètres cubes. Elle procure, selon les statistiques officielles, entre 92/93% des recettes en devises -pétrole et gaz brut et semi brut.

Si on inclut les dérivées hydrocarbures représentés dans la rubrique exportations hors hydrocarbures, qui sont passées selon la banque d’Algérie de 5,9 milliards, les statistiques douanières donnant un montant pour 2022, de 6,9 milliards de dollars à 5,01 fin 2023, tant pour 2022 que 2023 et certainement pour 2024, nous avons, 98% des recettes en devises qui proviennent de Sonatrach.

Au sein de la structure du produit intérieur brut, les statistiques officielles donnent environ 35% pour le secteur énergie.

Mais Sonatrach, alimentant indirectement la majorité des segments agriculture, industrie, services, en triangularisation mathématiquement la matrice du PIB, nous avons en réalité, plus de 75% dans sa contribution au PIB.

La réalité est que Sonatrach irrigue l’ensemble de l’économie algérienne ayant permis un taux de croissance de 4% en 2023, des réserves de change d’environ 69 milliards de dollars fin 2023, non comprises les 173 tonnes d’or, même volume depuis 2004/2005, et un montant important des transferts sociaux pour assurer la cohésion sociale d’un montant en 2023 de 5000 milliards de dinars soit au cours actuel de 134 dinars un dollar 37,31 milliards de dollars.

2.-L’Algérie devra, dans les années à venir, fonctionner avec plus de rigueur budgétaire afin de contenir tant la dette publique que l’important déficit budgétaire où tout montant non affecté à des activités productives a pour effet d’accélérer le taux d’inflation qui joue comme facteur de redistribution au profit des revenus variables , souvent des segments spéculatifs et pénalise les revenus fixes.

Selon les calculs de la BM et du FMI en prenant la lois de finances le pays a besoin d’un baril de pétrole de 149,2 dollars en 2023, certainement plus pour 2024 où les dépenses dépassent 110 milliards de dollars contre – 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 dollars pour l’exercice 2019/2020- afin d’atteindre l’équilibre budgétaire.

Avec une dette publique estimée à 49,5 % du PIB en 2023 (contre 48,1 % du PIB en 2022), les données internationales reprenant le PIB avant sa réévaluation, à près de 55% en 2023 , 58,8% en 2024 et 63,9% en 2025 ( https//fr.statistica.com, international), la loi de finances 2024 prévoit des dépenses de l’ordre de 15275,28 milliards de dinars soit au cours retenu de 134 dinars un dollar 113,99 milliards de dollars, un record historique, et des recettes de l’ordre de 9105,3 milliards de dollars soit 67,95 milliards de dollars, avec un déficit budgétaire de -6170 mds de dinars, soit au cours retenu de 134 dinars un dollars 46,04 milliards de dollar soit -17,4% du produit intérieur brut, estimé à 264 milliards de dollars contre le contre en 2023 40,35 milliards de dollars (–16,4% du PIB) estimé à 244/245 milliards de dollars, le cours ayant été de 137 dinars un dollar. Toute dérapage du dinar pour ne pas dire dévaluation tant vis-à-vis de l’euro que du dollar atténue le déficit budgétaire, mais étant une épargne forcée au détriment du consommateur, du fait que les recettes d’hydrocarbures sont converties en dinars dévalué par la Banque d’Algérie et que les taxes des importations s’appliquent également à un dinar dévalué mais pour ce dernier étant une épargne forcée supportée tant par les entreprises publiques et privées du fait que 85% des matières premières et équipements proviennent de l’extérieur, le taux d’intégration entre 2023/2024 ne dépassant pas 15%.

3.- Il faut un taux de croissance entre 2025/2030 de 8/9% pour absorber le flux additionnel annuel de demande d’emplois entre 350.000/400.000/an qui s ‘ajoute au taux de chromate évalué par les organismes internationaux en 2023 à plus de 14% et si l’on prend les dernières déclarations du ministre du travail du nombre de demandeurs d’allocations chômage, plus de 2, millions rapporté à la population active,13 millions en 2023, cela donne un taux entre 17/18%

L’on devra revoir le système de formation si l’on veut éviter de diplômés chômeurs, où avec les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle la structure de l’emploi à fortes qualification étant appelé à évoluer, et juguler ‘l’inflation qui a dépassé les 9/10% entre 2022/2023,et durant les 9 premiers mois de 2024 5/7% avec une tendance haussière durant le troisième trimestre 2024.

Pour atteindre 2028/2030 environ 400 milliards de dollars de PIB étant en 2023 de 244 milliards de dollars après avoir été réévalué par le gouvernement de 33% ayant inclus une partie de la sphère informelle, il y a lieu de lever les contraintes bureaucratiques , attirer les partenaires étrangers et réaliser de profondes réformes structurelles.

L’Algérie étant avant tout un pays gazier ( environ 2400/2500 milliards de mètres cubes de réserves du gaz traditionnel) et non un pays pétrolier ( entre 10/12 milliards de barils) se pose la question, comment doubler les exportations de gaz horizon 2028/2030, les exportations en 2023 ayant été de 52 milliards de mètres cubes gazeux dont 33% de GNL.

Pour cela il faudra produire 200 milliards de mètres cubes gazeux, 100 à l’exportation, 80% pour la consommation intérieure qui entre 2023/2024 approche les exportations actuelles, et injecter dans les puits pour éviter leur épuisement environ 20%.

Par ailleurs, le seuil de rentabilité d’une PMI/PME après sa date de mise en exploitation est de trois minimum et pour les projets hautement capitalistiques pas avant 5/7 ans dont , le projet du fer de Gara Djebilet , devant lever des contraintes techniques et le transport, la réalisation à l’aval de projets de transformations sidérurgiques.

Les autres projets structurants comme celui du port de Cherchell, de zinc et de phosphate sont toujours en négociation. Evitons de confondre lettres d’intention qui n’engagent nullement le partenaire étranger et d’évoquer le nombre de projets déposés mais de donner les réalisations effectives, en rappelant que les organes officiels avaient annoncé plus de 10.000 projets entre 2000/2020 mais à peine 15% ayant été réalisés, avec des projets de l’ex l’ANSEJ dont les prêts bancaires n’ont pu être remboursés.

En conclusion, outre les tensions géostratégiques aux frontières de l’Algérie, la situation socio-économique interne est complexe et la période 2024/2028 sera une période charnière, redressement national ou régression économique et sociale.

D’où l’urgence d’accélérer les réformes, devant nous orienter vers une économie de marché à finalité sociale, conciliant efficacité économique et cohésion sociale, loin des relations de clientèles de rente : la valorisation du savoir en intégrant la diaspora , une nouvelle gouvernance axée sur une plus grande rigueur budgétaire, une planification stratégique afin d’éviter de naviguer à vue, éviter des assainissements et réévaluations à répétition, des distributions de salaires sans contreparties productives qui conduisent à terme à la dérive sociale, devant favoriser des entreprises concurrentielles , qui seules créent de la richesse qui doivent s’adapter à la nouvelle reconfiguration mondiale.

A. M.

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