Avec l’ascension de la société civile- malgré ses limites et ses retards-, son implication progressive dans la gestion de proximité et dans le travail de sensibilisation sur divers thèmes sociaux, les besoins en matière de participation citoyenne montent en cadence et tentent de définir pour la société de nouveaux horizons sur le plan de la promotion sociale et de la modernisation de la gouvernance du pays. Néanmoins, pour de tels objectifs, les efforts à faire en matière d’éducation et de culture pour espérer rehausser le niveau de conscience des populations au diapason des nouveaux enjeux sont considérables.
Par Amar Naït Messaoud
Outre la famille, et bien avant les moyens consacrés par l’industrie culturelle moderne (multimédias, technologie numérique), le premier creuset de la formation de la citoyenneté demeure incontestablement l’école. En effet, à l’échelle du monde, le temps où l’école n’était vue que comme moyen ou canal de formation pour une ascension sociale quasi assurée, est révolu.
A cette fonction primaire ‘’utilitaire’’, s’est graduellement jointe une formation aux valeurs de la citoyenneté, au civisme et à la culture de la socialisation destinée à mieux insérer l’individu au sein du corps social auquel il appartient.
En réalité, ce ne sont pas là des fonctions tout à fait nouvelles identifiées ex nihilo, comme par une espèce de révélation. Elles font partie de ce qui est appelé par la littérature marxiste la fonction idéologique des institutions (mosquée, église, école, assemblées tribales,…).
Cependant, les connaissances modernes acquises dans la science psychopédagogique ont tout fait pour ‘’positiver’’ et formaliser ce qui fut naguère un fatras d’orientations idéologiques de l’école caractérisées par l’aspect conflictuel lié à la nature du régime politique.
Ainsi, parallèlement aux matières classiques que sont, entre autres, l’histoire, la géographie et l’éducation civique, sont venues notamment s’ajouter l’éducation environnementale et la formation artistique.
Ce sont des axes qui tendent à faire de l’école ou de n’importe institution éducative (centre de formation, université) un réceptacle pour la formation du bon citoyen de demain, un électeur averti et, éventuellement, un élu avisé.
La population scolaire dépasse les dix millions d’élèves dans notre pays, sans prendre en compte les élèves versés dans la formation professionnelle et les étudiants universitaires.
En tout, pas moins de 13 millions de jeunes algériens, âgés entre 6 et 25 ans, qui sont appelés demain à assurer la relève dans l’administration, les entreprises publiques et privées et dans les autres domaines de la vie nationale.
Même si peu de bien a été dit ces derniers temps de l’école algérienne- recul du niveau, distorsions en matière d’employabilité-, il n’en demeure pas moins que, au sein de cette institution et en dehors d’elle, des efforts méritoires, parfois par des anonymes, sont faits pour lui rendre ses lettres de noblesse et y créer des conditions optimales pour la prise en charge des questions censées être celles de l’homme et du citoyen modernes.
Sur le plan de l’éducation environnementale, outre des cours et des conférences organisés à l’intention des élèves par des organisations, des associations ou des administrations en charge de ce domaine, une campagne a été menée depuis 2008 par l’administration des forêts dans toutes les wilayas du pays en direction de la population scolaire sous la devise « un enfant, un arbre ».
L’ambition d’un tel programme est d’amener les élèves d’aujourd’hui, qui deviendront dans quelques années des adultes décideurs de leur destin, à intégrer la vision de l’environnement dans toutes leurs formes d’intervention dans la société et dans leurs comportements quotidiens.
À l’échelle de plusieurs générations
L’institution éducative est ainsi associée à l’effort collectif de ré- flexion et d’action pour la sauvegarde et la promotion de l’environnement. La sensibilisation pour les questions de l’environnement a été, il est vrai, marquée par un certain retard. En effet, au cours des deux dernières décennies, le pays est plongé dans une régression environnementale qui risque de coûter cher à la société tout entière.
Si certains phénomènes, avec les efforts et les investissements de la collectivité, peuvent être réversibles, d’autres, malheureusement, à l’image des changements climatiques, voient leur « réparation », dans le cas où techniquement elle peut être réalisée, s’étendre sur plusieurs générations.
Il en est ainsi du couvert forestier qui se réduit en peau de chagrin sur les territoires- le Tell algérien où la nature l’a doté de plus de diversité et d’espace. Le phénomène de désertification est une réalité qui impose ses risques chaque jour davantage. Le danger est là, menaçant le nord du pays.
Seule bande verte consistante que nos ancêtres ont pu nous léguer au cours d’une histoire qui ne leur a jamais fait de cadeau. Une histoire faite de guerres et de conflits dont le terrain d’expression est presque toujours les massifs forestiers et les maquis.
