Leïla Ziouani, architecte diplômée de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) : «L’évènementiel ne doit pas être un outil de promotion, mais un levier de développement local»

Leïla Ziouani, architecte diplômée de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU)

Leïla Ziouani, initialement architecte diplômée de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU), est spécialiste de la communication et de l’événementiel, secteurs dans lesquels elle a exercé respectivement 20 et 16 ans. Manager après avoir obtenu un MBA de l’université de Lyon -3 Jeans Moulin. Formatrice aussi, s’étant formée pour le devenir. Aujourd’hui, Leila Ziouani est consultante formatrice en communication d’entreprise et en événementiel. Elle crée un réseautage de réflexion sur le statut d’auto-entrepreneur et sur l’événementiel.

Entretien réalisé par Zoheir Zaid

Ecotimes : Vous êtes spécialiste de l’événementiel. Des événements, il y en a beaucoup en Algérie, sous des appellations diverses, Salons, Foires, Workshop, etc. Quelle appréciation en faites vous ?

Leïla Ziouani : Il y a d’abord un gros potentiel de par la jeunesse avide de tous types d’événements, ouverte sur le monde grâce à Internet et porteuse de nouvelles idées.

Ensuite, il y a un cumul d’expérience sur 6 générations de cadres d’Etat qui ont veillé à organiser des manifestations d’envergure internationale tels que les grands tournois sportifs, les festivals culturels et autres.

Pour preuve, la première édition de la Foire Internationale d’Alger a eu lieu en 1965. Tous ces cadres partiront, ou sont déjà partis à la retraite, et une relève doit être assurée.

Enfin, depuis des décennies, des opérateurs privés qui se sont lancés dans l’événementiel ont acquis une expérience et se sont dotés de moyens matériels, logistiques, ainsi que des infrastructures considérables leur permettant d’assurer des prestations et de réaliser des montages et des installations événementielles dans les meilleurs conditions et dans les quatre coins du pays.

Certains sont même reconnus par des organismes de certification et d’autres sont primés à l’international. Plusieurs atouts sont donc disponibles pour prétendre à des évènements de niveau mondial.

Comment voyez-vous la situation de l’événementiel en Algérie : réalité, lacunes et remèdes ?

De grandes manifestations sont organisées et peuvent même être qualifiées de « réussies », et le travail mené derrière peut-être efficace. Toutefois, cela nous incite à nous interroger : mais cela est il efficient ? La question se pose vraiment, car nous sommes à l’ère de l’efficience et de la rationalité de notre consommation.

La dimension Responsabilité sociétale et environnementale de l’organisation événementielle doit être intégrée en amont. Par ailleurs, il n’y a pas de « R.Ex » (retour sur expérience), les mêmes erreurs sont parfois reproduites malgré le caractère répétitif de certaines manifestations.

Et enfin, pour reprendre le terme que vous proposez, le « remède » à toutes ces lacunes c’est la Formation ! Car aujourd’hui, il n’existe pas d’école ou institut qui forme aux métiers de l’événementiel.

Tout s’apprend sur le tas. D’où certaines lacunes caractérisant l’événementiel en Algérie. La formation est le seul véritable garant d’un avenir de l’événementiel en Algérie.

L’événementiel est quasialgérois. En d’autres termes, il est sur Alger plus qu’ailleurs, un peu à Oran, Constantine, Annaba, et Hassi Messaoud et Ouargla pour le Sud de l’Algérie. Comment le décentraliser davantage ?

C‘est un peu logique vous savez ; les événements que vous aviez vous-même énumérés sont d’ordre commercial ou corporatif. Il est donc normal qu’ils soient organisés là où l’activité économique est la plus développée et où la densité démographique est importante, c’est-à-dire au nord, et plus particulièrement à Alger.

Ça continuera à être le cas tant que l’événement sera considéré uniquement comme un « outil de promotion » aussi bien des entreprises que des produits. Les choses pourraient changer si l’événement serait considéré comme un « levier de développement local », car OUI il peut être un catalyseur des dynamiques économiques, sociales, et culturelles locales.