Cette forme de sensibilisation est aussi censée amener les élèves à réfléchir sur leur environnement le plus immédiat, à savoir surtout les milieux urbains qui étouffent sous la pression du béton, prennent un aspect fuyant et vertigineux sous la couleur ocre des vents de sables qui atteignent même la côte et, enfin, manquent visiblement de lieux ombragés où se rejoindraient le souci d’esthétique et de paysagisme et la volonté d’offrir aux populations des aires de repos et de détente.
Cette vision et cette recherche de réhabiliter le couvert végétal et les espaces verts aussi bien dans les campagnes que dans les milieux urbains ont pour base éducative la culture et l’esthétique de l’arbre.
Une exaltante expérience à renforcer
L’exaltante expérience conduite avec les enfants scolarisés a montré un franc engouement pour une coopération écoles-institutions publiques, ce qui se traduit par cette tendance qui fait que ce sont souvent les jeunes élèves, de niveau primaire ou moyen, qui prennent de nouvelles initiatives sur les lieux où il faut intervenir par des plantations (boulevards, cours des écoles, jardins publics, zone suburbaine) et les espèces d’arbres à adopter correspondant à chaque paysage.
En plus des travaux de plantation sur le terrain, d’autres formes de sensibilisation ont été initiées dans plusieurs établissements, comme les concours pour le meilleur dessin en relation avec la thématique de l’environnement, et singulièrement avec l’aspect paysager.
L’occasion nous a été donnée ainsi d’observer que, dans un grand nombre d’établissements scolaires, réside un trésor d’imagination et d’amour pour la nature. Lorsque l’esprit de l’enfant n’est pas bridé par de stupides interdictions et d’autres a priori, la réflexion et l’imagination qui en ressortent débordent de clairvoyance et de lumières.
A l’arbre, pris comme sujet de base, il est donné un prolongement par la faune et la micro-flore, le travail de l’homme dans les espaces naturels et d’autres détails à même de surprendre beaucoup d’adultes, allant jusqu’aux thèmes complexes de changements climatiques, d’inondations, d’incendies de forêts, etc.
Ainsi, sont représentés, sans que l’on ait à en formuler la demande, les principaux éléments de la biodiversité, concept manié par les techniciens, mais que les petits élèves d’un établissement primaire peuvent meubler par leur imagination débordante.
L’Algérie dispose de plusieurs structures administratives et techniques ayant pour mission officielle de prendre en charge les questions environnementales.
Depuis les bureaux d’hygiène de la commune (BHC) jusqu’au ministère de l’Environnement, en passant par l’administration des forêts, les directions de wilaya de l’environnement, les associations écologiques, les bureaux d’études et d’autres structures intermédiaires, toute une organisation réticulée dont la coordination et l’harmonisation des efforts n’ont pas encore atteint la stade de la maturité.
S’intégrer dans l’effort collectif
Il est évident que la sensibilisation de la population scolaire aux questions de l’environnement ne devrait pas s’arrêter à cette expérience d’«un arbre, un enfant», fût-elle un modèle de réussite.
Afin d’acquérir un caractère plus durable dans le temps, plus étendu dans l’espace et plus efficace en termes de résultats, l’expérience en question gagnerait à se diversifier et à s’enrichir en prenant en charge d’autres thèmes majeurs, à l’exemple de la pollution du milieu urbain, de la lutte contre la désertification, de la protection des ressources hydriques (barrages, retenues, sources, rivières, lacs, mares,…).
Des sorties sur le terrain avec les services concernés seront un plus qui aidera les jeunes à mieux appréhender les problématiques de l’environnement et à pouvoir les intégrer correctement dans le cursus scolaire.
Les bénéfices qui en seront tirés sont multiples : l’élève d’aujourd’hui sera l’étudiant et l’universitaire de demain. Les questions environnementales lui seront d’une telle familiarité qu’il pourra en faire un sujet de recherche, trouver des solutions à des problèmes complexes et tenaces et devenir un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics en matière de défense de l’environnement.
De même, la culture et le réflexe de l’esprit associatif sont appelés à être forgés dans ce contact charnel avec la nature et avec les responsables et techniciens chargés de la protection de l’environnement ayant pu jeter des passerelles avec l’institution éducative.
L’esprit et les valeurs de la citoyenneté commandent impérativement de pouvoir prendre conscience des défis et des enjeux auxquels fait face la société et de participer à l’effort général de ré- flexion aussi bien dans le domaine de l’environnement que dans d’autres tout aussi stratégiques dans la vie de la nation.
A. N. M.