On pourrait propulser le tourisme et l’hôtellerie grâce à des conférences internationales, par exemple, ou par des festivals culturels et de grands tournois sportifs. C’est le cas pour le tour d’Algérie de cyclisme qui se tient en ce moment-même, par exemple et qui scionne plusieurs régions et villes d’Algérie.

L’organisation d’événements peut générer des emplois, même temporaires, dans plusieurs domaines qui gravitent autour de l’événementiel. On peut citer la restauration, la sécurité, le divertissement, le transport, … C’est aussi une source de revenu pour les commerces locaux et pour l’artisanat local.

Sans oublier qu’un événement est une occasion de se rencontrer, de tisser des liens sociaux et de renforcer la cohésion au sein d’une même communauté, au même titre que c’est une occasion de faire du réseautage pour des fins professionnelles dans certains autres contextes.

Lorsque des bénévoles prennent part à un événement local, cela renforce également l’engagement social par cette participation civique. Pour ce qui est du volet culturel, des événements locaux peuvent mettre en lumière le patrimoine culturel et historique d’une région ou d’une ville.

Les festivals folkloriques, les expositions d’art et les représentations théâtrales peuvent contribuer à préserver le patrimoine matériel et immatériel locaux.

En Algérie, et sans nulle intention de faire du négativisme, la traçabilité sur les statistiques liées à l’événementiel fait défaut. Et quand on en trouve ce sont des chiffres ronds, des prédictions chiffrées difficiles à vérifier, des noms récurrents, des ‘’thématiques-bateaux’’, etc. Pourquoi, selon vous, et que faut-il faire pour améliorer la donne ?

Vous avez entièrement raison, il y a un gros déficit en la matière chez nous. Entre autres, parce que l’événementiel n’est pas considéré comme un secteur à part entière ni même une filière. Sous d’autres cieux, il est un secteur économique à part entière et pourvoyeur de richesses pour certains pays.

Ensuite, les opérateurs qui exercent dans les différents métiers liés, ne sont pas encore organisés en groupement ou en association pour pouvoir échanger des données mutualiser et produire des statistiques fiables.

Il suffirait par exemple, d’utiliser les systèmes de billetterie et d’inscription pour obtenir des statistiques sur le taux de fréquentation des salons et expositions. Mener des petites enquêtes auprès des exposants pour mesurer leur taux de satisfaction et le taux de vente durant une manifestation commerciale.

En fait, chaque événement devrait faire l’objet d’un rapport post-event dans lequel toutes les informations générées suite à cet événement seraient incluses, ce qui permet de faire un retour d’expérience et d’améliorer sa performance pour les prochaines éditions.

Vous êtes également formatrice. Dans ce volet, il y a aussi beaucoup qui se disent détenir la compétence requise. Quel est selon vous, la méthode idoine pour se distinguer et ainsi, reconnaitre le ‘’bon’’ du ‘’mauvais’’ formateur ?

Je pense que c’est valable tel que soit le secteur ou la thématique dans lesquels on forme. Un certain nombre de connaissances et de compétences sont requises. Connaissances théoriques, mais surtout pratiques.

D’abord, il faut des connaissances de type Hard skills telles que la planification et gestion de projets, le marketing événementiel, la gestion des médias, le montage de projet d’événement, en plus de quelques notions en qualité-hygiène-sécurité-environnement et en Responsabilité sociétale.

Ensuite, il faut surtout avoir exercé dans le secteur de l’événement plusieurs années, je dirais au moins une dizaine. Et puis un certain nombre de projet d’événements cumulés dans sa carrière, mais avant tout, une expérience du terrain, que rien ne remplace.

Les soft skills telles que l’animation d’équipe de communication interpersonnelle sont également requises. Et comme pour tout formateur, de la pédagogie/andragogie mais surtout une volonté de transmettre et d’aider les autres à aller de l’avant.

Z. Z.

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